Blurring et communication : vers un nouvel écosystème marques/ consommateurs
Brouillage des frontières temporelles : mélange de tempos
On note d’une part beaucoup plus d'immédiateté dans la relation marques / consommateurs. La disponibilité des marques devient essentielle avec des engagements sur le temps de réponse pour un consommateur devenu impatient (comme Société Générale et ses réponses en moins de 30 minutes sur les réseaux sociaux) ; des teasers annoncés heure par heure (comme le fait Dior sur son fil Twitter) ; des formats plus courts, pour générer plus d'attention tout en continuant à faire rêver (succès de Vine comme fer de lance de certaines campagnes auto ou même l’utilisation de Snapchat par Juicy Couture).
Mais au-delà des temps courts, on note également un floutage des époques avec une nouvelle culture de navigation entre les temps et une facilité à mélanger les genres et les tempos. Le slow motion, devient un symbole de cette volonté de dessiner un nouveau rapport au temps, en permettant de faire une pause face à une accélération qui n’est pas toujours maitrisée. C’est aussi l’occasion de remettre au goût du jour certains objets emblématiques de notre passé, comme l'a fait Levis en connectant de vieux objets emblématiques de notre passé. Autre exemple : la diffusion d’archives sonores et visuelles par Chanel permet de faire un véritable voyage dans le passé ; et la reprise de sagas publicitaires d’il y a vingt ans – particulièrement efficaces – permet de rappeler tout le savoir-faire et l’expertise de la marque dans une logique de réassurance.
En résumé, la temporalité est en profond bouleversement, allant sans cesse du passé au futur, de l’accélération au ralentissement et vice versa.
Brouillage spatial : surprendre, flouter et s’immiscer
Les smart brands sont partout. Elles cultivent l’art de surprendre, en étant présentes là où on ne les attend pas. En développant notamment des objets connectés, avec une recherche d'utilité, pour une intégration maximale (bracelet Nike, goutte Evian…). Il est également intéressant de voir la communication devenir une vitrine de la marque : avec la dernière application Vuitton, les prints permettent d’accéder directement à la vente en ligne sur mobile. La frontière réel/virtuel est ainsi déplacée pour ne pas dire effacée. On peut également rapprocher la communication et le terrain, comme le fait Honda aux Etats-Unis avec sa campagne Vine qui met en scène ses concessionnaires, de façon personnalisée et intrusive.
L’émergence du « native advertising » témoigne aussi de cette présence et de ce mélange des genres : la frontière spatiale entre publicité et rédactionnel devient poreuse (liens sponsorisés, brand content avec production de contenu sur les sites médias...). Plus globalement, une esthétique du trompe-l’œil et des illusions d'optiques se multiplient (publicité Ray Ban ou Honda) ; les marques jouent donc sur cette perte de repères, avec une mise en scène de la fascination pour le produit.
Nouvelles frontières émotionnelles entre marques et consommateurs : trouver un nouvel équilibre
La mutation des relations statutaires marque / consommateur devient visible dans la communication, même si c’est parfois avec quelques hésitations, voire quelques frictions.Le consommateur, plus exigeant, voire critique, n’hésite plus à s’exprimer. En parallèle, face au consommateur qui prend le pouvoir et oblige à repenser leur rôle, certaines marques témoignent d’une légère crispation paranoïaque, ce qui donne lieu à des démonstrations assez rudes (stress-test pour un déodorant Nivea fondé sur des caméras cachées qui piègent les consommateurs, prises d’otages simulées par Renault pour faire tester le dernier modèle, consommateurs piégés par leur gourmandise chez Mikado…).
La marque désacralisée peut et doit donc proposer de l'inattendu ; ce qui va nous donner des communications de plus en plus émotionnelles et impertinentes. On rentre dans une logique de séduction qui devrait se déployer avec plus d’audace et de légèreté, sans nécessairement faire appel au grand spectacle, mais en s’orientant vers une parole plus intime et humble.
Moins de grand discours donc, mais plus de mises en situation pour une logique de preuve : montrer de quoi la marque est capable pour réussir à convaincre et ne pas être dans la sur-promesse. Il s’agit aussi de revenir aux fondamentaux, notamment en utilisant l’expression corporelle, dans toute sa simplicité notamment via la danse (comme Puma et son dictionnaire par le corps). Le blurring passe également par un certain lâcher prise de la marque, qui va préférer s’effacer au profit de son égérie (comme l’a fait Pepsi avec le clip de Beyoncé ). Une humilité que l’on retrouve enfin dans sa capacité à sortir de son univers confortable pour créer de toute part des « mèmes » et préempter un nouvel univers sur le digital comme Three et son désormais célèbre Poney.
Un floutage qui redessine donc complètement le rapport entre marques et consommateurs, pour une réflexion nouvelle entre intimité et extimité.
Quitter la logique de déclinaison d’une marque pour entrer en conversation, mouvante et multiple, et d’accepter une part de non maitrise pour une communication plus apaisée et assumée.