Emmanuel Macron face à une France pessimiste et divisée

Pour mieux comprendre l'état d'esprit des Français, Ipsos a réalisé pour Challenges une grande enquête sur leur moral, leur perception de l'état du pays et leurs attentes. Quelles perspectives pour les Français ? Quels sont les grands sujets au coeur de leurs préoccupations ? Quel regard portent-ils sur le chef de l'État ?

Un avenir bouché, une société bloquée ?

Si une nette majorité des Français se déclare satisfait de sa vie (72%), prêt d’un sur deux (45%) juge que le niveau de bien-être s’est dégradé au cours des dernières années, contre 44% qui estiment qu’il s’est amélioré. La part de ceux qui perçoivent une dégradation de leur niveau de vie est plus forte chez les retraités (55%), les ménages aux revenus modestes (51%) ainsi que parmi les sympathisants FI (52%) et RN (49%). Les anticipations des Français quant à l’avenir des prochaines générations ne sont pas meilleures : 55% pensent que leurs enfants auront une vie « moins bonne », contre 12% une vie « meilleure ». Là encore, un net clivage politique se fait jour : 75% des sympathisants RN pensent que leurs enfants auront une moins bonne vie, contre 41% des proches de LREM.

Ces perspectives d’avenir sont d’autant plus sombres qu’aux yeux de près d’un Français sur deux, la société est bouchée : 48% estiment qu’« il est très difficile de sortir du milieu social dans lequel on est né » (dont 54% parmi les catégories populaires), contre 52% qui jugent qu’« on peut réussir dans la vie si on est ambitieux, qu’on a le goût du travail et qu’on fait beaucoup d’effort ».

Une demande de redistribution pour faire face à la demande de pouvoir d’achat

Ce pessimisme s’appuie notamment sur le sentiment d’un pouvoir d’achat en berne : seuls 24% estiment que leur situation financière est « bonne », quand 49% l’estiment juste « correcte » et 27% « mauvaise » ou « critique » (dont 35% des catégories populaires).

Dans ce contexte, la demande de justice sociale et de redistribution progresse nettement : 66% des Français estiment que « pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres » (+4 points depuis juin 2018 et +9 points depuis juin 2017), un chiffre qui atteint même 73% au sein des catégories populaires et 71% chez les sympathisants RN, 81% au PS et 88% à la FI. De même, la demande de protection progresse puisque ce sont désormais 53% des Français qui estiment que « la mondialisation est une menace pour la France », en hausse de 2 points par rapport à juin 2018 et 5 points par rapport à juin 2017. La crise de confiance des Français conduit donc à un rejet progressif des fondamentaux idéologiques du macronisme.

Emmanuel Macron freiné dans ses réformes ?

Ce contexte anxiogène à la fois provoqué et alimenté par la crise des « gilets jaunes » a conduit à une dégradation de l’image du Président : une nette majorité juge qu’Emmanuel Macron « mène une politique qui profite avant tout aux plus favorisés » (64%), qu’il ne « comprend pas bien les problèmes des gens comme vous » (64%) et qu’il est « méprisant » (58%). Le Président peut toutefois s’appuyer sur une image de dynamisme : 42% estiment qu’il est « énergique » et 40% qu’il « veut vraiment changer les choses ». 

Malgré ces qualités de dynamisme, la crise des « gilets jaunes » a, aux yeux des Français, porté un coup à l’image de volontarisme dont bénéficiait l’Exécutif depuis 2017. Près des deux tiers des Français (63%) affirment ainsi qu’Emmanuel Macron ne pourra pas « continuer à mener les réformes qu’il avait prévues dans son mandat », dont 72% des ouvriers, 73% des sympathisants FI et 76% des sympathisants RN. Alors que 37% des personnes interrogées estiment en revanche qu’il pourra mener les réformes prévues, cette réponse n’est majoritaire que dans une catégorie de la population : les sympathisants LREM (74%).

Découvrez l'analyse de Brice Teinturier pour Challenges

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué, Ipsos bva (@BriceTeinturier)
  • Mathieu Gallard - Directeur d'études, Public Affairs
    Mathieu Gallard
    Directeur d'Études, Public Affairs

Articles liés

  • Ipsos Predictions

    Rapport Predictions : les pronostics des Français pour 2026

    En 2025, 85% des Français pensent que l'année a été mauvaise pour leur pays, illustrant un pessimisme élevé, à égalité de la Corée du Sud. Sur le plan personnel, 55% des Français considèrent que 2025 n’a pas été une mauvaise année pour eux ou pour leur famille, une amélioration par rapport aux années précédentes. Pour 2026, seuls 41% des Français se déclarent optimistes, bien en dessous de la moyenne mondiale. Une large majorité de Français (73%) souhaitent renforcer leurs liens avec leur famille et leurs amis, ainsi que faire plus d’exercice physique pour 57% d’entre-deux, tandis que des préoccupations sécuritaires et climatiques prédominent. En ce qui concerne le football, 49% des Français prévoient de suivre la Coupe du Monde 2026 en Amérique du Nord, un intérêt timide comparé à d'autres nations comme l’Argentine avec 89% des Argentins. Pour plus de 6 Français sur 10 (65%), il est improbable que la guerre en Ukraine prenne fin en 2026.
  • Feu d'artifice
    Société Enquête

    Palmarès des personnalités de 2025

    À l'occasion de la fin d'année 2025, les Français ont été interrogés sur les personnalités qui les ont le plus marqués, positivement ou négativement, dans cinq grandes catégories : la diplomatie internationale, le sport, la culture, la politique française et la société civile.
    Pour chaque catégorie, les répondants devaient désigner deux personnalités parmi une liste proposée. Cinq figures se distinguent nettement en arrivant en tête de leur catégorie respective : Donald Trump pour la diplomatie internationale, Léon Marchand pour le sport, Aya Nakamura pour la culture, Jordan Bardella pour la politique française et Michel-Édouard Leclerc pour la société civile
  • Société | France
    Société Enquête

    Économie et citoyens : repenser le lien

    Ipsos bva dévoile les résultats de l’enquête « Économie et citoyens : repenser le lien », réalisée pour l’association « Lire la société », qui révèle un fossé entre les Français, l’économie et la politique. Si 60 % s’intéressent aux questions économiques, notamment à l’inflation et aux prix (90 %), seuls 54 % se disent à l’aise avec les grands concepts. Cette faible littératie s’accompagne d’un blocage politique : 50 % jugent crucial de respecter les promesses électorales, même au détriment du vote du budget, une position marquée chez les sympathisants de LFI (75 %) et du RN (63 %). Très sensibles au pouvoir d’achat, les Français restent divisés sur la culture du compromis, tandis que 94 % estiment prioritaire de renforcer l’enseignement des enjeux économiques à l’école.