Européennes 2024 : le Rassemblement National s'installe largement en tête des intentions de vote

Pour mieux comprendre les logiques de la décision électorale et dans la perspective des élections européennes de juin 2024, Ipsos Sopra Steria, le Cevipof et le Monde ont mis en place un dispositif d'enquête par panel : l'Enquête électorale européennes. Ce panel, de plus de 10 000 personnes, sera interrogé à plusieurs reprises au cours des 12 prochains mois.

Auteur(s)
  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
  • Federico Vacas Directeur Adjoint du département Politique et Opinion - Public Affairs
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La nouvelle édition de cette enquête, réalisée du 29 novembre au 12 décembre auprès de 11 691 personnes, confirme que le Rassemblement National s’installe largement en tête des intentions de vote à six mois des élections européennes. Elle révèle par ailleurs que le conflit entre Israël et le Hamas génère avant tout chez les Français des sentiments de tristesse et d’inquiétude et qu’il provoque, pour la grande majorité d’entre eux, une montée de l’antisémitisme en France.

Élections européennes : La France Insoumise en difficulté, le RN en hausse

Ce que nous mesurons comme intentions de vote à 6 mois du scrutin européen est bien entendu très volatil et ne tient pas compte des effets que la campagne électorale produira. Pour autant, l’intérêt réside dans l’évolution des résultats depuis juin et dans leur croisement avec la perception du conflit au Proche-Orient.

De ce point de vue, le faible niveau de la liste de la France Insoumise (7,5%, - 1 point), la dynamique du Rassemblement National (28%, + 4 points) et la désapprobation massive des prises de position de Jean-Luc Mélenchon constituent un fait notable et interpellent, même si le conflit n’explique évidemment pas tout.

L’enquête fait ainsi apparaître la très grande singularité des électeurs de la France Insoumise, y compris au sein de l’espace des gauches, et combien les évènements du 7 octobre ont ajouté une fracture supplémentaire au sein d’une Nupes déjà amplement fragilisée.

La perception du conflit entre Israël et le Hamas

Une question clivante pour les électeurs français

La spécificité des prises de position des différentes familles politiques apparait d’emblée sur un indicateur simple, celui de la sympathie, de l’antipathie ou de l’indifférence à l’égard des Israéliens, des Palestiniens, du Hamas et du Gouvernement de Benjamin Netanyahou.

Chez les Français, la balance penche en faveur des Israéliens : 53% de sympathie, 18% d’antipathie contre 45% et 25% à propos des Palestiniens. Dans toutes les catégories politiques, la sympathie à l’égard des Israéliens est majoritaire …sauf chez les sympathisants de la France Insoumise, où elle tombe à 41% seulement. En revanche, 71% de ces mêmes sympathisants éprouvent de la sympathie pour les Palestiniens, chiffre qu’on ne retrouve dans aucune autre famille politique.

Certes, le clivage gauche droite fonctionne sur cet indicateur, les sympathisants écologistes et Parti Socialiste éprouvant un peu plus de sympathie à l’égard des Palestiniens que des Israéliens. Mais ce qui frappe, c’est bien que chez eux, le différentiel de sympathie entre ces deux peuples n’est que de quelques points alors qu’il est massif au sein de la France Insoumise.

Le Hamas : mouvement de résistance ou organisation terroriste ?

Le deuxième point à relever est que le Hamas génère 6% de sympathie chez les Français (soit tout de même un peu plus de 3 millions de personnes …) et 72% d’antipathie mais que ce 6% monte à 14% chez les sympathisants de la France Insoumise - et 13% chez ceux du PC.

Le refus de le taxer d’organisation terroriste et la volonté de le présenter comme un mouvement de résistance produit à l’évidence ses effets. De fait, à la question « le Hamas est-il une organisation terroriste ?», 78% des Français répondent que oui et 6% non. Chez les sympathisants de la France Insoumise, ce chiffre est également majoritaire, mais il est de 19 points en retrait de la moyenne des Français puisqu’il s’établit à 59%. Surtout, 23%, soit près d’un sympathisant France Insoumise sur quatre, estime que le Hamas n’est pas un mouvement terroriste. Un résultat que l’on ne retrouve ni à droite, ni au Parti Communiste (9%), ni chez les écologistes (3%) ou au PS (7%).

Gaza : qui sont les responsables de la situation actuelle selon les Français ?

Interrogés plus spécifiquement sur le fait de savoir si le Hamas et Israël sont ou ne sont pas « responsables de la situation actuelle de la population civile palestinienne à Gaza », indicateur qui permet de mesurer les effets dans l’opinion des bombardements Israéliens, 88% des Français considèrent que le Hamas est responsable de la situation et 65% que c’est Israël. Un écart de 23 points qui reste significatif même si la responsabilité perçue est forte chez les deux protagonistes. Pour autant, là encore, les sympathisants de la France Insoumise se singularisent puisqu’ils sont la seule famille politique à inverser la hiérarchie des responsabilités : chez eux 84% estiment que la responsabilité est du côté israélien, 72% du côté du Hamas.

Un rejet massif des positions de Jean-Luc Mélenchon face au conflit entre Israël et le Hamas

Reste à explorer la perception spécifique de Jean-Luc Mélenchon et de ses prises de positions à propos du conflit entre Israël et le Hamas : 9% seulement des Français l’approuvent et 57% le désapprouvent, soit le plus fort niveau de rejet de toutes les personnalités testées. Un résultat d’autant plus important que 50% seulement des sympathisants France Insoumise l’approuvent, près d’un sur quatre (23%) étant dans la désapprobation - le solde estimant n’avoir pas assez d’éléments pour juger. Surtout, cette désapprobation atteint 62% chez les sympathisants PC, 54% chez ceux de EELV et 59% chez ceux du PS. Une fracture aussi réelle que profonde à gauche.

Les propos de Jean-Luc Mélenchon sous le feu des critiques

Enfin, et ce n’est pas le moindre, les propos de Jean-Luc Mélenchon et de certains responsables de la France Insoumise sont perçus par 46% des Français comme des propos qui « vont au-delà de la critique d’Israël, sont antisémites et attisent l’antisémitisme au sein de la population », 35% estimant qu’ils « ne sont pas directement antisémites mais contribuent, dans les arguments utilisés pour critiquer Israël, à attiser l’antisémitisme au sein de la population » et 18% seulement qu’ils « ne sont pas antisémites et expriment simplement une critique de l’action d’Israël ». Antisémites ou pompiers incendiaires, tel est le jugement des Français. Mais il est aussi partagé par 33% des sympathisants France Insoumise, 72% des sympathisants PC, 78% des écologistes et 81% des PS.

En résumé, une stratégie mortifère pour la France Insoumise et la gauche tout entière, dont on verra si elle s’atténue dans le temps ou pas.

Présidentielle 2022 - séparateur

A propos de ce sondage

Enquête Ipsos et Sopra Steria pour le Cevipof et Le Monde menée du 29 novembre au 12 décembre 2023 auprès de 11 691 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française, inscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus.

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  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
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