Le pouvoir d'achat en 2025 : avec ou sans ?

L’Insee note une baisse constante de l’inflation depuis février 2023 (lorsqu’elle était de +6,3%), avec toutefois deux pics en août et en décembre de la même année, atteignant +1,3% en novembre 2024 après +1,2 % en octobre. Le moins que l’on puisse dire, comme le démontrent les insights collectés via ConnectLive©, la communauté on line d’Ipsos, c’est que les Français ne le ressentent pas, ou très peu, dans leur vie quotidienne.

Le pouvoir d'achat en berne

Les courses alimentaires et l’énergie concentrant l’essentiel de leurs achats en plus de leurs dépenses contraintes (loyers, remboursements de prêts, abonnements, impôts, etc.), les consommateurs ont conscience que la tendance ne s’inversera pas au point de constater une diminution des prix : « les prix n’augmentent plus ou continuent d'augmenter peut-être un peu moins vite », d’autant plus que l’aspect routinier de ce type de dépense leur permettrait de rapidement relever une réduction notable : « mon budget courses alimentaires n'a absolument pas baissé alors que je continue à acheter à peu près toujours les mêmes produits ».

Cette stabilisation sur le niveau le plus haut depuis deux ans pèse sur le budget des Français et explique pourquoi ils ont intégré – plutôt malgré eux – une culture de l’arbitrage et de la bonne affaire avec les promotions, les enseignes de distribution alternatives comme Action, Normal, etc., les plateformes comme Shein et Temu (qui représentent désormais 22 % des colis gérés par La Poste en France), le Black Friday, les bons de réduction avec les cartes de fidélité, voire les achats alimentaires hors saison des fêtes et la congélation, et tout circuit synonyme de bon marché.

Convaincus qu’en raison du contexte international d’une part et des augmentations répétitives dans tous les domaines d’autre part, beaucoup se résignent à voir leur pouvoir d’achat diminuer sans rémission et sans la moindre possibilité d’inverser la tendance : « les prix sont hauts et de toute façon, même s’ils stagnaient, tout le reste est incompressible et augmentera (mutuelle, assurances, taxes foncières, taxes d'habitation pour les résidences secondaires jusqu'à 50%,  travaux quand on est propriétaire pour satisfaire des normes qui changent constamment…). Devant l'instabilité économique ambiante, les crises mondiales, celles qui peuvent arriver, autant d'incertitudes sur l'avenir, nous ne sommes pas en déflation car il faut aussi payer les guerres auxquelles la France participe… ».

D’autres aléas impactent les prix, comme les mauvaises récoltes ou les pénuries, par exemple « le cacao et le café qui sont au plus haut », sans oublier les marges des distributeurs et des entreprises de l’agroalimentaire, celles des compagnies aériennes et les taxes sur les transports avec « les billets d'avion qui ont triplé par rapport à il y a deux ans ».


Mise en place de stratégies anti-frustrations

Comme l’avait mis en lumière un précédent rapport ConnectLive© datant de novembre 2022, les conséquences de la guerre en Ukraine et des embargos ont fait atteindre à l’inflation des niveaux insoupçonnés. Ce phénomène a ainsi accéléré le développement de la catégorie des Surpris : les Français se croyant protégés par un niveau de revenu supérieur à la moyenne mais qui ne « pouvaient plus suivre le rythme des prix avec le carburant à deux euros et plus, le coût de l’énergie, etc. ». Aujourd’hui, ils vivent comme beaucoup d’autres sous le régime de la frustration : « la situation commence à être tendue et pourtant notre foyer ne fait pas partie de ceux qui sont les plus en difficulté… », de plus en plus de foyers se trouvant concernés par un phénomène qui se propage à la plupart des strates élevées de la classe moyenne : « je ne constate pas d'amélioration de mon pouvoir d'achat ; mon salaire est identique et il y a davantage de dépenses pour les fêtes ».

On ne sera donc pas vraiment surpris d’apprendre que 79% des Français estiment que 2024 a été une mauvaise année pour leur pays (en troisième position dans le monde), après 77% pour 2023. Le score est moins désastreux quand il s’agit d’eux-mêmes et de leur famille, représentant « seulement » 48%, ce qui représente quand même près d’une personne sur deux[1]

Les Fêtes de fin d’année n’échappent pas aux arbitrages, mais les consommateurs ont mis au point différentes stratégies : achats groupés pour diminuer les frais de port et bénéficier d’offres promotionnelles, attente du Black Friday pour les produits les plus chers (vins et champagnes, foie gras…), blocage du 13ème mois pour « tout ce qui est avec Noël et les vacances ». On privilégie aussi « les nombreux moyens qui existent à présent pour offrir à moindre coût avec des produits reconditionnés et des jouets de seconde main » pour une dimension écologique « tout est plus abordable financièrement et contribue à épargner la planète ». 

Baisse des prix : et si ?

Dans l’hypothèse où les prix baissaient réellement d’ici à la fin de l’année, trois attitudes se dégagent :

  • Pragmatique et vaguement rancunière en ne changeant rien parce qu’il « n’y a aucune raison de redevenir des vaches à lait », parce que certains se sentent échaudés « sur base de promotions fantômes en augmentant le prix et en appliquant une fausse remise », parce que « l'argent économisé sera utilisé pour autre chose ».
  • Hédoniste pour se faire plaisir, « acheter des produits haut-de-gamme », « profiter de certains produits que j'évitais vu leur prix ». Cette deuxième perspective est la plus tentante, car la plus en phase avec une philosophie épicurienne du « lâcher prise, parce qu’on ne peut pas vivre en permanence avec le seul but d'aller travailler pour payer les factures en s'interdisant tout petit plaisir ». Elle est aussi la plus en phase avec l’esprit des Fêtes : « je pourrais faire une plus belle table de Noël avec des mets plus raffinés, des produits de meilleure qualité et un dessert à tomber par terre, le tout arrosé d'un champagne que j'achèterai à un petit producteur. J'adore faire plaisir à ma famille » et l’idée de « faire de très beaux cadeaux à tous ceux que j’aime ». Elle passe par la constitution d’une cagnotte-plaisir pour « voyager plus », « refaire des sorties festives », « un petit séjour à Noël en Grande-Bretagne pour profiter de ma famille et de l'ambiance festive inégalée des Anglais » 
  • Précautionneuse pour économiser et anticiper des hausses de prélèvements avec « une fiscalité qui s’annonce terrible pour réduire la dette colossale ! » ou d’éventuelles difficultés.

Cela dit, indépendamment des prix et des stratégies, la valeur des Fêtes de fin d’année ne se réduit pas exclusivement à des dimensions matérielles et au coût des mets, des décorations et des cadeaux, mais renvoie à la capacité de créer et vivre une ambiance magique, un moment heureux et convivial en famille, sublimé par « l’esprit de Noël », d’autant plus nécessaire dans un contexte « morose », « incertain », « instable », « chaotique », « tendu », « décourageant », « angoissant », « inquiétant », etc… qualifiant l’année 2025 sur le plan général pour nos participants.

Parallèlement, l’écart entre collectif et personnel a rarement été aussi grand puisque, quand il s’agit de s’exprimer sur ce que l’année prochaine représente à titre individuel, elle se métamorphose et devient « optimiste », « libre », « espoir », « joyeuse », « sereine », « chaleureuse ». 

Tout ce que nous vous souhaitons !


[1] Ipsos Predictions 2025© 

Auteur(s)

  • Yves Bardon
    Yves Bardon
    Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

Articles liés

  • Ipsos Predictions

    Rapport Predictions : les pronostics des Français pour 2026

    En 2025, 85% des Français pensent que l'année a été mauvaise pour leur pays, illustrant un pessimisme élevé, à égalité de la Corée du Sud. Sur le plan personnel, 55% des Français considèrent que 2025 n’a pas été une mauvaise année pour eux ou pour leur famille, une amélioration par rapport aux années précédentes. Pour 2026, seuls 41% des Français se déclarent optimistes, bien en dessous de la moyenne mondiale. Une large majorité de Français (73%) souhaitent renforcer leurs liens avec leur famille et leurs amis, ainsi que faire plus d’exercice physique pour 57% d’entre-deux, tandis que des préoccupations sécuritaires et climatiques prédominent. En ce qui concerne le football, 49% des Français prévoient de suivre la Coupe du Monde 2026 en Amérique du Nord, un intérêt timide comparé à d'autres nations comme l’Argentine avec 89% des Argentins. Pour plus de 6 Français sur 10 (65%), il est improbable que la guerre en Ukraine prenne fin en 2026.
  • Feu d'artifice
    Société Enquête

    Palmarès des personnalités de 2025

    À l'occasion de la fin d'année 2025, les Français ont été interrogés sur les personnalités qui les ont le plus marqués, positivement ou négativement, dans cinq grandes catégories : la diplomatie internationale, le sport, la culture, la politique française et la société civile.
    Pour chaque catégorie, les répondants devaient désigner deux personnalités parmi une liste proposée. Cinq figures se distinguent nettement en arrivant en tête de leur catégorie respective : Donald Trump pour la diplomatie internationale, Léon Marchand pour le sport, Aya Nakamura pour la culture, Jordan Bardella pour la politique française et Michel-Édouard Leclerc pour la société civile
  • Société | France
    Société Enquête

    Économie et citoyens : repenser le lien

    Ipsos bva dévoile les résultats de l’enquête « Économie et citoyens : repenser le lien », réalisée pour l’association « Lire la société », qui révèle un fossé entre les Français, l’économie et la politique. Si 60 % s’intéressent aux questions économiques, notamment à l’inflation et aux prix (90 %), seuls 54 % se disent à l’aise avec les grands concepts. Cette faible littératie s’accompagne d’un blocage politique : 50 % jugent crucial de respecter les promesses électorales, même au détriment du vote du budget, une position marquée chez les sympathisants de LFI (75 %) et du RN (63 %). Très sensibles au pouvoir d’achat, les Français restent divisés sur la culture du compromis, tandis que 94 % estiment prioritaire de renforcer l’enseignement des enjeux économiques à l’école.