Les Français face au changement climatique
Afin d’alimenter les débats de la nouvelle édition du forum Science, Recherche et Société et alors que Paris accueillera la prochaine conférence internationale sur le climat en décembre prochain, Ipsos / Sopra Steria a réalisé pour La Recherche, Le Monde et le Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, une enquête sur le thème du réchauffement climatique. Est-ce une réalité préoccupante pour les Français ? Quelles sont les conséquences qu’ils perçoivent le plus ? Celles qui les inquiètent le plus ? Est-ce un problème à traiter d’urgence selon eux ? Quelles sont les solutions qui leur paraissent les plus efficaces pour limiter les effets de ce changement climatique ? Quels sont les acteurs qui devraient selon eux se mobiliser en priorité ?
UNE CONFIANCE RÉAFFIRMÉE DANS LA SCIENCE ET LES SCIENTIFIQUES
Plusieurs questions posées les années précédentes ont été à nouveau soumises aux Français, afin de mesurer leur état d’esprit à l’égard de la science « en général » et des scientifiques. Ces questions barométriques constituent un préambule intéressant à l’enquête, dans la mesure où elles mettent en évidence la confiance très importante – et en progression – qu’ont les Français à l’égard de la science et des scientifiques. Un état d’esprit positif qui tranche avec leur scepticisme général mesuré enquête après enquête (à l’égard des institutions, des politiques, des corps intermédiaires…).
Ainsi, 84% des interviewés estiment que la science et la technologie apportent des solutions aux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui (+6 points depuis 2013 et +9 points depuis 2011). La même progression s’observe au sujet de la science comme vecteur de progrès pour l’avenir. Ainsi, 65% considèrent que grâce à la science et à la technologie, les générations du futur vivront mieux que celles d’aujourd’hui (+3 points depuis 2013 et + 9 points depuis 2011). De manière générale, les Français expriment donc une confiance largement majoritaire à l’égard de la science. Seule une minorité estime qu’elle produit « plus de dommages que d’avantages » (40%) ou qu’elle « génère des changements trop rapides dans [leur] vie de tous les jours » (45%).
Si les Français font confiance à la science, les enquêtes réalisées les années précédentes avaient toutefois révélé certaines interrogations de leur part, notamment lorsqu’on abordait des sujets polémiques comme le nucléaire ou les OGM. Ce n’est nullement le cas lorsqu’on évoque le thème du réchauffement climatique. Ainsi, les personnes jugées les plus dignes de confiance pour délivrer des informations à ce propos sont, et de loin, les scientifiques (88%). Les médias scientifiques (75%) et les associations de sauvegarde de l’environnement (72%) sont également des sources jugées pertinentes. En revanche, les élus (12%) pâtissent d’un net déficit de crédibilité sur le sujet.
LA RÉALITÉ DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NE FAIT AUCUN DOUTE POUR LES FRANÇAIS
Quand on demande aux interviewés s’ils pensent qu’on est en train de vivre une période de réchauffement climatique, 93% répondent par l’affirmative, signe d’un réel consensus au sein de la population sur le sujet. Ils sont même 43% à déclarer que ce réchauffement climatique est « certain ».
Les climato-sceptiques sont donc très marginaux dans la population (7%). Notons qu’ils sont un peu plus nombreux chez les personnes âgées de 70 ans et plus (15%) ou celles vivant en zone rurale (11%).
Le réchauffement climatique est non seulement une réalité incontestable pour de nombreux Français mais c’est également un phénomène dont on a tendance à largement sous-estimer les effets. Ainsi, 59% des personnes pour qui le réchauffement climatique est réel considèrent que les conséquences de cette situation sont sous-estimées. 16% estiment qu’elles sont évaluées à leur juste niveau, tandis qu’un quart (25%) pense néanmoins qu’elles sont quelque peu sur-estimées. Les personnes de plus de 60 ans (33%), les ouvriers (27%) et les personnes peu diplômées (29%) sont plus nombreuses que la moyenne à considérer que l’on en fait un peu trop sur le sujet.
L’ORIGINE HUMAINE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EST ÉGALEMENT LARGEMENT ADMISE
Si le fait de vivre une période de changement climatique ne fait pas de doute pour la quasi-totalité des Français, son origine n’est guère remise en question non plus. 93% considèrent ainsi que cette situation est due à l’activité humaine, 41% l’affirmant même avec certitude. Seuls 7% estiment que ce n’est pas le cas.
Ce sont surtout l’agriculture intensive et la déforestation (62%) ainsi que l’essor industriel des pays en voie de développement (55%) qui sont pointés du doigt par les Français comme activités ayant le plus d’impact sur le réchauffement climatique. L’urbanisme (28%), le développement des transports (25%) et les comportements personnels des individus (22%) sont jugés moins nocifs. Le positionnement des Français s’appuie donc sur une vision globale et mondiale de la situation.
UN PROBLÈME QU’IL EST URGENT DE TRAITER
Loin d’être considéré comme un problème de long terme, les Français estiment au contraire que les conséquences néfastes du réchauffement climatique se font d’ores-et-déjà sentir, ou vont être ressenties à très court terme.
Ainsi, la majorité des personnes pour qui le réchauffement climatique est une réalité pensent que si l’on n’arrive pas à un accord global de limitation des gaz à effet de serre, la Terre subira les conséquences dramatiques du changement climatique d’ici 10 ans maximum (28% considérant que la planète pâtit déjà des effets désastreux de cette situation). Seuls 11% envisagent des conséquences à plus long terme (dans plus de 50 ans) tandis que 36% estiment qu’elles se feront sentir d’ici 11 à 50 ans.
Ils sont par ailleurs 76% à considérer que le réchauffement climatique est un problème « très préoccupant, qu’il est urgent de traiter dès aujourd’hui si on veut encore le limiter ». Seuls 8% estiment qu’on a le temps d’y réfléchir, la situation n’étant pas encore catastrophique, tandis que 16% se montrent plus fatalistes en considérant qu’il est déjà trop tard pour faire quelque chose (21% des personnes qui vivent en milieu rural).
Parmi les différentes manifestations du réchauffement climatique que l’on peut observer, la fonte des glaciers (64% de citations) et la disparition de certaines espèces animales (62%) semblent tout particulièrement les inquiéter. Les jeunes sont particulièrement sensibles à la disparition de certaines espèces (71%), tandis que les plus âgés soulignent davantage les sécheresses (57%) et la hausse du niveau des mers (53%).
LES INDUSTRIELS ET LES INDIVIDUS EUX-MÊMES EN PREMIÈRE LIGNE POUR AGIR CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Deux solutions sont plébiscitées par les Français pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique : un investissement plus important des industriels en faveur de l’environnement (56%) et la modification en profondeur des comportements personnels des individus (44%). Même si certains interviewés privilégient la mise en place de mesures contraignantes au niveau gouvernemental (34%) ou font confiance aux innovations scientifiques et technologiques (27%), on sent chez les interviewés la conscience d’une certaine nécessité d’agir à différents niveaux, y compris individuel.
D’ailleurs, quand on leur demande si personnellement, ils seraient prêts à agir pour lutter contre le réchauffement climatique, la moitié d’entre eux affirme d’ores-et-déjà faire un certain nombre de choses dans cette optique, comme limiter leur consommation de papier (56%) ou d’eau (55%). Ils se montrent également volontaires – du moins dans leurs propos – pour changer profondément leurs habitudes alimentaires (44% le font déjà et 35% seraient tout à fait prêts à le faire) ou utiliser vraiment plus les transports en commun pour leurs déplacements quotidiens (38% le font et 24% seraient prêts à le faire).
En revanche, leur bonne volonté se heurte à des difficultés concrètes de mise en œuvre dès qu’on aborde le sujet de la voiture : 21% déclarent avoir déjà opté pour un véhicule moins polluant et 28% se disent prêts à le faire (42% en Ile-de-France), mais 42% indiquent ne pas être en mesure d’agir dans ce domaine, sans doute parce qu’ils n’en ont pas les moyens (48% chez les personnes disposant de revenus modestes) ou qu’ils habitent dans des zones peu desservies en transports en commun (49% chez les personnes vivant en milieu rural).
Leur bonne volonté est également mise à l’épreuve lorsqu’on touche à la question des déplacements en avion pour leurs loisirs : un tiers (32%) reconnaît en effet ne pas être vraiment prêt à avoir moins recours à ce mode de transport (45% chez les cadres). Il est probable que pour beaucoup, les vacances restent un moment de détente sacré auquel ils auraient du mal à renoncer, même si c’est pour une « bonne cause ».
Fiche technique :
Etude Ipsos / Sopra Steria, réalisée du 29 avril au 4 mai 2015 par internet auprès d’un échantillon de 1 053 Français âgés de 15 ans et plus.
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