Les salariés français face au handicap

Le cabinet conseil en dynamique humaine Togeth’Art, la revue spécialisée Etre Handicap Informations et six grandes entreprises françaises (Air France, Crédit Agricole, Groupe PPR, Sanofi-Aventis, STMicroelectronics, Société Générale), se sont associés pour mener avec Ipsos la première enquête nationale auprès de salariés sur la question du handicap, notamment dans le monde du travail.

Quelle perception les salariés français ont-ils du handicap ? Comment réagissent-ils face aux handicapés ? Quelles sont leurs motivations et leurs besoins pour améliorer leur rapport au handicap ? Comment leur entreprise favorise-t-elle le développement d’une bonne relation entre personnes valides et handicapées ?

Mieux comprendre la relation aux personnes handicapées pour faciliter les rapports professionnels entre personnes handicapées et valides

LE CONTEXTE DE L’ENQUETE

Les personnes handicapées seraient entre 1 et 5 millions en France, en fonction des définitions retenues ; elles sont censées représenter 6 % au moins des effectifs des entreprises de plus de 20 salariés…

Aujourd’hui, les personnes handicapées accèdent plus facilement au monde du travail mais, entre leur recrutement et la réussite de leur intégration, il y a un pas, celui de deux effectué avec leurs homologues valides.

LES OBJECTIFS DE L’ENQUETE

Primo, déterminer les phénomènes subjectifs en jeu dans les relations entre personnes valides et handicapés par une mesure objective dont les évolutions seront suivies dans la durée - l’enquête ayant vocation à se transformer en baromètre bisannuel ;

Secundo, permettre à chaque entreprise et administration en France de se situer par rapport à une référence nationale ;

Tertio, définir puis affiner dans le temps les campagnes de sensibilisation menées auprès des personnes valides tout en aidant les personnes handicapées à mieux comprendre les réactions et attentes des autres salariés.

LES PRINCIPAUX RESULTATS DE L’ENQUETE

Concernés dans une proportion significative, observateurs des différents types de handicap, les salariés français vivent leur relation avec une personne handicapée sur un mode riche et diverse. Globalement à l’aise, ils sont capables de préciser la nature de leurs ressentis, largement plus positifs que négatifs.

36% de salariés français se déclarent concernés personnellement par le handicap, qu’il s’agisse d’un ami, de la famille, ou que la personne soit elle-même handicapée. Cette proportion monte à 45% pour les personnes de 50 ans et plus, et 45% également pour les salariés travaillant dans une équipe où il y a au moins une personne handicapée.

Interrogés sur le handicap de la dernière personne handicapée qu’ils aient rencontrée, les salariés montrent qu’aujourd’hui le handicap n’est plus uniquement associé à une incapacité physique : si 56% des handicaps mentionnés sont liés à une mobilité réduite (fauteuil roulant, canne, béquille, …), les handicaps psychiques et mentaux représentent respectivement 17% et 16% des situations décrites, devant les handicaps auditifs (13%) et visuels (11%).

On observe que les salariés français sont globalement à l’aise dans leurs relations avec une personne handicapée : sur une échelle de 1 (pas du tout à l’aise) à 10 (parfaitement à l’aise), ils donnent une note de 6,9 en moyenne pour décrire une rencontre récente avec une personne handicapée. Mais cette moyenne cache des disparités importantes : une majorité de salariés (58%) déclare avoir été « très à l’aise » (note 9 à 10) ou « assez à l’aise » (note 7 à 8), tandis que 4 % ont eu le sentiment d’être « pas du tout à l’aise » (note 1 à 2) et encore 13 % « pas à l’aise » (note 3 à 4). Il y a peu de corrélation entre la note et les caractéristiques socioprofessionnelles de la personne interrogée, montrant qu’il s’agit avant tout des résultats d’une expérience personnelle. A ce titre, il faut noter que les salariés ayant au moins une personne handicapée dans leur service donnent une note (7,3) significativement supérieure à celle des salariés n’en ayant pas (6,8).

Invités à évaluer leurs ressentis sur une échelle de 1 à 10 (1 qualifiant ce qu’ils n’ont « pas du tout ressenti », et 10 ce qu’ils ont ressenti « énormément »), c’est toute une riche palette de ressentis qui a été exprimée, dont la tonalité est beaucoup plus positive que négative. Viennent en premier la sympathie (7,5/10) et l’envie d’aider (7,3), devant l’admiration (6,1). La répulsion et la peur sont très peu ressenties (1,8 et 2,3 respectivement), mais la pitié (3,0), la gêne (3,8) et surtout la maladresse (4,2) sont plus significativement présentes. La compassion, dont le sens est plus ambigu, reçoit une note moyenne de 5,6/10. Il faut noter que, à chaque fois, c’est plus de 95% des salariés qui ont été capables de remonter à la source de leurs ressentis, preuve que la rencontre avec une personne handicapée ne laisse jamais indifférent.

Loin de se contenter du statuquo, les salariés ont envie d’améliorer encore leurs capacités à entrer en contact avec les personnes handicapées, ceci bien sûr pour des motifs personnels mais aussi tout simplement altruistes. Ils ont leur avis sur les moyens d’y parvenir et souhaitent avant tout apprendre par l’expérience.

Les salariés français considèrent en grande majorité qu’il est important pour eux de progresser dans leurs capacités de contact avec les personnes handicapées : plus d’un salarié sur deux (57%) déclarent que ce serait quelque chose de très (notes 9 à 10) ou d’assez important (note 7 à 8), tandis que 10 % seulement pensent que pour eux, cela serait pas du tout (notes 1 à 2) ou peu (note 3 à 4) important. Il faut noter qu’il s’agit là d’un souhait très personnel, non corrélé avec l’importance des actions menées en faveur du handicap par leur entreprise.

Les motivations pour progresser sont en même temps altruistes et orientées vers un bénéfice personnel. Invités à classer du moins important (1) au plus important (6) les facteurs qui pourraient les motiver pour améliorer leurs capacités relationnelles avec les personnes handicapées, les salariés placent en premier (4,7) leur envie de « vivre en bonne intelligence avec tout le monde », puis (4,0) « l’envie d’entraider ». Le désir de contribuer à son propre « développement personnel » (3,4) est important également, suivi (3,2) par celui « d’améliorer les relations humaines dans mon entreprise ». Le fait d’être « concerné personnellement ou dans mon entourage proche par le handicap » (3,0) et la nécessité de « diminuer ma gêne, mon stress dans ces situations » (2,8) viennent en dernier parmi les motivations de progrès.

Pour réaliser ces progrès, les salariés sont avant tout demandeurs d’expériences et de relations directes avec les personnes handicapées. Parmi six moyens à classer du moins utile (1) au plus utile (6), ce sont les « échanges et partages d’expériences avec les personnes handicapées » qui viennent en premier (4,5), suivis par « des expériences qui me permettent de me rendre compte de ce que vit une personne handicapée » (4,0). Viennent ensuite « des informations sur le handicap de cette personne » (3,9) et « des échanges et partages d’expériences avec des personnes valides ayant fait le même type d’expériences » (3,5). Les « lectures et/ou visionnages de documents sur la question (2,8) ou « un séminaire théorique ou pratique sur le handicap » (2,3) sont considérés comme les moins utiles.

En permettant au quotidien l’expérience de la relation entre personnes valides et handicapées, les entreprises et administrations ont un rôle essentiel à jouer, si elles savent rendre leur politique lisible et leurs outils adaptés. Les salariés, eux, se disent prêts à accueillir une personne handicapée dans leur service, et encore plus lorsqu’ils en ont déjà fait l’expérience.

Au niveau national, la lisibilité des actions menées par les entreprises et administrations en faveur du handicap peut encore progresser. En moyenne 25% des salariés savent que des actions sont menées par leur entreprise et de quoi il s’agit, tandis que 20% savent que des actions sont menées mais ne savent pas exactement de quoi il s’agit. 29% ne savent pas si leur entreprise mène des actions et/ou ne sont pas au courant, et enfin 25% déclarent qu’elle n’en mène pas. A noter que les résultats sont directement proportionnels à la taille de l’entreprise, traduisant la différence des moyens mis en œuvre : les salariés globalement informés sont 64% dans les entreprises de plus de 1000 salariés, mais seulement 17% dans celles de moins de 20 salariés.

Lorsque la politique est lisible, les salariés considèrent qu’il s’agit d’un enjeu important pour leur entreprise. Près de 90% des salariés dont l’entreprise ou l’administration mène des actions claires reçoivent le message qu’il s’agit d’un enjeu « très important » ou « plutôt important », tandis que la proportion tombe à 74,5% lorsque le salarié ne sait pas exactement de quoi il s’agit, et 38% seulement lorsque le salarié ne sait pas et/ou n’est pas au courant de la politique menée. Toutefois, accueillir effectivement une personne handicapée reste la meilleure façon de faire passer le message puisque celui-ci est reçu par 75% des salariés dont le service accueille au moins une personne handicapée, et 47% seulement dans l’autre cas.

Les ressources mises par les entreprises et les administrations à la disposition des salariés pour progresser sont perfectibles, seulement 7% des salariés les estimant parfaitement adaptées et 31% plutôt adaptées, soit 38% seulement de globalement satisfaits. Il faut toutefois préciser que ce taux passe à 66% dans les entreprises ou administrations dont les salariés connaissent les actions menées en matière de handicap.

Au total, les salariés sont en majorité prêts à accueillir une personne handicapée dans leur service (ou une autre s’il y en a déjà), dans l’hypothèse où ils seraient sollicités pour le faire : 63% des managers et 59% des collaborateurs s’estiment tout à fait ou plutôt préparés. L’expérience aidant, la proportion augmente sensiblement pour ceux d’entre eux qui ont déjà au moins une personne handicapée dans leur équipe (78% et 82% respectivement)

LES CONCLUSIONS DE L’ENQUÊTE

En conclusion de cette enquête, on peut retenir que les salariés français vivent leur relation avec le handicap en grande partie au travers de leurs expériences personnelles, riches en ressentis. C’est de cette expérience qu’ils partent pour trouver leurs motivations à progresser, plus que des politiques menées par leur entreprise. Mais les entreprises, grâce à leur capacité à offrir des ressources pour s’améliorer, et surtout en permettant à leurs salariés de vivre l’expérience de la relation au handicap par la présence de personnes handicapées dans les services, apportent concrètement une solution à ce désir.

Un cercle vertueux se met alors en place, qui rend lisible les actions des entreprises et satisfait les attentes des salariés. Engagé dans les grandes entreprises, ce mécanisme trouvera une extension naturelle dans les plus petites.

Contact Togeth’art :

Laurent Ryckelync
[email protected]

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