Municipales 2020 - Après le second tour : bilan et perspectives

Contexte électoral, bilan de la crise, projection sur la suite du quinquennat… L'enquête Ipsos/Sopra Steria réalisée pour France TV, Radio France et LCP/Public Sénat dévoile l'état d'esprit des Français à la veille du second tour des élections municipales, et leurs souhaits pour la fin du quinquennat.

Auteur(s)
  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
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Le second tour des Municipales 2020 restera marqué par un taux d'abstention historique. A près de 60%, le précédent record de 2014 a été battu de 20 points. Les jeunes (72% d'abstention chez les 18-34 ans), les employés (65%), les ouvriers (70%) sont les plus nombreux à ne pas s'être déplacés. Interrogés à la veille du scrutin, les trois quarts des électeurs appelés aux urnes pour le second tour se déclaraient pourtant "plutôt" (43%), voire "très" (32%) intéressés par les élections municipales. 

L'intérêt pour le scrutin renvoie d'abord au caractère local des enjeux. Malgré la crise sanitaire mondiale et ses répercussions économiques et sociales, la majorité des personnes "certaines d'aller voter" ont en effet placé en tête des éléments déterminants leur choix de vote "les enjeux locaux et les problèmes qui se posent dans la commune" (82%), "le programme des différentes listes" (67%), "le bilan du maire et de son équipe municipale" (66%) et "la personnalité des candidats" (58%). La manière dont le maire ou les candidats ont réagi à la crise sanitaire a également pesé, mais à un degré moindre : "importante, mais pas déterminante", pour un électeur sur deux. La situation politique et économique au niveau national ou l'étiquette politique sont reléguées en fin de liste.

Comme au premier tour, la crise sanitaire aura surtout impacté le niveau de mobilisation. A la veille du scrutin, 43% des électeurs hésitant à aller voter évoquaient comme principale raison "le risque d'attraper la Covid-19 en se rendant dans un bureau de vote". 
Mais la pandémie n'a pas éclipsé les autres sujets de préoccupation. La Covid-19 ne se place d'ailleurs qu'au quatrième rang des enjeux qui préoccupent le plus les électeurs à titre personnel (35% de citations), derrière "l'avenir du système social" (44% de citations), "les difficultés en termes de pouvoir d'achat" (39%) et "la protection de l'environnement" (38%). Cette hiérarchie est corrélée à l'âge des répondants : la protection de l'environnement est la préoccupation n°1 dans les tranches 18-24 et 25-34 ans, tandis qu'on s'inquiète davantage pour le pouvoir d'achat entre 35 et 59 ans, et pour l'avenir du système social (santé, retraites) ensuite.

Bilan de la crise

En retrait dans les déterminants du vote, l'inquiétude par rapport à l'épidémie reste néanmoins prégnante. Au stade actuel, on craint davantage "ses conséquences économiques et sociales pour soi et ses proches" (74%, dont 25% "très inquiets"), "la possibilité d'une deuxième vague" (71%, 21% "très inquiets"), et un peu moins "ses conséquences pour sa santé et celle de ses proches" (61%, 15%). "La manière dont le gouvernement gère le dossier du coronavirus" partage les Français, entre 44% de "satisfaits" (dont 88% des sympathisants LREM, mais aussi la majorité des 18-24 ans), pour 56% d'avis contraire (dont les trois quarts des proches de La France Insoumise et du RN). On mesure un rapport de force similaire sur la confiance accordée à Emmanuel Macron pour prendre en compte les enseignements de cette crise (46% de confiance pour 54% d'avis contraires). Ce relatif équilibre entre bonnes et mauvaises opinions tranche avec l'impopularité chronique du Président de la République.

Même si pour un Français sur deux (52%), le Président de la République sort plutôt affaibli de la crise liée à la Covid-19 (14% le jugent "plutôt renforcé", et 34% ni l'un ni l'autre), on s'accorde à penser que ni Marine Le Pen, ni Xavier Bertrand, ni Jean-Luc Mélenchon, ni François Baroin, ni Valérie Pécresse, ni Yannick Jadot, ni Olivier Faure n'auraient fait mieux à sa place. Quant à tirer les conséquences de la crise et proposer les bonnes solutions, là encore on fait moins confiance à chacune de ces personnalités qu'à Emmanuel Macron. Seul Edouard Philippe suscite une confiance supérieure à celle accordée au Président, pour sa capacité à tirer les enseignements de la séquence et proposer des solutions (49% de confiance contre 39% d'avis contraires). 

La suite du quinquennat

Le crédit accordé au Premier ministre dans la gestion de la crise sanitaire pèsera peut-être sur la suite du quinquennat. "Quand la France sera sortie de l'état d'urgence sanitaire", 43% des interviewés souhaitent qu'Emmanuel Macron "procède à un remaniement limité du gouvernement en gardant Edouard Philippe comme Premier ministre", pour 33% plutôt favorables à "un remaniement d'ampleur en changeant de Premier ministre", et 24% qui préféreraient qu'on ne remanie pas. En un mois - la même question avait été posée fin mai pour l'hebdomadaire Le Point - la préférence pour un remaniement limité avec maintien d'Edouard Philippe a progressé de 12 points. 

Si la majorité des Français ne souhaite pas de changement à la tête du gouvernement, elle ne souhaite pas non plus d'une nouvelle orientation politique. En cas de remaniement, 27% des personnes interrogées appellent à une politique "plus à gauche", 22% à une politique "plus à droite", mais 51% préfèreraient qu'on garde le cap. Le "ni plus à droite, ni plus à gauche" est majoritaire, y compris au sein de l'électorat EELV. 
Et quelle devrait être la priorité d'Emmanuel Macron et de son gouvernement d'ici la fin du quinquennat ? Aucun sujet ne se détache réellement : "le pouvoir d'achat et les impôts" sont cités par 27% des répondants, "la protection sociale - santé, retraites" par 22%, "le chômage" par 18%. Malgré la prééminence du thème dans le débat public et médiatique, "l'environnement" ne devrait constituer la priorité de la fin du quinquennat que pour 13% des personnes interrogées (et pour 37% des sympathisants écologistes).

Sur la méthode enfin, la question de l'intervention de l'Etat dans l'économie pour relancer la croissance reste très clivante : 53% des Français estiment "qu'il faut renforcer le rôle de l'Etat dans certains secteurs de l'économie jugés porteurs ou stratégiques", quand 47% sont plutôt d'avis de "limiter au maximum le rôle de l'Etat dans l'économie et donner aux entreprises le plus de liberté possible". A noter que le sujet fait débat dans tous les électorats. Les partisans d'une plus grande intervention de l'Etat dans certains secteurs est majoritaire, mais pas unanime, chez les sympathisants LFI (68% pour 32% qui souhaitent limiter le rôle de l'Etat au maximum), chez les sympathisants PS (67% / 33%) ou EELV (60% / 40%). Les avis sont relativement équilibrés chez les proches de LREM (44% / 56%) et du RN (53% / 47%), tandis qu'on penche plus nettement pour un libéralisme renforcé chez les sympathisants LR (61% / 39%). 
Au-delà de la stratégie, le pessimisme sur l'évolution de la situation fait davantage consensus : sept Français sur dix anticipent aujourd'hui une crise économique profonde après l'épidémie, pour 29% qui pensent plutôt que l'économie va réussir à se relancer.


Fiche technique : enquête Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, LCP et Public Sénat menée les 26 et 27 juin auprès de 3 004 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus.
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  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)

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