Pourquoi poursuivre la tradition du Père Noël ?
ConnectLive, la communauté on-line d'Ipsos de 1 500 participants, a débattu sur l'existence du Père Noël. Certains ont évoqué des théories physiques pour expliquer sa tournée nocturne, tandis que d'autres voient en lui une invention pour apporter de la magie. Malgré les efforts que cette tradition demande, elle est perçue comme un moyen de renforcer les liens familiaux et d'apporter de la joie.
Soit le Père Noël existe, et la tradition du 24 décembre a tout son sens, soit il n’existe pas et il peut sembler absurde que des centaines de millions de personnes de par le monde reproduisent depuis bientôt deux siècles une illusion collective dont chacun découvre à un certain moment de sa vie qu’elle a été délibérément fabriquée et peut en souffrir.
Si la première hypothèse est juste, le Père Noël apporte chaque année leurs cadeaux à deux milliards d’enfants (on ne compte que les plus sages et on oublie les adultes) en quelques heures en se déplaçant au minimum à 7 millions de Km/h, près de 6000 fois la vitesse du son, tout en étant soumis à une force centrifuge 17 500 fois plus forte que la gravité[1] ; son traîneau est tiré par plus de 215 000 rennes volant et capables d’absorber chacun 14,3 quintillions de joules sans être instantanément vaporisé. Dans l’approche newtonienne de la physique, la raison pour laquelle personne ne les voit est mathématique : compte-tenu du nombre de maisons à visiter, le Père Noël y passe moins d’un dixième de millième de seconde, au-delà du champ de perception humain. Si l’on se réfère à la théorie de la relativité d’Einstein, comme le démontre le Professeur Silverberg, le Père Noël ne fait « qu’en exploiter certaines propriétés. Plus la vitesse du traîneau est élevée, plus le temps se dilate et plus l’espace se contracte, plus le Père Noël a de temps, et donc il existe[2] ». Ici, on ne les voit pas parce que lui et son traîneau sont dans un autre espace-temps.
Cette hypothèse n’étant pas avérée, passons à la seconde, inventer le Père Noël. Chez soi, elle implique de mobiliser un temps et une énergie considérables avec force moyens et accessoires : écrire avec application une lettre à un inconnu pour lui demander des cadeaux, placer chaussures ou bottes sous le sapin, près de la cheminée ou d’un radiateur électrique, dessiner des traces de pas ou déplacer des objets dans la maison, préparer un bol de lait entamé, des petits gâteaux grignotés, un bonnet oublié, etc., du moment que l’on puisse croire que quelqu’un est passé dans la nuit. L’imagination est largement à l’œuvre pour donner à la visite du Père Noël son maximum de réalisme quand, à l’extérieur, souvent près des magasins, des personnages avec un gros ventre et une fausse barbe posent pour les enfants dans un traîneau. Mais… pourquoi ?
Les participants de la communauté on-line ConnectLive d’Ipsos[3] nous aident à le comprendre : avant tout pour introduire de la magie dans le monde, renforcer les liens dans la famille, « apporter un peu de rêve, un moment de convivialité, l'occasion de partager encore plus que d'habitude », rendre les siens heureux en voyant « dans les yeux des enfants cet émerveillement des cadeaux, un instant tellement beau ».
Cette séquence organisée autour du Père Noël est le rendez-vous d’une « petite parenthèse enchantée » qui n’a pas d’équivalent dans l’année et reste d’autant mieux venue que « les crises n’arrêtent pas ». Devenu grand, pour la majorité, Noël reste « une période à part, comme une bulle, une pause, où l’on espère que les soucis et les problèmes sont mis de côté, où l’on retrouve un peu l'esprit de notre enfance » ; cette nostalgie n’est pas pour rien dans l’attachement au Père Noël, quand l’on croyait à la réalité d’un univers surnaturel ouvrant des passages vers d’autres dimensions, cette part d’enfance où rien n’est impossible.
Il faut donc préserver cette tradition, parce qu’il n’y a « aucune raison de cesser ce qui parait féerique. L'imagination et ces coutumes permettent d'avoir une sensation de bien-être pour soi et les gens que l'on aime » et la transmettre « de générations en générations (car sinon ça va se perdre) » pour « le partage des valeurs et des us-et-coutumes de la famille dont mes filles s'imprègnent pour les instaurer avec leurs propres enfants plus tard ».
Devenu parent, on « fait croire à ses enfants que le Père Noël existe parce que c'est tellement beau de croire que quelque part dans le monde il y a un homme qui distribue des cadeaux aux enfants » ; il incarne « un modèle de générosité et de partage, et il encourage les enfants à être généreux envers les autres ». Ce « rituel qu’il faut être capable de préserver » représente une opportunité unique, oublier intentionnellement les sujets qui fâchent, mettre de côté son égo rationaliste, « accepter de se réunir et d'abandonner ses écrans pour avoir le sentiment d'être dans l'union et la communion ».
Mais c’est plus difficile d’y rester attaché quand les enfants sont plus âgés et ne croient plus au Père Noël, notamment pour les participants les plus réfractaires à sa légende et aux dimensions commerciales de cette fête : « Je ne continue pas la tradition. Noël m'insupporte. C'est bien pour les enfants, ça les rend joyeux et ce monde magique est fait pour eux. Mais ensuite, le reste, ça me saoule. On dépense des sommes folles pour des trucs qui finiront à la cave ». Autre solution, fidèle au cartésianisme français, « ne pas perpétuer cette tradition et laisser mes enfants prendre position avec leurs propres enfants ».
Pour les autres, dans un monde souvent considéré comme égoïste, indifférent aux autres, assez dur, le Père Noël donne envie de croire que le bien et les valeurs positives sont toujours là : « j’aime penser que l’homme est bon au fond de lui, même si ça n’est pas évident en ce moment ». Certains participants voient presque quelque chose de l’ordre de la conviction philosophique et du militantisme dans la perpétuation du Père Noël pour « continuer à faire vivre cette belle tradition dans ce monde de fous où plus personne ne croit en rien ».
Renoncer au Père Noël, c’est finalement accepter l’idée que le monde est strictement matériel et matérialiste, n’a plus de secret, se réduit au connu : « ça devient triste, alors que c’est un petit moment de bonheur ensemble, et c’est important dans le monde dans lequel on vit ». En quelques mots, « ça fait toujours du bien de rêver un peu ! ».

[1] https://www.sudouest.fr/redaction/insolite/le-pere-noel-existe-t-il-reponse-en-quelques-calculs-scientifiques-7003831.php
[2] https://www.courrierinternational.com/article/2012/12/21/le-pere-noel-existe-la-science-l-a-rencontre#:~:text=Selon%20Alcubierre%2C%20si%20une%20distorsion,la%20cr%C3%AAte%20de%20l'onde.
[3] Communauté on line qualitative de 1000 participants âgés de 18 ans et plus.