Quand les marques répondent aux besoins urbains de la génération Z

Dominique Lévy-Saragossi et Françoise Hernaez Fourrier, Directrice du Planning Stratégique IPSOS ASI, participaient au 10ème Women’s Forum Global Meeting 2014 organisé à Deauville du 15 au 17 octobre. Invitées sur le corner de JC Decaux, les deux analystes marketing d'Ipsos ont exploré les possibilités d’expression et de services des marques dans la ville de demain à la rencontre de la génération Z.

Dans la foulée de la génération Y, les marketeurs commencent à étudier la génération d’après, celle des Z, pour mieux la comprendre et voir comment elle peut rebattre les cartes à l'avenir. Deux traits forts caractérisent ces 10-20 ans : leur grande agilité numérique et leur maturité sociale. Les Z sont hyper connectés. Aux Etats-Unis, 41% d’entre-eux passent plus de 3 h par jour sur leur ordinateur à des fins non scolaires. Ce sont des multi-taskers capable de jongler simultanément avec les 5 écrans. En corollaire, leur capacité d'attention se réduit. L’Academic Medical Research Institute l’évalue à 8 secondes en moyenne. Des signes d’addiction se font aussi jour chez ces accros des réseaux sociaux exposés au FOMO (« Fear of Missing Out »), syndrome qui se traduit par la crainte de rater « le super évènement » ou « la super soirée ». Les Z se révèlent en outre plus « gamers » que « players », autrement-dit, « ils ont besoin d’un défi, il leur faut des enjeux pour jouer », comme le soulignait le psychologue Michael Stora lors d’un récent Small Talks organisé par Ipsos. Voilà donc des Z qui ont la « Me culture  » ; une génération capable de se forger son identité propre en jouant d’une agilité extrême entre réel et virtuel.

« Me culture » et « Do it culture »

S’ils sont dans la « Me culture », ces pragmatiques font preuve d’une plus forte maturité sociale. « Do it culture », pourrait ainsi être leur credo. Nos éléments de prospective dessinent, par exemple, chez eux un caractère entrepreneurial décomplexé. Ce n’est pas un hasard si Time Magazine vient d’établir un premier classement des « 25 Most Influential Teens of 2014 » qu‘ils soient acteurs, scientifiques ou activistes comme Malala Yousafzai, une militante des droits des femmes pakistanaise, devenue à 17 ans prix Nobel de la Paix 2014, ce qui en fait la plus jeune lauréate de l'histoire. Les Z affichent par ailleurs beaucoup moins de marqueurs identitaires liés au genre que leurs prédécesseurs. Les rôles traditionnels sont remis en question. C'est ce que l'on voit émerger dans la revendication d'un genre neutre ou l’avènement d‘un troisième genre. Les Z développent leur personnalité dans un contexte socio-économique difficile, marqué par l'incertitude, la complexité et la volatilité. Ils se montrent plus collaboratifs et co-créateurs que leurs prédécesseurs. Ils ont appris que les choix traditionnels ne garantissent pas le succès ou le bonheur et tentent d’aborder les choses différemment. « Diverger » sera d’ailleurs l’un des mots clés du prochain cahier Ipsos Flair 2015 proposant chaque année une analyse stratégique de l’opinion.

Quand ils arrivent en ville…

La génération Z entretient une relation particulière avec la ville et les marques. Ces dernières sauront-elles se réinventer pour répondre aux besoins des Z en utilisant les aménagements offerts par la ville ? C’est l’une des questions soulevées sur le corner de JC Decaux lors du 10ème Women’s Forum Global Meeting de Deauville. « Nous avons des représentations assez négatives voire paranoïaques de la ville, constate Françoise Hernaez-Fourrier. C’est un espace souvent caractérisé par son haut degré de pollution, de stress, de violence. Les projections futuristes ne sont guère flatteuses. On se souvient de celles de Ridley Scott dans Blade Runner ou de Spielberg à travers Minority Report. Dans le jeu vidéo Watch Dogs développé par Ubisoft, lancé en mai dernier, on peut voir des villes de plus en plus informatisées où tout est connecté, des univers truffés de caméras et de systèmes de surveillance. Nous observons en positif dans nos études quantitatives que les grandes villes restent d’abord appréciées pour ce qu’elles sont des lieux historiques et culturels forts.Quand nous demandons aux gens dans une de nos études internationales récentes, « qu'appréciez-vous le plus dans votre ville ? », 40% parlent de la beauté de la ville et de son patrimoine. 46% s’y disent très heureux ! Surtout, la ville reste un point de rencontre essentiel pour les marques. Et ce n’est pas un hasard s’il y a de plus en plus d'opérations événementielles qui se développent avec le digital en insistant sur la dimension collaborative de la génération Z. Je pense à cette campagne menée par Scrabble en Espagne visant à remplacer les lettres manquantes des devantures de magasins. Ou à cet autre dispositif digital en Roumanie où la marque de produits ménagers Cif propose de nettoyer les tags insultants ! À travers ces exemples, les marques exercent un rôle citoyen qu‘elles pensent légitime. »

Good deal !

Attention toutefois de ne pas se montrer trop envahissant. On se souvient du rejet suscité auprès de la société civile par la malle géante Louis Vuitton installée à Moscou sur la Place Rouge. « Pour être appréciées des consommateurs, toutes ces présences de marques doivent être prudentes et orchestrées , prévient Françoise Hearnez Fourrier. D’accord pour être plus actif dans la ville et dans la vie des gens, mais différemment et en respectant certaines règles de cohérence et de connivence. C’est très bien illustré par la campagne d’IBM, « People For Smarter Cities », visant à offrir à chacun la possibilité de proposer ses idées pour rendre la vie urbaine plus agréable, grâce à la plateforme mise en place sur Internet, avec cette idée simple mais ingénieuse de détourner des affiches publicitaires pour en faire pour un banc ou un abri. Ou lorsque Kit Kat offre une chaise aux passants et qu’Ikea installe ses canapés dans le métro parisien. Il y a aussi ces dispositifs très sympas d’affichage interactif de Pepsi ou encore ce dispositif de jeu urbain interactif développé pour KLM. » Tous ces exemples font écho à la culture et aux qualités propres de la génération Z, en proposant une expérience urbaine, et des marques dans la ville, encore plus intense. Les relations entre les marques et les Z semblent ainsi pouvoir se construire sur une relation à la fois plus concrète, servicielle, ludique, émotionnelle, conversationnelle, humble et respectueuse de règles claires. « Au-delà, sur le fond, je pense qu'il y a vraiment un phénomène d'échange d'égal à égal qui est en train de se jouer entre la marque et l‘individu«, souligne Dominique Lévy. Leur relation doit s’inscrire dans une logique de good deal. Il y a un contrat implicite renégocié en permanence. C’est d’autant plus vrai avec la maturité affichée par ces jeunes consommateurs qui n‘ont pas fini de nous étonner. »

Auteur(s)

  • Valérie-Anne Paglia, Senior Client Officer auprès des comptes Luxe
    Valérie-Anne Paglia
    Senior Client Officer auprès des comptes Luxe

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