Baromètre de la pauvreté Ipsos / Secours populaire : 40% des Français ont déjà connu une situation de pauvreté

Le baromètre de la pauvreté et de la précarité réalisé par Ipsos pour le Secours Populaire Français livre chaque année depuis 2007 un état des lieux de la précarité en France. L'édition 2024 montre que malgré une légère accalmie sur le front de l'inflation, les difficultés financières des Français ne faiblissent pas. Le rapport met notamment en lumière une hausse continue du seuil de pauvreté subjectif et un risque accru de basculement dans la pauvreté.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
  • Pierre Latrille Chef de Groupe, Public Affairs
  • Felix Tentillier Chargé d'études, Public Affairs
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Le seuil de pauvreté atteint des niveaux inquiétants et traduit une situation fragile pour de nombreux ménages

Le seuil de pauvreté subjectif moyen, qui permet de mesurer la perception des Français sur le niveau de vie en dessous duquel une personne peut être considérée comme pauvre atteint cette année un nouveau record, et s’établit à 1 396€, en augmentation de 19€ par rapport à 2023. On observe une hausse pour la troisième année consécutive, bien que moins prononcée que les précédentes années. Qui plus est, ce seuil subjectif est désormais quasiment équivalent au montant du SMIC net (1 398€).

On observe par ailleurs de fortes disparités selon les catégories de population. Ainsi, le seuil de pauvreté subjectif est estimé à 1 431€ pour les habitants d’Ile-de-France contre 1 388€ pour les personnes habitant en province. Autre écart : pour ceux qui vivent avec au moins un enfant de moins de 18 ans, ce seuil s’élève à 1 447€ (contre 1 377€ pour ceux n’en ayant pas).

Du côté des situations financières individuelles, on n’observe pas d’amélioration malgré le léger recul de l’inflation. Seuls 48% des Français déclarent arriver à mettre de l’argent de côté, un chiffre en hausse d’un point en un an. Surtout, la part de Français vivant à découvert reste proche de celle de l’an dernier, à 16% (-2 points vs 2023). Parmi eux, les 35-44 ans (27%) et les ouvriers (31%) sont les catégories qui déclarent le plus être à découvert.

Dans le détail de la pauvreté vécue, près de deux tiers des Français (62%, +4 points vs 2023) déclarent avoir connu ou été sur le point de connaître cette situation de pauvreté. 40% ont connu une situation de pauvreté, le plus haut niveau depuis le pic de 2013, soit désormais deux cinquièmes de Français ayant traversé une période de grande fragilité financière. Seuls 38% des Français déclarent que cela ne leur est jamais arrivé.

Cette fragilité financière touche avant tout les catégories populaires, les générations intermédiaires et les ruraux. Ainsi, 80% des ouvriers (+6 points en un an), 70% des 45-59 ans (+10 points en un an) et 69% des personnes vivant en zone rurale ont déjà connu ou été sur le point de connaître la précarité au cours de leur vie. Une part plus élevée des revenus les plus faibles (77% des personnes dont le revenu du foyer est inférieur à moins de 1 200 euros net/mois) partage aussi ce constat pour eux.

Une transmission intergénérationnelle de la pauvreté toujours redoutée

Les Français se montrent toujours aussi pessimistes concernant les risques de pauvreté pour leurs enfants. 79% estiment que les risques sont plus élevés pour la génération suivante, dont 40% « beaucoup plus élevés ». Ce pessimisme est encore plus marqué pour les parents d’enfants de moins de 18 ans (86%). Cette crainte d’une transmission de la pauvreté entre générations, massivement partagée depuis plusieurs années (très stable depuis 2018 – 81%, +2 points par rapport à cette vague), interroge et traduit un sentiment de résignation face à la reproduction des inégalités, et avant tout un manque de confiance dans le futur.

Des arbitrages du quotidien de plus en plus difficiles

On observe une nouvelle dégradation en 2024 sur de nombreux postes budgétaires essentiels tels que l’énergie, le logement ou l’accès à une mutuelle santé. Ainsi, la part de Français éprouvant des difficultés à payer leurs factures d'énergie atteint 47%, un nouveau record (+2 points vs 2023). De même, 38% peinent à payer leur logement que ce soit pour le loyer ou pour l’emprunt immobilier (+4pts), également le plus haut niveau mesuré. Enfin, 29% peinent à disposer d’une mutuelle santé (+3 points), un record là encore.

Ces difficultés pèsent particulièrement sur les catégories populaires et les ruraux. 69% des plus bas revenus rencontrent des problèmes pour régler leurs dépenses énergétiques, en hausse de 5 points. Une hausse similaire sur la part des plus faibles revenus à payer leur logement (64%) amène le constat d’une aggravation des inégalités d'accès aux besoins essentiels selon le niveau de vie.

Du côté des territoires, on retrouve des disparités dans certains besoins secondaires correspondant à un mode de vie plus digne. 57% des ruraux peinent à partir en vacances au moins une fois par an (+9 points vs l’ensemble) ; 40% ont de grandes difficultés à disposer d’équipements numériques en état de fonctionnement (+7 points vs l’ensemble) et 36% à prendre soin de leur apparence physique (+5 points).

En termes de privations, du fait de la baisse de leur pouvoir d’achat, 43% des Français ne chauffent pas leur logement lorsqu’il fait froid, parfois ou régulièrement. De la même façon, 32% des Français sont obligés de diminuer parfois ou régulièrement leur nombre de repas par jour en dessous de trois.

Des signaux préoccupants sur l'accès aux services publics selon le territoire

On note aussi une situation préoccupante de l'accessibilité aux services publics fondamentaux. 34% des Français jugent difficile l'accès aux services de santé dans leur zone d'habitation, et 44% pour les ruraux, soit 10 points de plus. 59% des habitants ruraux estiment aussi difficile l'accès aux transports en communs (+18 points vs l’ensemble). Enfin, en zone rurale, près d’un quart (24%) ressentent une inaccessibilité des différents services sociaux.

Au global, et malgré toutes ces difficultés ressenties, lorsque l’on demande aux Français s’ils sont disposés à s’impliquer personnellement pour aider les personnes en situation de pauvreté, ce sont deux tiers d’entre eux (66%, -1 point un chiffre stable dans le temps) qui répondent par l’affirmative.

En conclusion, ce 18ème baromètre de la pauvreté et de la précarité brosse le tableau inquiétant d'une France où la précarité ressentie s'aggrave, s'étend à une part croissante de la population, et où l'accès aux biens essentiels comme l'énergie ou la santé se dégrade fortement pour certains publics fragiles déjà affectés par les crises successives.

Rapport complet

Secours Populaire
A propos du Secours Populaire
Né en 1945, le Secours populaire est une association à but non lucratif, reconnue d’utilité publique et déclarée Grande cause nationale. Celle-ci est habilitée à recevoir des dons, des legs et des donations. L’association s'est donnée pour mission d’agir contre la pauvreté et l'exclusion en France et dans le monde et de promouvoir la solidarité et ses valeurs. Elle rassemble des personnes de toutes opinions, conditions et origines qui souhaitent faire vivre la solidarité.

A propos de ce sondage

Enquête Ipsos pour le Secours Populaire Français menée du 24 au 26 mai 2024 auprès de 996 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée  de 16 ans et plus.

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Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
  • Pierre Latrille Chef de Groupe, Public Affairs
  • Felix Tentillier Chargé d'études, Public Affairs

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