Be comme Beauty
Be normal ou Be More? Be welcome ou Be singular! La beauté connaît des tensions fortes et des tendances paradoxales, révélatrices de nouvelles postures à surveiller dans l'étude Beauty Trends & Insights 2015. Pour les identifier, Ipsos a mis en perspective l’analyse sémiotique des innovations produits et des codes de communication du secteur (skincare, haircare, make-up) dans 20 pays, en Europe, en Asie, aux États-Unis et en Afrique. Françoise Hernaez-Fourrier, Directrice du département Planning stratégique d’Ipsos ASI, commente pour nous ces nouvelles tendances clés.
Ouverture ou nouvelle normalisation ?
« Be Normal » est une tendance paradoxale qui témoigne d’une certaine libération avec une esthétique discrète et une valorisation de la personnalisation, de la transparence et du naturel, mais qui révèle aussi l’obsession pour les nouveaux diktats du « new normal ». Les possibilités de personnalisation permettent, à l'échelle internationale, un boom des innovations sur tous les produits liés aux rituels pour le teint. Ce sont là deux segments en fort développement. À titre d'exemple, on enregistre une hausse de 28% des investissements en France sur le self care et de + 46% des produits pour le teint. On note une véritable individualisation du produit via le développement d’outils de mesure numérique comme le fait Boots N°7 sur le maquillage ou POLA au Japon sur les soins. Une pratique encore peu développée dans l’univers du parfum, mais qui représente un champ d’exploration passionnant pour les fragrances personnalisées comme l’a fait Givaudan récemment avec Selfridge.
Cette tendance correspond également à une recherche de pureté et une vague detox massive afin de débarrasser nos corps, nos peaux et nos cheveux des toxines et du stress urbains, à l’aide de nouvelles brosses et gommes. Peau, cheveu et silhouette lissés, dans un contexte où la ligne entre naturel et virtuel s'estompe. Pas étonnant d’assister à une montée d’une esthétique du « Lisse » et des pratiques de blurring qui entrent dans le vocabulaire cosmétique comme la « PS Cream » chinoise de Garnier (Photoshop Yourself). Tout cela au moment où au Japon, les robots humanoïdes d’Hiroshi Ishiguro nous interrogent sur l’humanité et où Calico, filiale de Google axée sur la santé et le bien-être, s’attaque au « défi de l’âge »… De quoi être tenté par des imaginaires et valeurs qui vont au-delà du regard et vont jouer sur des personnalités hors normes, des mondes invisibles avec des codes ésotériques, comme le font les marques de la tendance « Be more » en émergence.
Soumission ou injonction à s'affirmer ?
Autre tendance des marques qui font l’effort d’être plus agiles et adaptables, « Be welcome » est une réponse pragmatique pour des consommateurs contraints par le temps autant que par leur budget limité. Avec des marques plus humbles qui se mettent au service du consommateur et débordent de trouvailles cette année pour faciliter la vie (réduction des temps des rituels, produits tout en un, etc.), qu'il s'agisse du packaging ou du concept produit lui-même. Les solutions doivent rester à des prix abordables ce qui se vérifie surtout en Afrique et en Europe méridionale. Les marques sont généreuses mais ce n'est pas parce qu'elles s'adaptent à un contexte économique difficile qu'elles bradent la qualité. Au contraire, elles en apportent la preuve en se livrant à des démonstrations sur Internet, nouvel eldorado de communication, comme les campagnes digitales de Dermablend avec ses « camo confessions ». Bien plus qu'un simple geste narcissique, cultiver sa beauté c’est aussi un art de vivre avec une volonté de réinvestir dans leurs réseaux de boutiques et sur un art de vivre global. C’est une façon de résister à des modèles, de revendiquer sa culture, de s'exprimer soi ; la beauté s'imposant comme un langage à part entière pour se faire plaisir et sortir de l'anonymat social. « Be singular » correspond à une véritable progression dans le multiculturalisme avec davantage de diversité dans les couleurs de peau et notamment une représentation croissante des peaux noires. Une visibilité qui s'accompagne au niveau international, d'une offre des produits de maquillage et de soins capillaires adaptée. Il faut peut-être distinguer un « effet Lupita », du nom de la jeune actrice Lupita Nyong‘o, nouvelle ambassadrice de Lancôme et élue plus belle femme du monde par le magazine People. Globalement, on note un réel besoin de différenciation et de personnalisation et certaines gammes initialement féminines se développent également de plus en plus pour les hommes, comme cette marque Coréenne Hankook où les couples appliquent leur mascara ensemble. L’innovation a surtout lieu en Asie avec une part de féminité assumée chez les hommes… mais une tendance qui pourrait se développer comme le laisse entrevoir Romain Duris à la une des Inrocks cette semaine.
L'étude en bref ?
Le principe de cette nouvelle étude Ipsos ASI est de mettre en perspective l’analyse des codes de communication du secteur de la beauté (skincare, make-up, fragrance) dans 20 pays : Afrique du Sud, Allemagne, Belgique, Brésil, Chine, Corée du Sud, Espagne, Etats-Unis, France, Hollande, Italie, Japon, Maroc, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Suède, Suisse, Thailande, Turquie. Le corpus de l’étude comprend les principales campagnes publicitaires print et TV, ainsi que les stratégies événementielles et digitales. Une approche originale qui utilise l’exploration sémiologique des territoires d’expression, éclaire les grands choix médias et les phénomènes de buzz, tout en comprenant les leviers d’efficacité sur ces marchés en pleine mutation. L’objectif est d’apporter ensuite des appuis et recommandations ad hoc sur le pilotage des stratégies des marques.
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