Ipsos | état de la France | sondage | baromètre | opinion
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Égalité des chances en France : mythe ou réalité ?

Près de six Français sur dix considèrent qu’il est beaucoup plus difficile, voire impossible, de réussir pour certains, et 66 % affirment avoir vécu des inégalités de parcours. Quels freins identifient-ils à la réussite, et quelles priorités souhaitent-ils voir portées par les pouvoirs publics, l’école ou les entreprises ? La nouvelle vague du baromètre "État de la France" menée par Ipsos bva pour le CESE met en lumière un constat préoccupant : les inégalités se creusent, la confiance dans l’efficacité des politiques publiques s’érode, et les Français appellent à une mobilisation des acteurs publics et des entreprises pour garantir à chacun les mêmes chances de réussite.

Principaux enseignements

  • La situation politique et la situation géopolitique préoccupent de plus en plus les Français, même si la santé et le pouvoir d'achat restent leurs principales inquiétudes. Près de la moitié des Français déclarent toujours parvenir tout juste voire pas à couvrir leurs besoins essentiels.
  • Les Français dressent un constat alarmant sur l'état de l'égalité des chances, avec près de 6 Français sur 10 estimant qu’il est beaucoup plus de difficile voire impossible de réussir pour certains. Cette perception s'accompagne d'un sentiment de détérioration de l’égalité des chances au cours des deux dernières décennies.
  • Les inégalités perçues ne sont pas abstraites : deux tiers des Français déclarent avoir personnellement fait l'expérience de situations d'inégalité des chances, avec des impacts concrets sur leur vie professionnelle, leurs études ou leur 'accès aux services essentiels.
  • Pour remédier à ces inégalités, les Français plébiscitent des actions ciblant la répartition des richesses et la formation. Ils considèrent que l'école et les entreprises ont un rôle majeur à jouer pour instaurer une véritable égalité des chances.
  • Les familles monoparentales apparaissent particulièrement vulnérables face aux inégalités, avec des difficultés financières plus marquées et un sentiment d'injustice plus prononcé que la moyenne des Français.

Pessimisme en hausse : au-delà de l'instabilité politique, le pouvoir d'achat reste au cœur des préoccupations

Cette année, le pessimisme gagne de plus en plus Français, que ce soit vis-à-vis de leur propre avenir (40%, +4 points en un an), de celui de la planète et de la nature (71%, +4 points), ou de manière plus prononcée encore, de celui de la France (74%, +11 points).

 

En effet, alors que les Français ont vu se succéder trois nouveaux premiers ministres en un an et que les incertitudes demeurent quant au projet de loi de finance 2026, la situation politique de la France arrive cette année en 3ème position des préoccupations des Français. Près d’un Français sur trois la cite parmi les trois sujets dont il se soucient le plus (32%), une proportion en hausse de 8 points. Après une année marquée par l’affaiblissement du soutien américain à l’Ukraine, les incertitudes sur les politiques douanières et l'escalade de la crise au Moyen-Orient, les préoccupations pour l’instabilité géopolitique, progressent également et arrivent cette année en 5ème position du classement (27%, +9 points).

Pour autant, les enjeux du quotidien demeurent les priorités absolues des Français. Interrogés sur leurs préoccupations personnelles, ils placent cette année encore leur santé et celle de leurs proches en tête (37%, -3 points), suivie par leur pouvoir d’achat (34%, stable). Ce dernier est particulièrement cité par les actifs (41%) et les parents (47%), chez qui il arrive en première position. Par ailleurs, la situation économique et financière du pays reste également un enjeu important aux yeux des Français, citée par 28% d’entre eux (stable, en 4ème position).

Dans les faits, la situation économique des ménages ne connaît pas d'amélioration et tend même à se dégrader. Près d'un Français sur deux (46%) affirme que son pouvoir d'achat lui permet tout juste de couvrir ses besoins essentiels (30%) ou s'avère insuffisant pour y parvenir (16%). Cette proportion, stable voire en légère progression (+1 point en un an, +4 points en deux ans), affecte particulièrement les habitants des DROM (81%), les familles monoparentales (62%) et les personnes peu diplômées (59%).

A noter également que ces difficultés se révèlent nettement plus marquées chez ceux qui ont connu la précarité dès l'enfance : 61% des personnes ayant grandi dans une situation économique très difficile peinent aujourd'hui à joindre les deux bouts, contre 38% de celles qui ont bénéficié d'un contexte globalement favorable. Le bien-être actuel s'avère également fortement lié à l'environnement familial durant l'enfance : 33% de ceux qui ont évolué dans un cadre familial très instable se déclarent aujourd'hui insatisfaits de leur bien-être, contre seulement 17% pour ceux qui ont grandi dans un environnement stable. Le rapport met ainsi en lumière une corrélation significative entre les difficultés actuelles des citoyens et leur contexte familial d'origine... Un constat qui témoigne de la persistance des inégalités sociales à travers les générations et interroge l'efficacité des politiques visant à renforcer la mobilité sociale.

Égalité des chances : des Français très critiques sur l'action des pouvoir publics

Les Français ont une perception assez négative de l'état de l'égalité des chances dans le pays. Un peu plus d’un sur dix seulement estime que tout le monde a les mêmes chances de réussir (11%), tandis que la majorité considère qu’il est beaucoup plus difficile voire impossible de réussir pour certains, peu importe les efforts qu'ils fournissent (38% beaucoup plus difficile et 20% impossible, soit 58% au total). Cette perception est particulièrement répandue chez les habitants des DROM (76%) et les ménages aux revenus modestes (73%).

 

La perception de l’évolution de la situation est également préoccupante, près d'un Français sur deux estimant que l'égalité des chances s'est détériorée au cours des 20 dernières années (46%), contre seulement 25% estimant qu'elle a progressé. Cette perception de détérioration est plus prononcée chez les personnes confrontées elles-mêmes à des situations d'inégalité (55%) et chez les foyers modestes (52%). Les 35-59 ans, génération pivot qui peut comparer sa situation à celle de ses parents et de ses enfants, sont plus critiques que la moyenne sur l’évolution de la situation (52% perçoivent une détérioration).

Plus inquiétant encore, les politiques publiques sont perçues comme inefficaces, voire contre-productives : seulement 24% des Français estiment qu'elles renforcent l'égalité des chances, tandis que 35% estiment qu’elles ne changent pas grand-chose et 40% considèrent qu'elles même creusent les inégalités. Ce sentiment est particulièrement partagé par les personnes ayant personnellement souffert d'inégalités des chances (53%) et par celles dont le pouvoir d’achat ne permet tout juste voire pas de couvrir les besoins (52%), suggérant un fossé croissant entre les dispositifs publics et les besoins réels des populations les plus vulnérables.

Et pour cause, deux tiers des Français estiment avoir été personnellement confrontés à au moins une situation d’inégalité des chances (66%), c’est-à-dire avoir eu un accès limité à certaines opportunités accessibles aux autres, pour des raisons qui ne dépendaient pas d’eux ou de leur mérite. Les femmes, les moins de 35 ans et les familles monoparentales sont particulièrement exposés à ces situations. La situation économique et la stabilité de l'environnement familial dans l'enfance apparaissent également comme des facteurs déterminants : 87% des personnes ayant grandi dans une famille en situation économique très difficile ont fait l'expérience d'inégalités des chances, contre 57% de celles dont la situation familiale dans l’enfance était globalement bonne. De même, 81% des personnes ayant connu un environnement familial très instable ont vécu de telles situations, contre 61% pour celles ayant bénéficié d'un cadre stable. Ces chiffres soulignent l'importance du capital économique et social initial dans la construction des trajectoires individuelles.

Plus alarmant encore, près d’un Français sur deux estime avoir été confronté à une telle situation avec des impacts importants sur sa vie (45%). Là aussi, cette proportion atteint des niveaux particulièrement élevés chez les Français appartenant à un milieu modeste (69% de ceux dont le revenu mensuel du foyer est inférieur à 1200 €) et dont la situation économique du foyer dans l’enfance était très difficile (70%).

Des obstacles multiples aux chances de réussir

Dans l'ensemble, les Français identifient de nombreux facteurs qui constituent des obstacles importants aux chances de réussir en France. Les problèmes de santé sont ceux qui sont le plus unanimement reconnus comme des freins importants (92% les perçoivent comme tels). Le fait de vivre dans un lieu éloigné des services publics et des transports est également considéré par une large majorité de Français comme une entrave significative à la réussite (74%) de même que l'absence de réseau relationnel (74%), le fait de vivre dans un quartier défavorisé (68%) ou d’avoir été élevé dans une famille aux revenus faibles (63%).

Les Français considèrent par ailleurs que certains aspects liés à l'identité peuvent compromettre les chances de réussir. La couleur de peau et l'origine représentent un obstacle important pour 45% d'entre eux, le fait d'être LGBT+ pour 35%, et la religion pour 22%. Concernant le genre, 38% des Français estiment que le fait d'être une femme constitue un frein important. Cette proportion atteint 42% parmi les femmes elles-mêmes, qui expriment ainsi leur perception directe de ces difficultés.

 

Les Français les plus modestes et ceux ayant été confrontés à des difficultés familiales dans l’enfance sont ceux qui estiment le plus que ces différents obstacles sont « très importants ». Plus généralement, ceux qui ont eux-mêmes été confrontés à des situations d’inégalités des chances perçoivent davantage l’importance de l’inégalité des chances et des différents obstacles sur les chances de réussir. Interrogés sur l’impact des inégalités des chances sur leur propre parcours, les Français estiment avoir surtout été impactés dans l'évolution de leur carrière (32% se sentent personnellement concernés), leur recherche d' un emploi (28%) et leur réussite scolaire (27%). Plus inquiétant encore, beaucoup rapportent aussi avoir eu le sentiment de subir une situation d’inégalité des chances pour faire valoir leur droits (29%), se soigner (26%) ou bien de trouver un logement adapté à leurs besoins (25%). Ils évoquent ainsi une double sanction, à la fois sur la « réussite » (et par extension les revenus) mais aussi de manière très directe sur l’accès aux services fondamentaux essentiels.

A noter que plus d’un tiers des habitants des zones rurales très dispersées déclarent avoir été confrontés à des inégalités de chances pour se soigner (37% contre 26% en moyenne), et les habitants des DROM pour trouver un emploi (44% contre 28%). Enfin, les femmes déclarent davantage que les hommes savoir été confrontés à des situations d’inégalités des chances dans leur carrière (37% contre 27% des hommes) et dans le choix de leur métier (30% contre 20% des hommes).

Des attentes fortes envers les politiques publiques, mais aussi vis-à-vis des entreprises pour renforcer l'égalité des chances

Malgré leur regard critique sur l'efficacité actuelle des politiques publiques, les Français restent convaincus de la nécessité d'agir. Une large majorité (80%) estime que le renforcement de l'égalité des chances doit être un objectif prioritaire pour les pouvoirs publics. Plus encourageant encore, 57% considèrent que cet objectif est atteignable, même si ce taux varie selon les catégories sociales, les personnes aux revenus modestes les habitants des zones rurales isolées se montrant plus sceptiques.

 

Pour renforcer l'égalité des chances, les Français défendent en priorité trois types d'actions : une revalorisation des revenus du travail (38%) et une réforme profonde de l'école (28%). La redistribution renforcée des richesses par la fiscalité, l'accès à la formation professionnelle et le renforcement de l'accès à l'emploi sont également très citées (24%, 24% et 23%). Globalement, les jeunes sont plus sensibles au renforcement de l'emploi (29%) et à la lutte contre les discriminations (28%), tandis que les seniors accordent plus d'importance au maintien des services publics sur le territoire (29%).

Le rôle des institutions sociales est également souligné : 89% des Français considèrent que l'éducation est le levier principal pour garantir l'égalité des chances, avec un consensus particulièrement fort chez les cadres supérieurs (96%) et les personnes de plus de 60 ans (93%). Mais les entreprises sont également perçues comme des acteurs avec un rôle clé à jouer dans ce domaine par 84% des répondants. Ces résultats traduisent l'attente d'une approche systémique, impliquant l'ensemble des acteurs sociaux et économiques au-delà des seuls pouvoirs publics.

Focus sur les familles monoparentales : des difficultés multiples qui se répercutent sur les chances de réussite

Les familles monoparentales apparaissent comme l'une des catégories les plus vulnérables face aux inégalités des chances. Le baromètre révèle que 62% d'entre elles peinent à couvrir leurs besoins essentiels, contre 46% pour l'ensemble de la population. 

Cette précarité économique s'accompagne d'une exposition plus forte aux situations d'inégalité des chances : 80% déclarent y avoir été confrontées, et 61% estiment que cela a eu des conséquences importantes sur leur vie. Ces difficultés se manifestent particulièrement dans l'accès au logement (43% des familles monoparentales y ont été confrontées). 

Plus de la moitié des familles monoparentales (53%, contre 50% dans la population générale) considèrent que le fait d'être une famille monoparentale constitue en soi un obstacle important aux chances de réussir, créant ainsi un cercle vicieux où la structure familiale génère des inégalités qui se transmettent aux enfants. 

Ce focus met en lumière la nécessité d'un soutien renforcé pour ces familles particulièrement exposées. Leurs attentes se concentrent notamment sur des aides spécifiques pour la garde et l'éducation des jeunes enfants (31%, contre 17% pour l'ensemble de la population) et sur l'accès aux logements sociaux (28%, contre 16% pour la moyenne nationale), deux domaines essentiels pour briser le cycle de reproduction des inégalités et offrir de meilleures perspectives aux nouvelles générations.

 

Rapport complet 

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Retrouvez la présentation du Rapport annuel sur l'état de la France 2025 - Egalité des chances, mythe ou réalité ?

Au programme :

  • Prise de parole de Thierry Beaudet, président du CESE
  • Présentation des résultats du sondage exclusif par Jean Francois Doridot, Directeur général Public Affairs, Ipsos bva
  • Présentation du Rapport annuel sur l'état de la France par ROUCHY Fabienne, rapporteure et présidente du groupe CGT au CESE
  • Table-ronde avec la participation d’Agathe Cagé, docteure en sciences politiques et associée-cofondatrice de COMPASS LABEL

Découvrir le dossier complet sur lecese.fr

A propos du CESE

CESETroisième assemblée constitutionnelle de la République, le CESE conseille le Gouvernement et le Parlement et participe à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques dans ses champs de compétences. 
Il regroupe 175 membres, femmes et hommes de terrain, désignés par les corps intermédiaires : associations, syndicats de salariées et salariés, organisations patronales…
Le CESE est le lieu privilégié d’expression de la participation citoyenne. Thierry Beaudet est président du CESE depuis mai 2021.

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A propos de cette enquête

Enquête Ipsos bva pour le CESE menée du 1er au 9 septembre 2025 auprès de 1 037 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population française métropolitaine et ultra-marine âgée de 18 ans et plus. Méthodologie complète disponible dans le rapport d'étude.

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