Enquête électorale française - Vague 12bis : Emmanuel Macron et Marine Le Pen conservent leur avance sur François Fillon, Jean-Luc Mélenchon creuse l’écart avec Benoît Hamon

L’enquête électorale française du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) réalisée par Ipsos / Sopra Steria en partenariat avec Le Monde et la Fondation Jean Jaurès , est sans précédent. Jusqu’en juin 2017, elle interrogera une fois par mois un échantillon d’environ 15 000 personnes inscrites sur les listes électorales sur leurs intentions de vote à l’élection présidentielle du printemps 2017 et aux législatives qui suivront ainsi que sur de très nombreuses thématiques politiques, économiques et sociétales.

Propos recueillis par Le Monde :

La mesure du Front National fait l’objet depuis toujours de nombreuses interrogations et c’est encore plus le cas que d’habitude dans cette campagne. En France comme à l’étranger, nombre d’observateurs affirment que Marine Le Pen serait sous estimée sur la base d’une intuition ou de croyances non démontrées davantage que d’une argumentation étayée. Ce discours, qui prend son origine dans le « péché originel » du 21 avril 2002 et mélange la victoire de Donald Trump et du Brexit avec l’élection présidentielle française et son mode de scrutin pourtant différent, imprègne les esprits et les commentaires. 48% des Français estiment maintenant que Marine Le Pen pourrait l’emporter.

Que dire dans ces conditions de la mesure du FN ?

D’abord qu’il est arrivé aux instituts de sondage tout autant de le sous-estimer que de le surestimer - et dans la plupart des cas, de l’évaluer très correctement. Lors des dernières régionales, le FN a été surestimé de 2 à 3 points suivant les instituts, tout comme il y a 10 ans dans le face à face entre Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy. La croyance en la sous-estimation systématique du FN est tellement enracinée qu’elle en devient sélective et omet ces cas de surestimation pourtant bien réels. Lors des dernières européennes en revanche, sa mesure a été très correcte.

Ensuite, rappelons que le niveau actuel de Marine Le Pen constitue déjà une très grande performance : 25% ou 26% d’intentions de vote, c’est 7 ou 8 points de plus que le score de 2012 (18%). Dans une élection où l’abstention s’établirait à 30% environ, cela signifierait près de 8 millions de suffrages exprimés contre les 6 millions obtenus en 2012 ou lors des régionales de 2015. Soit une progression de plus de 20%. Cela est possible compte tenu de la très bonne fidélisation de l’électorat FN et de l’arrivée de nouveaux électeurs mais cela n’a rien d’évident. Et si Marine Le Pen fait mieux encore le 23 avril, c’est que d’autres candidats auront baissé, alors que François Fillon ou Nicolas Dupont-Aignan sont à des niveaux faibles – respectivement 18% et 4% – et pourraient plutôt progresser. Rien n’est impossible mais la tâche, on le voit, est ardue.

Enfin, les enquêtes électorales sont aujourd’hui réalisées en « on line », c’est-à-dire par questionnaires auto-administrés. Il n’y a pas d’enquêteurs posant des intentions de vote et donc peu de risques d’insincérité : on peut mentir à quelqu’un si l’on n’assume pas son vote FN, on ne voit pas pourquoi on le ferait face à un ordinateur ou une tablette. De fait, quand on demande aujourd’hui aux interviewés leur vote lors de la dernière élection présidentielle, on retrouve assez exactement le résultat de 2012 pour chaque candidat. Cela témoigne d’une bonne représentativité politique des échantillons en ligne, meilleure que par téléphone.

Si des biais restent toujours possibles dans les enquêtes par sondage, c’est l’histoire de notre métier que de les repérer et de les corriger, et les instituts s’y emploient constamment. Mais si biais il y a, ils ne portent pas forcément uniquement sur le FN. A ce jour, lors des élections nationales et dans la limite des marges d’erreurs, les enquêtes par sondage ont plutôt bien fonctionné et la récente prévision du vote populiste aux Pays-Bas a été excellente.

La fluidité électorale accrue, l’abstention potentiellement forte, le désir profond des Français de changer la donne, les évènements imprévisibles de campagne, imposent néanmoins d’être prudent et rigoureux et de suivre le film jusqu’au bout. Mais on ne peut affirmer péremptoirement que le FN, à 3 semaines du 1er tour, serait sous-estimé.


EN SAVOIR + SUR CETTE ENQUÊTE

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
  • Federico Vacas
    Federico Vacas
    Directeur de département - Public Affairs

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