Jardins d’enfants

Si les enfants restent des enfants, les annonceurs doivent apprendre à interagir et à converser avec eux, comme nous l’explique Sylvie Gassmann, Responsable du département Quali, Ipsos ASI.

Les enfants d’aujourd’hui sont-ils si différents de ceux d’hier ; passent-ils en mode adulte plus tôt, comme on l’entend dire souvent ?

Sylvie Gassmann : Les marketers anglo saxons ont inventé la sémantique de KGOY (« kids are getting older younger ») pour qualifier ces enfants « adultisés ». Il est clair qu’ils possèdent désormais leur propre smartphone, gèrent leur profil Facebook ou leur blog, se retrouvent au fast-food, souvent dès 10 ans. Cette forme d’émancipation précoce les différencie-t-elle pour autant des enfants d’avant ? Non car les étapes de l’enfance restent liées à d’autres facteurs plus fondamentaux. Par exemple, la « période de latence » énoncée par Freud pour désigner ce temps compris entre 7 ans, le fameux âge de raison, et 14 ans, la fin de la puberté et le début de l’adolescence. Les pulsions sexuelles sont alors mises à distance, ce qui permet à l’enfant de se tourner vers le monde extérieur et les apprentissages. Et là, au fond, rien n’a changé.

Internet ne fait donc pas d’eux des petits adultes ?

S. G. : Nous cultivons une vision trop liée aux choix de consommation en oubliant les éléments invariants liés au développement fondamental de l’enfant. Par exemple, si les enfants du monde entier continuent de jouer à cache-cache à 2 ans, ce n’est pas en rapport avec une quelconque mode ou évolution sociologique,  mais le signe qu’à cet âge là, depuis toujours, on prend conscience de son corps, on essaye d’apprivoiser l’espace, etc. On évoque aussi beaucoup l’influence des réseaux sociaux. C’est oublier que cette période de transition, entre la petite enfance et l’adolescence, correspond à un âge où l’on est obsédé par l’intégration dans un groupe de pairs. C’est ainsi que l’on se construit. Hier, vous aviez le Club des Cinq. Aujourd’hui, c’est Facebook. La surface change. Elle grossit sans aucun doute le phénomène mais les besoins fondamentaux de cette tranche d’âge restent identiques.

Qu’en déduire en matière de communication publicitaire ?

S. G. : Que l’on peut aussi trouver des pistes d’inspiration et des idées dans tous ces éléments invariants. Attention ! Je ne dis pas que les nouvelles technologies ne comptent pas. Il est clair qu’elles influent énormément sur le développement de cette tranche d’âge des moins de 15 ans. Mais je crois davantage au KGAY « kids get aware younger » qu’au KGOY. Le Web apporte un nouveau moyen de communiquer, d’établir une relation directe des enfants à l’information, sans forcément passer par le filtre des adultes. De ce point de vue, l’évolution est assez confondante. Ces « techno-natives » sont même de plus en plus souvent en support par rapport à des parents qui eux sont clairement des « techno-adopters ».

Quelles sont les conséquences de ce retournement d’influence ?

S. G. : Elles sont multiples, mais une en particulier me semble très intéressante dans la mesure où elle ramène vraiment à la communication. Elle touche à ce que nous, gens du marketing, rangeons sous la formule de « pester power ». Je pense que ce modèle traditionnel de l’enfant hyper prescripteur, tyrannique, est dépassé. Les enfants ont en effet très bien compris que la meilleure façon d’obtenir des parents les objets de leur rêve est moins dans le harcèlement ou la provocation que dans l’argumentation. C’est particulièrement vrai chez les collégiens qui savent très bien convaincre leurs parents de l’intérêt qu’ils ont à leur accorder tel abonnement mobile ou telle carte bancaire. Parce qu’ils sont mieux informés et qu’ils maîtrisent mieux les stratégies rhétoriques, ils sont de plus en plus dans l’argumentation. De la même manière qu’ils sont en permanence en interaction avec leur environnement média.

On en revient au Web…

S. G. : Interactivité ne signifie pas nécessairement Internet même si le viral est incontestablement le premier vecteur d'influence auprès des jeunes. Les générations précédentes ont été élevées dans un rapport passif à l’image et à la publicité. Lorsque nous testons une publicité auprès d’elles, nous sommes dans le registre traditionnel du « j’aime bien, j’aime pas, voilà ce que j’en pense, etc. ». L’approche est très différente aujourd’hui avec un enfant. Son premier réflexe lorsque vous lui montrez un projet publicitaire, est de s’en emparer et de se dire : « qu’est-ce que je peux en faire ? ». On n’est pas dans le jugement mais dans l’appropriation : « C’est quoi ma place dans l’histoire ? Qu’est-ce que je peux faire ? Qu’est-ce que je peux dire ? Qu’est-ce que je peux rajouter ? » Voilà un point qui me semble absolument fondamental à comprendre quel que soit le média ou le système utilisé pour communiquer auprès des jeunes générations. S’ils n’ont pas leur place dans la campagne, alors la campagne perd énormément de son efficacité et de son agrément.

N’est-ce pas justement l’esprit de la campagne Tipp-Ex primée au Cristal Festival dont Ipsos est partenaire ?

S. G. : C’est précisément cela. On vous propose un début de film. Á vous de choisir la suite parmi la quarantaine de fins pré filmées. Tipp-Ex vous donne la possibilité de mettre en scène la publicité en faisant interagir les personnages. C’est l’exemple parfait de ce qui plait aux jeunes générations. C’est nouveau et rigolo. Surtout, elles ont un rôle à jouer dans l’histoire. Voilà un principe d’interactivité qui devrait se généraliser aux communications destinées aux moins de 15 ans, et ce, quel que soit le support. Il faut que l’enfant et les jeunes générations aient leur mot à dire et puissent participer à la discussion. La communication doit se traduire en conversation. C’est vrai pour tous les publics et particulièrement pour les enfants.

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