Le passager peut-il jouer un rôle actif en faveur d’une conduite responsable ?

À la veille des départs en vacances d’hiver, la Fondation VINCI Autoroutes et Ipsos publient la 8e édition du Baromètre de la conduite responsable et dévoilent les résultats de cette enquête annuelle sur les comportements des Français au volant. Quelles perceptions les Français ont-ils de leur propre conduite et de celle des autres ? Quel usage font-ils des smartphones en conduisant ? Comment préviennent-ils le risque de somnolence au volant ? En tant que passagers observateurs de la route et du conducteur, quel rôle incitatif ou correctif jouent-ils auprès de celui-ci ?

Bien que les Français soient de plus en plus conscients des risques liés à l’inattention au volant, leur utilisation des distracteurs ne diminue pas

Les Français placent de plus en plus l’inattention parmi les principales cause d’accidents mortels sur route (55 % ; +7 points par rapport à 2015) et sur autoroute (+4 pts). Ils sont aussi respectivement 39 % (+3 pts) et 23 % (+6 pts) à considérer qu’envoyer des SMS et téléphoner au volant font partie des comportements les plus risqués. Mais alors qu’ils sont 86 % à se déclarer prêts à ne plus jamais téléphoner au volant pour faire baisser le nombre de tués sur les routes, les conducteurs français  continuent d’utiliser de façon importante des distracteurs : 

  • 44% (+4 points par rapport à 2017) avouent téléphoner avec un système de conversation Bluetooth, une pratique certes autorisée mais qui n’en demeure pas moins dangereuse1 en termes de vigilance 
  • 38 % paramètrent leur GPS tout en conduisant 
  • 26 % (-3 pts) envoient ou lisent des SMS ou des emails au volant 
  • 21 % (+4 pts) signalent aux autres conducteurs des évènements via des applications smartphone ou des outils d’aide à la conduite 
  • 21 % téléphonent sans kit mains libres 
  • 12 % (-4 pts) téléphonent en conduisant avec une oreillette ou un casque

Il n’est donc pas étonnant que 7 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà eu un accident ou un presque accident en raison de l’utilisation d’un téléphone portable en conduisant.

Les incivilités et les comportements dangereux continuent de progresser

Loin d’avoir une conduite apaisée, les Français commettent de très nombreuses incivilités au volant : 69 % (+1 pt par rapport à 2017) des conducteurs avouent qu’il leur arrive d’injurier un autre conducteur, 56 % (+3 pts) de klaxonner de façon intempestive ceux qui les énervent, 35 % (-2 pts) de coller délibérément le véhicule qui les précèdent, 29 % (+2 pts) de doubler par la droite sur l’autoroute ou encore 16 % (+2 pts) de descendre de leur véhicule pour s’expliquer avec un autre conducteur.  Conséquence directe du caractère extrêmement répandu de ces incivilités : 86 % ont déjà eu peur du comportement agressif d’un autre conducteur.
Les comportements dangereux et contraires au code de la route sont eux aussi très nombreux et peinent à évoluer positivement : 9 conducteurs sur 10 (91 %) avouent dépasser les limitations de vitesse, se cachant peut-être derrière le fait que, selon les Français, la vitesse n’est que la 3e cause d’accidents mortels sur les routes (en baisse de 5 pts par rapport à 2017). 75 % des conducteurs disent également ne pas toujours respecter les distances de sécurité, 63 % (+3 pts) oublier de mettre le clignotant pour doubler ou changer de direction, pourtant seul moyen de communication avec les autres conducteurs, et 58 % (+3 pts) ne pas ralentir à l’approche d’une zone de travaux, mettant ainsi en danger le personnel d’intervention sur les chantiers. Enfin, 1 conducteur sur 2 (50 % ; +5 pts) admet circuler sur la voie du milieu sur autoroute alors que la voie de droite est libre, une attitude largement déplorée par les usagers.
Enfin, les conducteurs restent trop nombreux à conduire sous l’emprise d’alcool : près d’1 sur 5 (17 %) admettent qu’il leur arrive de prendre le volant en étant au-dessus de la limite d’alcool autorisée et 7 % (+2 pts) alors même qu’ils ressentent les effets de l’alcool. Des comportements en décalage avec les  déclarations des Français puisque plus de 2 sur 3 (70 % ; +3 pts) identifient la conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants comme la 1ère cause d’accidents mortels sur les routes et que 9 sur 10 se disent prêts à ne plus jamais prendre le volant en  ayant consommé de l’alcool pour faire baisser la mortalité routière.

C’est toujours des autres que vient le danger

Toujours très complaisants vis-à-vis d’eux-mêmes, les Français jugent très positivement leur attitude au volant. 98 % (+2 pts) emploient au moins un adjectif positif pour se décrire : ils se disent vigilants (76 %), calmes (47 %) et courtois (29 %). A contrario, ils sont très peu nombreux (12 %) à s’estimer stressés, et pour ainsi dire incapables de se considérer agressifs (3 %) ou  irresponsables (1 %) et encore moins dangereux (0 %). Inversement, lorsqu’ils jugent le comportement des autres, les conducteurs français se montrent nettement moins indulgents puisque 86 % d’entre eux citent au moins un adjectif négatif pour qualifier leur conduite : 49 % les jugent irresponsables (+4 pts), 44 % dangereux (+5 pts), 29 % agressifs et 27 % stressés.

Passager passif vs. passager actif : un rôle déterminant à jouer dans l’amélioration des comportements

Témoin et vigie du conducteurLa majorité des conducteurs ne pensent pas que la présence de passagers puisse influencer leur conduite : 58 % déclarent ne faire ni plus ni moins attention, qu’ils conduisent seuls ou accompagnés.
Pourtant, le passager est à la fois un témoin des comportements du conducteur et une vigie protectrice prête à intervenir pour lui-même, pour le conducteur et pour les éventuels autres passagers en appelant à plus de responsabilité et à adopter les bons comportements. Ainsi, 82 % des Français (85 % des femmes ) qui observent un dépassement de vitesse demandent au conducteur de ralentir, 77 % (80 % des femmes), l’incitent à faire une pause après 2 h de conduite, plus de 2 passagers sur 3 (69 %) lui demandent de ne pas répondre à un appel en conduisant, 63 % l’incitent à se rabattre sur la voie de droite lorsqu’il reste sur la voie du milieu sur autoroute et 60 % lui demandent de ne pas se garer sur une place réservée aux personnes handicapées à mobilité réduite même si aucune autre n’est disponible.

"De nombreux conducteurs ont spontanément une vision très autocentrée, voire narcissique, de leur propre conduite qui s’accompagne d’un sentiment de toute puissance. Le passager, au contraire, peut-être parce qu’il est plus exposé au sentiment de vulnérabilité, a naturellement un regard plus critique sur la conduite. De ce fait, il peut jouer un rôle de tiers vigilant et bienveillant, incarnant le souci de soi et d’autrui sur la route et contribuant à faire progresser le conducteur dans la  connaissance de ses limites et la reconnaissance de ses erreurs.Bernadette Moreau, déléguée générale de la Fondation VINCI Autoroutes.

Mais le passager peut également avoir une influence négative en incitant à une prise de risque. Ainsi, 30 % admettent qu’il leur arrive d’encourager le conducteur à se garer en double file quelques minutes, 25 % (29 % des hommes) de refuser qu’il s’arrête ou prolonge la pause pour ne pas perdre de temps, 20 % de l’inciter à accélérer pour arriver plus rapidement à destination (jusqu’à 24 % des hommes) ou encore 1 sur 10 (9 %) de lui demander de répondre lui-même à un appel.
Autre manière d’inciter à un meilleur comportement sur la route : prendre le temps d’évaluer la conduite d’un conducteur sur une plateforme de covoiturage, VTC ou taxi que l’on a utilisée. Ainsi, 22 % des Français qui ont eu recours à ce type de plateforme ont déjà donné une mauvaise note au conducteur et 19 % ont déjà signalé un comportement dangereux ou irrespectueux du code de la route. S’ils ne le font pas plus souvent, c’est avant tout parce que les conducteurs avec lesquels ils ont voyagé ont toujours eu une conduite satisfaisante (75 %). Mais les 25 % restants avancent des explications moins positives : ils ne l’ont pas fait parce qu’ils avaient le sentiment que cela ne changerait rien (12 %), par crainte des conséquences négatives pour le conducteur (7 %) ou par manque de temps (6 %).

Zoom sur… La somnolence au volant : un risque connu par les Français mais encore insuffisamment maîtrisé

La dette de sommeil s’aggrave à l’occasion des départs en vacances
26 % des conducteurs français déclarent dormir 6 heures ou moins en semaine, soit 1 heure de moins que les recommandations des médecins spécialistes du sommeil. À cette
dette de sommeil chronique s’ajoute, pendant les périodes de grands départs, un manque de sommeil conjoncturel : il arrive à 84 % des conducteurs de se coucher plus tard ou
de se lever plus tôt que d’habitude lorsqu’ils partent pour un long trajet, à 70 % de finir leurs préparatifs de départ tard dans la soirée et à 68 % de partir de nuit.

Des conducteurs toujours plus nombreux à prendre le volant alors qu’ils se sentent très fatigués, au risque de s’endormir au volant
Si une majorité de Français se déclare conscients qu’il ne faut jamais conduire en état de fatigue (76 %), ils restent trop nombreux à prendre la route alors qu’ils se sentent très fatigués (42 % ; +4 pts par rapport à 2017) et même à continuer leur trajet parce qu’ils y étaient contraints 45 %. Ces comportements qui consistent à repousser ses limites
ont des conséquences directes : 33 % des conducteurs ont déjà eu l’impression de s’être assoupis durant quelques secondes au volant et 26 % ont déjà empiété sur la bande d’arrêt
d’urgence ou sur le bas-côté à cause d’un moment d’inattention ou d’assoupissement. Plus inquiétant, 1 conducteur sur 10 a déjà eu ou failli avoir un accident en raison d’un assoupissement au volant.

Prévenir la somnolence au volant : de bonnes pratiques insuffisamment adoptées
Si 41 % (+2 pts) des conducteurs ont le réflexe de faire une pause toutes les deux heures et que 2 sur 3 (67 %) pratiquent la sieste, le temps moyen de conduite sans arrêt (2h48) demeure cependant largement supérieur aux recommandations. Par ailleurs, certains continuent de croire à tort qu’il est possible de conduire en état de fatigue, si l’on est extrêmement prudent ou parce qu’il existe des moyens pour ne pas s’endormir (café, musique, etc.). Toutefois, de nombreux automobilistes ont adopté certaines bonnes pratiques : 83 % programment leurs horaires de départ en fonction des heures où ils se savent le moins fatigués, 81 % des conducteurs décalent le moment de leur départ lorsqu’ils se sentent fatigués et 78 % (+1 pt) changent de conducteur au cours des longs trajets. Au final si les Français sont conscients des dangers de la somnolence au volant (52 % la citent en tête
des causes d’accidents mortels sur autoroute), ce risque ne suscite cependant pas encore chez eux le même réflexe de protection à l’égard d’autrui que l’alcool au volant alors même
que 17 heures de veille active équivalent à 0,5 g d’alcool dans le sang : ainsi 33 % d’entre eux n’insistent pas pour retenir un conducteur qui se dit très fatigué avant de prendre la route.

1. Etude du Centre d’investigations neurocognitives et neurophysiologiques (Ci2N) de l’Université de Strasbourg sur l’impact des conversations téléphoniques au volant (2013).

Fiche technique : Étude réalisée du 19 au 29 janvier 2018, par Internet, sur 1000 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus (méthode des quotas).

Auteur(s)

  • Amandine Lama - Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs
    Amandine Lama
    Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs
  • Etienne Mercier
    Etienne Mercier
    Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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