Les métiers du bâtiment : entre optimisme économique et déficit d'attractivité

Les artisans opérant dans le secteur du bâtiment font face à de nombreuses incertitudes : ralentissement de la construction neuve (-2,3% en 2023 dont -4,5% au dernier trimestre), faible progression de l’entretien-rénovation (+0,1% sur l’année dont 0% au T4), baisse du nombre du nombre de sociétés avec la qualification Reconnu Garant de l’Environnement , hausse du prix des matériaux et de l’énergie. Dans ce contexte, Ipsos a réalisé une enquête sur un échantillon de 305 artisans du bâtiment avec son partenaire Episto pour dresser leur bilan de 2023 et leur vision de 2024.

Des perspectives économiques favorables inquiétées par le manque d'attractivité

Sur le plan économique, 90% se déclarent satisfaits du niveau d’activité de leur entreprise pour l’année 2023 (dont 38% de ‘très satisfaits’) et estiment qu’il va rester le même, voire progresser en 2024, 40% dans les deux cas. On notera que les plus optimistes travaillent dans le domaine de la rénovation.

Mais, alors que ce dynamisme crée des besoins – 51% des entreprises interrogées cherchent à recruter (dont 34% à court terme), l’attractivité des métiers du bâtiment reste particulièrement faible, 89% affirmant qu’il est difficile de trouver de la main d’œuvre (60% pensent même que c’est ‘très difficile’). En parallèle, il est important de rappeler qu'il est obligatoire de faire appel à un artisan RGE pour bénéficier des aides à la rénovation énergétique. S’il y en a moins, les Français risquent de reporter les travaux ou d’aller au plus économique.

Ce déficit d’attractivité pose notamment la question de la valorisation des métiers de l’artisanat, en priorité dans le système éducatif, qui se traduit pour 54% par le manque de candidats, 65% estimant d’autre part qu’ils manquent de compétences tout en étant trop exigeants : 28% trouvent les attentes salariales élevées.

La question du prix se révèle centrale, à la fois pour se procurer des matériaux de qualité (le critère le plus important pour l’achat d’outillage, de fournitures, etc.) et disposer d’une marge suffisante pour bien rémunérer les salariés. Elle se télescope avec les deux préoccupations majeures des artisans du bâtiment pour 2024, le coût des matières premières et du carburant, respectivement n°1 et n°2 à 65% et 42%.

 

Une prise de conscience environnementale inévitable qui appelle à un besoin d'accompagnement

La baisse de la demande (37%) et la gestion des salariés (36%) viennent ensuite, avec le sujet de la dimension environnementale qui représente à la fois une opportunité et des contraintes. D’un côté, le gouvernement veut accélérer la transition énergétique, ce qui profite aux artisans, mais de l’autre, des réglementations comme la RE2020[1] (pour prendre en compte la performance environnementale dans la construction neuve, du chantier au bâtiment lui-même) imposent de nouvelles normes.

75% des artisans du bâtiment jugent donc les sujets environnementaux importants pour leur entreprise et leur activité, et 81% pensent que leur prise en compte va augmenter dans les cinq prochaines années, la gestion des déchets de construction représentant le défi n°1, suivie de la composition des matériaux et de la consommation d’énergie. Ils ont besoin d’être accompagnés et 92% des artisans du bâtiment considèrent qu’au moins un de leurs partenaires, marques, fabricants & distributeurs est légitime pour les accompagner.

S’il y avait un enseignement à retenir de l’étude, c’est le sentiment des artisans du bâtiment de se retrouver dans une situation paradoxale : plutôt favorable sur le plan économique et mauvaise en termes d’attractivité alors qu’ils ont besoin de recruter.

Signe plutôt encourageant : dans sa dernière note portant sur le mois de février 2024[2], la Banque de France relevait des taux d’intérêt en léger repli par rapport à janvier (s’établissant à 4,11%) pour les crédits immobiliers aux particuliers. Une première en deux ans alors que les banques tentent de redynamiser la demande. Et l’obtention des prêts quand la quantité de logements à rénover d’ici 2050 (20 millions[3]) offre des perspectives exceptionnelles qui méritent d’être valorisées.

A propos d'Episto

Créée en 2018 par Jérémy Lefebvre et Alexis Watine, Episto est aujourd’hui la technologie de référence de collecte d’opinions via les réseaux sociaux grâce à des questionnaires conversationnels et engageants. Episto compte parmi ses clients de grandes sociétés de sondages et d’études (Ipsos, Kantar, BVA...), des leaders de la distribution (Decathlon, Auchan, Fnac Darty, ...), des champions de l’agroalimentaire (PepsiCo, Bel, ...) et de grandes entreprises publiques comme la SNCF.
Pour en savoir plus : https://www.episto.fr/

 


[3] https://www.anah.gouv.fr/presse/rentree-2024

A propos de cette étude 
Enquête online réalisée du 6 au 16 février 2024, recrutement des participants sur les réseaux sociaux (méthode web intercept) via l’outil Episto. 305 artisans interrogés, tous ont un rôle de décisionnaire en matière de choix de matériaux, d’outillage, de circuit d’achat.

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