Seuls 6 Français sur 10 ont le sentiment d'appartenir à une communauté nationale
A l’occasion de la 3ème édition du Colloque Erignac, l’Association du Corps Préfectoral organise un débat autour du thème « L’intégration républicaine en péril : comment la refonder ? ». A cette occasion, les organisateurs ont demandé à Ipsos de réaliser un sondage portant sur divers aspects de cette thématique : les Français ont-ils encore le sentiment de former une communauté nationale ? Quels sont les ressorts de ce sentiment, et quelles sont au contraire les fractures qui traversent la société ? Comment les Français perçoivent-ils l’intégration en France de personnes d’origine étrangère, et dans quelle mesure sont-ils personnellement prêts à s’engager pour la favoriser ?
Malgré des éléments unificateurs forts, le sentiment d’appartenir à une communauté nationale n’est partagé que par six Français sur dix
Pour les Français, l’attachement aux valeurs de la République est le marqueur le plus important du fait d’être Français : 63% le citent, très loin devant la nationalité (33%), le mode de vie (33%), la langue (28%), le fait se de sentir héritier de l’histoire de France (24%) et enfin le fait de vivre sur un même territoire (18%). Pour autant, une minorité non négligeable pense aussi que ces valeurs républicaines ne sont pas bien acceptées (37%) ou pas claires (41%) aux yeux des Français, et une majorité (56%) estime même qu’elles ne sont pas bien appliquées par leurs concitoyens.
Dans ce contexte, le sentiment d’appartenance à « une communauté nationale avec les autres Français » est majoritaire (59%), mais quatre Français sur dix ne partagent pas cette opinion. L’impression de ne pas appartenir à une communauté nationale est même majoritaire parmi les habitants du monde rural (61%) et au sein des catégories populaires (52%). Néanmoins, plusieurs éléments jouent, aux yeux de l’opinion, un rôle important « pour rassembler les Français » : c’est tout particulièrement le cas de « la langue française » (94%) et de « l’école publique, gratuite et obligatoire » (94%). Sont aussi largement citées comme facteurs de rassemblement « les valeurs de la République » (90%) qui confirment leur place importante, mais aussi « le modèle français de protection sociale » (90%), « les richesses du territoire et du patrimoine » (88%), « la volonté de progrès social » (87%), « l’histoire de France » (85%) ou « le drapeau tricolore » (84%). Ce sentiment de communauté s’appuie donc en France à la fois sur des éléments culturels, historiques et sociaux spécifiques.
Une société profondément fracturée, notamment du point de vue social
L’enquête montre par ailleurs que les Français appréhendent relativement mal la réalité du monde social qui les entoure. Ils sous-estiment fortement la proportion au sein de la population des personnes habitant dans les zones urbaines, de même que le pourcentage de propriétaires de leur logement ou de personnes vivant en couple. En revanche, ils surestiment largement la part des diplômés du supérieur, des 60 ans et plus ou des personnes immigrées et étrangères vivant sur le territoire.
Cette mauvaise représentation peut aider à comprendre la surprise de nombreux observateurs devant la force et la longévité du mouvement des « gilets jaunes ». Un mouvement qui aura aussi mis en lumière l’importance de la fracture sociale en France, qui est, aux yeux des Français, le principal clivage aujourd’hui (67%), loin devant les fractures identitaires (43%), territoriales (32%), politiques (24%) ou générationnelles (12%).
Dans le contexte social et politique actuel très tendu, 55% des Français affirment que « ce qui sépare les Français est plus fort que ce qui les rassemble », une opinion particulièrement partagée parmi les sympathisants de droite : 66% chez les proches de LR, 60% au RN. Des fractures qui touchent même aux valeurs fondamentales, puisque seuls 52% des personnes interrogées estiment que « la grande majorité des Français partage un certain nombre de valeurs comme les droits et les devoirs des citoyens, la fraternité ou la démocratie », 48% jugeant au contraire que des divisions existent même sur ces valeurs (dont 59% des sympathisants RN, 57% des moins de 35 ans et 55% des catégories populaires).
Une opinion très clivée sur la question de l’immigration, mais une certaine bonne volonté au niveau personnel pour favoriser l’intégration
Enfin, l’opinion reste très partagée sur l’apport de l’immigration : 50% jugent que c’est « une menace pour l’identité française » contre 49% qui estiment au contraire que c’est « une richesse », et 46% jugent que c’est « une menace pour l’économie française » contre 54% qui sont d’un avis opposé. Sans surprise, les plus hostiles à l’immigration sont les sympathisants de droite, et notamment du RN, ainsi que, dans une moindre mesure, les catégories populaires. Des données qui sont globalement stables par rapport à celles mesurées au cours des dernières années, mais qui indiquent néanmoins que l’irruption de la question sociale n’a pas mis en sourdine les craintes identitaires.
Cette tension se reflète dans le fait que les Français jugent très majoritairement (64%) que les personnes d’origine étrangères sont mal intégrées, ce qui est aux yeux des personnes interrogées davantage lié à un manque de bonne volonté de leur part (68%) qu’à une hostilité de la part de la société dans son ensemble (32%).
Néanmoins, les Français semblent prêts à faire certains efforts pour favoriser l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère : 34% se disent prêts à agir pour les aider dans leurs démarches administratives et presque autant (33%) à leur donner des cours de Français. Seuls 14% refusent toute aide car ils « ne souhaitent pas favoriser leur intégration », quand 32% mettent en avant un manque de temps ou de moyens.