[TRIBUNE] Droits de l'Homme : qu'en reste-t-il en 2020 ?
Principes
Il n’est pas inutile d’en rappeler quelques points, comme les Articles 9. (Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé), 12. (Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes), 13.1 (Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat) & 13.2 (Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays) et 29.2 (Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique).
Réalités
Qu’en reste-t-il depuis la loi Vigipirate de 1986, celle sur la sécurité quotidienne de 2001 (dite Loi Vaillant), la proclamation de l’état d’urgence terroriste en novembre 2015, la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (2017), la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en 2020 et le projet de loi prorogeant le régime transitoire jusqu’en janvier 2021 ? Qu’en reste-t-il aussi depuis que « couvre-feu », « attestation », « quarantaine », « déplacements limités à 1kms, 20kms, 100 kms… », « interdiction de rassemblement », « jauges », « commerces essentiels [ou pas] », « traçage numérique », « dépistage », « contrôles aléatoires aux frontières », etc. font partie du vocabulaire anti-covid 19 ? Et enfin, qu’en dire alors que la Loi sur la sécurité globale – après une quinzaine de lois déjà votées sur ce sujet – est à l’ordre du jour et que le Décret n° 2020-1511 du 02/12/2020 n’a plus de limite dans le recueil des données dites « à caractère personnel » ?
Toutes contiennent des mesures dérogatoires au Droit commun qui installent un état d’exception toujours plus restrictif dans la vie quotidienne (rétentions de sûreté, fouilles ou arrestations préventives, perquisitions de nuit…) et dont la fin est difficile à envisager : qui peut garantir qu’il n’y aura plus jamais d’attentat terroriste ? Qui peut certifier que la covid-19 était la dernière pandémie ?
Inquiétudes
Le débat protection / liberté, contraintes provisoires / dispositions permanentes n’est pas né en 2020, mais la commémoration de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme prend un relief particulier ce 10 décembre en France alors qu’il est clair que nous ne pourrons pas circuler ni aller en vacances où nous voudrons, ni nous réunir librement dans les prochaines semaines pour fêter deux des moments les plus symboliques, Noël et l’An Neuf.
L’enquête menée par Ipsos & Sopra Steria pour « Vous avez la parole » (France 2)[1] montre à quel point les Français sont préoccupés par la question des libertés individuelles : 71% d’entre eux pensent qu’elles sont aujourd’hui menacées dans leur pays. En termes d’affinités politiques, c’est le cas de 88% des sympathisants LFI, 78% EELV et PS, 73% RN ; en termes générationnels, 79% des moins de 35 ans.
Quant à la démocratie, le nombre de Français qui ont confiance dans la capacité de ce système à être le meilleur possible et qui le jugent irremplaçable ne cesse de baisser depuis la première vague du Baromètre, de 76% en février 2014 à 66% en novembre 2020. A l’inverse, le nombre de ceux qui estiment que d’autres systèmes peuvent être aussi bons que la démocratie progresse dans la même proportion, de 24% à 34% en six ans[2].
Etat de Droit(s)
Plus que jamais, il faut rappeler que l’état d’urgence ne sort pas du cadre de l’état de droit et rappeler les contre-pouvoirs et les garde-fous qui garantissent ce principe absolu ; la Défenseure des droits, Claire Hédon, affirmant par exemple que l'article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale est « une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression », en est une illustration.
L’une des meilleures manières de mettre en pratique les principes de la Déclaration universelle des droits humains est d’insister sur tous les contrepoids aux dérives antidémocratiques : caractère public des débats, existence de commissions d’enquête comme celles de l’Assemblée nationale sur la Covid-19, possibilité de saisir en urgence le juge administratif[3] lorsque « l’on estime que l’administration porte atteinte à une liberté fondamentale (liberté d’expression, droit au respect de la vie privée et familiale, droit d’asile, etc.) ».
On finira en rappelant l’Article 1. de la Constitution du 24 juin 1793, dite Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles ». Utopie ou Humanisme ?