Fractures françaises 2024 : une crise de confiance ?

Pour la douzième année consécutive, Ipsos publie l’enquête Fractures françaises, pour le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne. Cette grande enquête permet de mesurer l’opinion des Français sur l’état de la société, leurs valeurs et leur perception des grandes forces politiques. Après une année politique très mouvementée, cette nouvelle vague des Fractures françaises témoigne d’une défiance toujours plus forte des Français envers la classe politique.

Un contexte qui reste marqué par le mécontentement, la défiance et un sentiment de déclin

La nouvelle vague des Fractures françaises a lieu dans un climat social qui demeure difficile. En effet, la préoccupation pour le pouvoir d’achat reste de loin la plus citée par les Français (38%) et 55% des Français déclarent par ailleurs avoir des difficultés à subvenir aux dépenses courantes de leur foyer.  Dans ce climat social tendu, les Français affichent clairement leur mécontentement : 43% disent appartenir à une France en colère et très contestataire. Si ce chiffre est en baisse de deux points cette année, il demeure largement supérieur à celui observé en 2022. Par ailleurs, 54% déclarent appartenir à une France mécontente et seuls 3% à une France apaisée, le plus bas niveau jamais observée, en baisse pour la 3ème année consécutive.

Autre signe d’un contexte difficile, le sentiment de défiance s'est accru parmi les Français : près de 8 Français sur 10 déclarent qu’on est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres (+5 points depuis 2023). Cette défiance intervient alors que les Français ont la conviction que la société est violente : cette idée est partagée par plus de neuf Français sur dix, un chiffre stable par rapport aux années précédentes. De plus, une part très importante de Français (89%) a le sentiment que cette violence s'intensifie.

Dans ce contexte, le sentiment d'un déclin national persiste : 87% pensent que la France est en déclin (+5 points), dont 34% qui déclarent que ce déclin est irréversible (stable). Ce sentiment de déclin est désormais majoritaire parmi les sympathisants de toutes les principales forces politiques. De plus, la part des Français estiment que l’avenir de la France est plein d’opportunités et de nouvelles possibilités atteint son niveau le plus bas (40%, -4 points).


Une confiance dans le politique qui s’ébranle

Après une année électorale marquée notamment par la dissolution de l’Assemblée nationale, on observe une défiance toujours plus forte envers le personnel politique. En effet, l’ensemble des acteurs politiques (à l’exception notable des maires) connait une baisse importante de confiance cette année : 26% déclarent avoir confiance dans le président de la République (-8 points), 22% dans les députés (-7 points) et 14% dans les partis politiques (-3 points). De plus, la part des Français estimant que le système politique fonctionne mal est en forte hausse (78%, +9 points), tout comme celle de ceux considérant que les hommes et femmes politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels (83%, +8 points).

Alors que les élections législatives anticipées de 2024 ont eu pour conséquence une situation parlementaire très compliquée, avec une absence de majorité claire, les Français se montrent désormais partagés sur le bon système politique à l’Assemblée nationale. Si une courte majorité estime toujours que le bon système politique est celui d’une majorité relative (53%), cette proportion est en forte baisse depuis 2 ans (-6 points depuis 2023, -17 points depuis 2022).

Les partis politiques français continuent de susciter une méfiance générale. Aucun des partis testés n’est perçu par une majorité de Français comme capable de gouverner le pays, ni comme étant proche de leur préoccupation. De plus, aucun des partis présents à l’Assemblée nationale n’a un comportement approuvé par une majorité de Français. Si le RN est le parti le mieux perçu (37% approuvent la manière dont il se comporte), une majorité de Français n’approuve pas son attitude à l’Assemblée nationale (51%).

L'image du Rassemblement National (RN) s'améliore légèrement. En effet, les qualificatifs négatifs associés au RN continuent de baisser d’atteindre des niveaux historiquement bas :  50% des Français perçoivent le RN comme dangereux pour la démocratie (- 2 points depuis 2023, -11 points depuis 2020) et 49% comme xénophobe (-1 point depuis 2023, -9 points depuis 2020). La France Insoumise est désormais largement plus perçue comme dangereuse pour la démocratie que le RN (63%, +6 points par rapport à 2023).

 

Valeurs et identité dans un contexte de globalisation

La globalisation atteint son pic de défiance depuis 2013 : 64% pensent que la mondialisation est une menace pour la France. Par ailleurs, la nostalgie pour un passé perçu comme meilleur persiste : 73% des Français estiment « qu’en France, c’était mieux avant » et 63% que l’ on « ne sent plus chez soi comme avant ». De plus, 72% déclarent s’inspirer de plus en plus des valeurs du passé dans leur vie.

Les Français s'identifient majoritairement à leur nationalité (40%) et à leur génération (38%), mais on observe une fracture générationnelle : les plus âgés ressentent une identification plus forte à leur génération que les jeunes (52% versus 28%).

Fait marquant de cette édition 2024, les perceptions négatives sur l'immigration diminuent : 55% des Français estiment ainsi que les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer, une proportion en baisse de 3 points cette année. 44% estiment par ailleurs que l’immigration est une nécessité pour l’économie française, une proportion certes minoritaire mais en hausse de 6 points par rapport à 2023. Les Français continuent cependant, dans une large majorité (65%) de considérer qu’il y a trop d’étrangers en France.

 

Brice Teinturier

Fractures françaises : des « angoisses de disparition », mais pas de « décivilisation »

Dans une tribune pour Le Monde, Brice Teinturier s'intéresse à la notion de "décivilisation". L'enquête "Fractures françaises 2024" menée par Ipsos pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l'Institut Montaigne révèle une sensibilité accrue des Français à la violence, signe d'une civilisation des mœurs grandissante. Les véritables fractures françaises résident, selon l'auteur, dans un profond sentiment de vulnérabilité et un besoin massif de protection.

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Rapport complet

 


A propos de la vague 2024 de Fractures françaises

Enquête Ipsos pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l'Institut Montaigne, menée du 14 au 21 novembre 2024 auprès de 3 000 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

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