"Le modèle alimentaire français résiste et se réinvente"

Le confinement a renforcé les envies de consommation durable. Les Français privilégient désormais une alimentation responsable. Mais l'impact de la crise sanitaire sur le pouvoir d'achat constitue un frein. Découvrez l'observatoire «Alimentation et familles» mené pour la Fondation Nestlé.

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  • Youmna Ovazza Directrice France, Ipsos Strategy3
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"La première édition de notre observatoire a montré comment le modèle alimentaire français résiste et se réinvente, a confirmé les nouvelles aspirations citoyennes des familles, et a mis en évidence l’équilibre subjectif et sous contraintes notamment financières du manger sain."

Pierre-Alexandre Teulié, Secrétaire Général de la Fondation Nestlé France.

L’Observatoire Alimentation et Familles repose sur une méthodologie d’analyse inédite alliant études quantitatives, analyse des conversations en ligne et observation qualitative des pratiques alimentaires réelles des familles sur une période de plus d’un an.

"C’est la première fois en France que nous menons un dispositif d’analyse aussi large et aussi long pour observer les comportements alimentaires. Cette étude va donc au-delà des perceptions et des déclarations pour se confronter aux comportements de la vie de tous les jours des familles en France prenant également en compte l’impact du premier confinement".

Youmna Ovazza, Vice-Présidente du département Strategy3 chez Ipsos

La réinvention du modèle alimentaire français

En France, la prise de repas partagé à heures fixes constitue un rite institutionnel et social structuré qui légitime le plaisir alimentaire des familles. Ce modèle alimentaire résiste et se réinvente.

Les Français ne sautent généralement pas de repas, le dîner est le repas le plus incontournable et le goûter est un moment privilégié de consommation. En semaine, seulement 7% des familles ne prennent jamais de petit-déjeuner, 5% ne prennent jamais de déjeuner et 1% ne prennent jamais de dîner. Elles prennent 30 à 35 minutes en moyenne pour déjeuner ou dîner. Le week-end, quasiment tous les repas sont pris en famille ou avec des amis (dîner). Seulement 14% des Français prennent leur dîner seuls en fin de semaine.

Le plaisir est la préoccupation majeure des repas pour 58% des Français, et le sujet dont ils parlent le plus sur les réseaux sociaux. Le plaisir est d’abord associé à la notion de goût (62%), à la convivialité (48%) et au « manger ensemble » (41%). Cuisiner constitue un moment privilégié d’interactions. 83% des Français cuisinent encore ensemble.

La technologie peut aider à faire varier les plats et donc les plaisirs, de cuisiner et de consommer. Pour chercher de l’inspiration ou de l’originalité sur Instagram ou élaborer des plats plus sophistiqués avec des robots. De même, partager sans préparer est devenue une réalité. 44% des Français ont déjà utilisé une application pour se faire livrer des repas à domicile.

Les familles s’adaptent à la fragmentation des régimes alimentaires pour continuer de manger ensemble. Face à des préférences alimentaires distinctes ou clivantes au sein des foyers (plus de la moitié des familles sont concernées par une différence de régimes alimentaires), 68% des Français cuisinent des plats différents ou une base commune que chacun vient agrémenter selon ses envies.

Les écrans sont perçus comme la première menace sur la convivialité des repas.  88% ont déjà mangé récemment devant la télé même si la tendance va vers une diminution avec la volonté affirmée de diminuer cette pratique.  

[COVID-19] Pendant le confinement, le modèle traditionnel français s’est renforcé avec une prise plus systématique des trois repas par jour, une attention soutenue à maintenir un cadre convivial et social. On observe un rééquilibrage des préoccupations santé et plaisir entre la semaine et le week-end. Le plaisir est devenu une des préoccupations majeures en semaine à la place de la praticité. L’équilibre alimentaire a été davantage considéré pour les repas le week-end.

Les nouvelles aspirations citoyennes des familles

L’Observatoire confirme que l’alimentation n’échappe pas aux nouvelles exigences de consommation responsable. Les consommateurs, de plus en plus attentifs à leur alimentation, semblent perdus au milieu d’informations contradictoires, alors qu’ils sont prêts à suivre les conseils.

Les tendances autour du made in France, des produits locaux et du bio se confirment. 51% disent plus souvent privilégier des produits made in France ou locaux. 45% disent plus souvent manger plus souvent bio.

L’attention à la nutrition se maintient. 54% utilisent une application d’information nutritionnelle (ex. Yuka). 46% disent manger équilibré plus souvent. 41% disent réduire le sucre plus souvent. 39% disent être attentifs aux valeurs nutritionnelles des aliments plus souvent.

Les nouvelles pratiques citoyennes se renforcent. 48% disent plus souvent faire plus attention au gaspillage alimentaire. 41% disent plus souvent réduire leurs achats de produits emballés dans du plastique/ avec des suremballages.

Dans leurs pratiques, les consommateurs se réapproprient leur alimentation quotidienne en amenant leur repas fait maison au bureau (36%) et en préparant le we des plats pour la semaine (tendance du batch cooking).

[COVID-19] Le confinement n’a pas créé de nouvelles pratiques. Même la livraison de plats à domicile n’a pas significativement augmenté et reste éloignée des milieux ruraux : 44% des Français déclarent avoir commandé à domicile contre 45% pendant le confinement. Les familles ont confirmé les pratiques citoyennes sur lesquelles elles s’étaient déjà positionnées : favoriser les produits locaux et le bio, faire attention à l’équilibre nutritionnel et lutter contre le gaspillage alimentaire.

« Manger sain », un équilibre subjectif sous contrainte

Manger sain et équilibré est une préoccupation majeure pour 70% des Français. A titre d’exemple, « la gourmandise de canapé » est une pratique en recul. 53% ne prennent pas de dessert ou ne grignotent pas ou moins souvent qu’il y a trois ans dans la soirée.

Le prix constitue le principal frein au désir de bien manger. Près d’1 Français sur 2 considère que c’est trop cher de manger équilibré (47%). Le prix est un sujet de préoccupation majeure amplifié par la crise sanitaire : 45% des Français déclarent être inquiets par la situation financière du foyer depuis le début de la crise sanitaire. Les promotions constituent alors un facteur de choix privilégié devant la qualité des produits.

Le manque de temps constitue le deuxième frein au bien manger, surtout en semaine. 38% considèrent que le manque de temps disponible est un frein pour manger équilibré.

“Chez nous c’est sain, le problème c’est chez les autres” Si l’étude montre que les répondants sont persuadés de manger sainement la semaine et le weekend, l’observation montre un décalage avec leurs comportements.

“Bien se nourrir, c’est une histoire de famille !” Enfin, la transmission des bonnes pratiques se fait souvent par les grands-parents, entre tradition et adaptation à l’époque. Les plats préparés par les grands parents sont souvent plus élaborés que les plats préparés par leurs enfants.

[COVID-19] Pendant le confinement, les Français ont eu plus de temps pour préparer et manger plus équilibré. En revanche, le confinement a augmenté significativement la contrainte financière, principal frein au bien manger. Un tiers des familles a vu sa situation financière se dégrader. Les Français n’envisagent toutefois pas de diminution des dépenses alimentaires mais privilégient les marques moins chères, les promotions et les circuits courts accessibles.

« Nous avons été séduits par l’ingéniosité des familles pour se réapproprier leur alimentation. Au-delà des attentes que nous connaissions et qui se confirment, nous nous sommes intéressés aux nouvelles pratiques ancrées dans le quotidien des familles comme les stratégies de compromis culinaires au sein du même foyer pour faire cohabiter plusieurs régimes alimentaires distincts, l’apport de gamelle au bureau, la tendance au batch cooking qui vise à préparer le weekend ses repas pour la semaine ou encore l’apport des technologies dans l’alimentation. »

Laurence David, Déléguée Générale de la Fondation Nestlé France 

« Nous retenons la formidable capacité des familles à réinventer le modèle alimentaire français avec les nouveaux usages, la technologie ou l’émergence de préférences alimentaires au sein du foyer. Dans le même temps, l’inquiétude financière, accélérée par une inquiétude sanitaire et sociale, constitue l’autre enseignement majeur de notre observatoire. Nous souhaitons suivre et analyser plus en profondeur ces inégalités sociales lors des prochaines éditions. »

Pierre-Alexandre Teulié

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  • Youmna Ovazza Directrice France, Ipsos Strategy3

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