Les Européennes, ou le pari populiste ?

Deux ans après le Brexit et l’élection de Donal Trump, quelques mois après les élections en Italie et à quelques mois des élections Européennes, Ipsos a voulu mesurer à nouveau la perception de l’opinion sur les thèmes souvent associés à de fortes demandes de changement politique ou à la montée des populismes. Découvrez notre enquête internationale menée dans 26 pays.

De « La France qui tombe » en 2003, jusqu’à « Soumission », « L’identité Malheureuse », ou encore « Ce Pays qu’on abat », les essayistes et romanciers Français ne cessent de décliner depuis 15 ans sur tous les plans – économique, identitaire, moral – la thématique du… déclin. On en oublierait presque que le déclinisme n’est pas propre à la France, même si notre pays a des caractéristiques particulières. Ainsi, 57% des personnes interrogées en 2016 par Ipsos dans une trentaine de pays considéraient leur pays « en déclin », à commencer par ces géants dont nous envions (du moins il n’y a pas si longtemps) les taux de croissance à deux chiffres : Brésil, Argentine, Turquie, Afrique du Sud…

2017, voulait-on croire, allait marquer un coup d’arrêt et couper le sifflet des déclinistes de tout poil. L’optimisme d’un jeune président, qui a démenti la théorie des dominos – la victoire du FN devait suivre celle de Trump et du Brexit - avait même semblé redonner espoir aux Français, avec un regain d’optimisme dans la foulée de son élection.
Un an plus tard, le recul du sentiment de déclin reste un phénomène notable dans la dernière enquête Ipsos Global Advisor réalisée auprès de 27 pays. A 44%, le sentiment global de déclin a ainsi reculé de 13 points en deux ans.

Pour autant, lorsqu’on analyse en détail les moteurs du populisme, il reste très difficile de dire si cette tendance n’est qu’une parenthèse, ou si elle amorce une véritable décrue du déclinisme. Ainsi, au sein de l’échantillon de citoyens de 26 pays interrogés par Ipsos, 64% pensent que l’économie de leur pays favorise avant tout les riches et les puissants (-5 points), 58% jugent que les partis politiques traditionnels ne s’occupent pas des gens comme eux (-6 points), 52% estiment que pour régler la situation de leur pays, il faut un leader fort et prêt à ne pas respecter les règles (+3 points).

Ces évolutions globales recouvrent évidemment une grande diversité de situations selon les pays. En France, le sentiment que l’économie favorise les riches et les puissants ne recule ainsi que très peu (67%, -3 points), alors qu’en Italie ce sentiment recule de près de 20 points à la suite de l’élection d’une coalition populiste en mars dernier (à 56% au lieu de 75% en 2016). 51% des Italiens pensent que les hommes politiques ne se préoccupent pas des gens comme eux, ce sentiment déclinant là encore d’environ 20 points depuis 2016. Il s’agit là de tendances tout à fait inquiétantes, en ce qu’elles tendent à indiquer que l’exercice du pouvoir – du moins, au bout de quelques mois -, loin de décrédibiliser les populistes, peut en réalité les renforcer. On note d’ailleurs que la Ligua de Salvini ne cesse de grimper dans les sondages de popularité, culminant à 33,5% de préférences début septembre, en hausse constante depuis l’élection de mars dernier, et juste devant le Mouvement 5 étoiles (30%).
Autre élément tout à fait inquiétant : dans de nombreux pays européens, le rapport bénéfice/risque établi par les populations entre d’une part, le risque de porter au pouvoir des leaders « populistes », et d’autre part, l’espoir de changement réel associé à un vote populiste, semble clairement pencher en faveur du pari populiste. Ainsi, Seulement 24% des Italiens estiment qu’élire des leaders ou partis politiques porteurs d’idées radicales et n’ayant jamais exercé le pouvoir représente un risque pour leur pays. Cet avis est partagé par 27% des Suédois – qui ont donné aux populistes une victoire électorale relative il y a quelques jours à peine -, 28% en Grande Bretagne, 31% en Espagne et en Hongrie, 34% en France… De même, seulement 15% des Italiens estiment qu’il vaut mieux mieux conserver des partis ayant déjà exercé le pouvoir, une proportion équivalente à celle mesurée en France. Les Polonais partagent cet avis à 16%, les Suédois à 17% de même que les Belges, les Espagnols et les Britanniques à 18%. Parmi les 26 pays testés, c’est donc en Europe que l’on mesure la plus forte propension à juger le risque populiste acceptable au regard des gains politiques qui en sont attendus. Un contexte favorable à toute nouvelle offre « radicale » qui souhaiterait émerger dans la perspective des élections européennes – élections déjà traditionnellement envisagées comme à faible impact sur la vie quotidienne, donc propices à toutes les aventures.

Fiche technique :
Étude réalisée online, du 26 juin au 9 juillet 2018, sur 17 203 personnes dans 26 pays : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Corée du Sud, Espagne, France, Hongrie, Inde, Italie, Japon, Malaisie, Mexique, Pérou, Pologne, Russie, Suède, Turquie, UK et USA.

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