Les Français et les fractures de la mobilité dans les territoires
Ipsos publie les résultats d’une enquête réalisée auprès de 4 000 personnes constituant un échantillon représentatif de la population active française, ayant pour objectif de mieux comprendre leurs pratiques, difficultés et attentes en matière de trajets quotidiens. Quelle est la place de la voiture dans les modes de transport utilisés par les actifs français ? Est-elle détrônée par les transports en commun en zone urbaine ? Quelle est la part du multimodal ? Combien de temps les Français consacrent-ils à leurs trajets domicile-travail et quelles sont les principales sources de perte de temps ? Comment jugent-ils leurs conditions actuelles de transport ? Quel budget consacrent-ils à ces trajets ? Des alternatives existent-elles pour diminuer ce budget ? L’accès aux transports en commun est-il possible partout en France ? En répondant à ces questions, cette grande enquête dessine une France très contrastée, laissant apparaître des fractures territoriales, sociales et économiques qui se cumulent.
Quelques chiffres clés de l’enquête :
75% des actifs français utilisent leur voiture pour se rendre au travail.
Seuls 18% empruntent les transports en commun, ces derniers n’étant majoritairement utilisés qu’à Paris et en première couronne.
52 minutes par jour en moyenne sont consacrées aux trajets domicile-travail, avec des disparités importantes suivant les territoires.
52% des actifs considèrent que leurs conditions de trajet se sont dégradées au cours des 10 dernières années et 15% les jugent inacceptables (26% en Ile-de-France ; 27% de ceux qui empruntent les transports en commun).
107€ en moyenne sont dépensés par mois pour les trajets domicile-travail, ce budget atteignant même 139€ en zone rurale et 130€ en milieu périurbain. Les ouvriers sont la profession qui dépense le plus pour ces trajets (115€ en moyenne).
Peu d’alternatives existent pour réduire ce budget : 74% des automobilistes déclarent qu’ils aimeraient pouvoir prendre les transports en commun, mais 48% estiment que cela leur est impossible.
Un sentiment de vivre « un peu trop loin de tout » (30%) se développe, particulièrement en zone rurale (66%) et périurbaine (46%).
Le sentiment d’abandon par les pouvoirs publics augmente : 36% pensent que les pouvoirs publics en font moins là où ils habitent (58% des ruraux, 52% de ceux qui jugent leurs conditions de déplacement inacceptables).
La voiture reste de très loin le premier moyen de transport pour les déplacements domicile-travail, même en zone urbaine
Pour se rendre au travail, 75% des actifs français utilisent une voiture individuelle (hors covoiturage ou autopartage). C’est encore plus le cas pour les ruraux (89%), les périurbains (87%) ; les urbains (69%) sont également concernés.
L’utilisation des transports en commun reste minoritaire (18%), sauf à Paris (64% des actifs qui résident à Paris les utilisent) et en première couronne (58%). Dans les départements de la grande couronne, leur utilisation est minoritaire (32%). Dans les autres régions, seuls 11% des actifs utilisent les transports en commun pour se rendre au travail (15% en zone urbaine).
Les actifs français consacrent près d'1 heure par jour à leurs trajets domicile-travail
Le temps moyen de trajet domicile-travail aller et retour en France est de 52 minutes. Cette moyenne masque des disparités importantes, entre l’Ile-de-France (1h15) et les autres régions (46 min en moyenne).
Plus d’1 actif sur 2 a le sentiment de perdre du temps dans ses trajets domicile-travail (51%). C’est particulièrement le cas des Franciliens (63%), mais les habitants des autres régions (49%) ne sont pas épargnés. Ce sentiment est plus fort chez les utilisateurs des transports en commun (68%) mais il est aussi présent chez les automobilistes (52%).
Des conditions de transport jugées majoritairement acceptables, à de notables exceptions près
Si pour 85% des actifs français les conditions dans lesquelles ils se déplacent au quotidien sont acceptables, 15% les jugent au contraire inadmissibles, particulièrement en Ile-de-France (26%), pour les utilisateurs des transports en commun (27%) ou encore lorsque le lieu de travail est situé à plus de 30 km du domicile (36%).
Même si les conditions de transport restent acceptables, elles se sont dégradées au cours des 10 dernières années selon 52% des actifs (seuls 20% pensent qu’elles se sont améliorées, et 28% qu’elles n’ont pas changé), particulièrement dans le Sud-Ouest (Nouvelle Aquitaine et Occitanie).
Les actifs dépensent en moyenne plus de 100€ par mois pour leurs trajets domicile-travail
Le budget mensuel moyen consacré aux transports domicile-travail est de 107€. Ce budget s’élève à 131€ en moyenne pour ceux qui utilisent un véhicule motorisé individuel, le principal poste de dépense étant le carburant (89€ en moyenne par mois), contre 61€ par mois en moyenne pour ceux qui utilisent uniquement les transports en commun.
Ce budget moyen est particulièrement élevé chez les ruraux (139€ en moyenne) et les périurbains (130€), plus souvent utilisateurs d’un véhicule motorisé individuel que les urbains (94€ en moyenne). Seul 1 actif sur 4 bénéficie d’une prise en charge par l’employeur de tout ou partie de ses dépenses de déplacement (25%), et il s’agit le plus souvent d’urbains utilisateurs des transports en commun, qui dépensent moins en la matière.
Or près des 2/3 des actifs (65%) considèrent que le coût de leurs déplacements domicile-travail a augmenté au cours des 5 dernières années. S’il est compliqué de réduire son budget transport, c’est notamment parce qu’il est difficile pour 58% des actifs français d’utiliser les transports en commun pour se rendre au travail (80% en zone périurbaine et 86% en zone rurale).
Des inégalités dans l’accès à la mobilité, révélatrices de fractures sociales
Le sentiment que la qualité de vie se détériore est en forte augmentation (49% ; +14 points par rapport à mars 2017), et les conditions de transport rencontrées ont un impact important en la matière (59% de ceux dont les conditions de déplacement domicile-travail se sont dégradées au cours des 10 dernières années déplorent une détérioration de la qualité de vie).
Une partie croissante des actifs français a le sentiment d’être abandonnée par les pouvoirs publics (36% pensent que là où ils habitent, « les pouvoirs publics en font moins qu’ailleurs pour le bien-être des habitants » ; + 9 points par rapport à mars 2017), notamment ceux qui jugent leurs conditions de déplacement domicile-travail inacceptables (52%). Ce sentiment d’abandon est particulièrement important en zone rurale (58%) et dans une moindre mesure en zone périurbaine (44%).
Des solutions existent pour améliorer les mobilités : lignes d’autocars sur autoroutes, covoiturage, modes doux
51% des actifs considèrent que proposer des emplacements réservés à l’entrée des autoroutes ou voies rapides pour y laisser son véhicule individuel et prendre un véhicule partagé ou un transport en commun sur autoroute est un moyen efficace pour fluidifier le trafic et leur permettre de rejoindre leur lieu de travail plus rapidement. Ce service existe par exemple dans l’Essonne sur l’autoroute A10, avec la ligne de car Express Dourdan-Massy.
D’autres solutions émergent par ailleurs, notamment le covoiturage (4%) en particulier chez les plus jeunes (6% des 18-24 ans). 1/3 des actifs y a même recours de temps en temps pour se rendre sur son lieu de travail (33% ; 37% pour les urbains, 27% les périurbains et 31% les ruraux). Economies sur les frais de transport, protection de l’environnement et assurance de pouvoir se déplacer aussi rapidement qu’avant sont les principaux arguments qui inciteraient les Français à recourir au covoiturage. Les outils permettant une identification et une mise en contact instantanée avec les covoitureurs faisant le même trajet sont perçus comme très incitatifs par 1 actif sur 4. Ils constituent une réponse pertinente aux principaux freins au développement du covoiturage identifiés à savoir la crainte d’être contraint par les horaires des autres covoitureurs et la complexité de devoir planifier à l’avance ses trajets.