Évolution des modèles de grande distribution, la guerre des modèles ne faiblit pas

En 2013, les Casino, Leclerc et consorts se sont lancés dans une guerre des prix sans précédent. Au fur et à mesure que les petits prix devenaient la norme, les parts de marché du hard discount et de la marque distributeur s’amenuisaient. Pour, au final, provoquer des changements radicaux dans les positionnements d’enseignes.

Le libre-service, le choix et les prix bas : voilà le triptyque sur lequel se sont bâties les grandes surfaces alimentaires, nées dans les années 60. Certes, leur modèle a quelque peu évolué au fil du temps, avec l'apparition par exemple des marques de distributeurs dans les années 2000, mais cela restait proche du format initial. La donne est différente aujourd'hui. D'autant que la situation économique se révèle particulièrement délicate. Dans un contexte de consommation atone, la déflation s’est installée, encouragée par une guerre des prix entre distributeurs.

En moyenne, le prix des grandes marques nationales a chuté de 2 % en 2014.

Même de 7% si on se projette sur les 1.500 premières références, les plus bataillées. "Dans ce contexte de course au prix les plus bas, mais aussi de chute du pouvoir d’achat des ménages, les distributeurs cherchent à peser davantage face aux géants de l’agroalimentaire. Et à refaire leurs marges. C’est pourquoi, des alliances inédites se sont nouées entre les différentes centrales d’achats", explique Frédéric Basseto, DG Ipsos Marketing Quanti. D'abord Auchan avec Système U, ensuite Casino et Intermarché, puis, dans une moindre mesure, Carrefour avec Cora et Match. Les entreprises alliées s'unissent alors pour demander des baisses de prix ou un alignement sur la base de volumes plus élevés.

Le Hard discount monte en gamme pour profiter d'une meilleure compétitivité des marques nationales

Ensuite, les pré-carrés de chacun sautent ! Ainsi, Lidl, le champion du hard-discount monte en gamme. L'explication est simple : la confrontation entre les hypermarchés rend les prix des marques nationales très compétitifs face aux MDD qui sont l'apanage des hard-discounters. Dans le même temps, le client, même si son pouvoir d'achat est contraint, privilégie la qualité. Conscient de cette évolution, les dirigeants de Lidl France ont alors  introduit  des marques nationales dans leur assortiment et opéré un repositionnement stratégique.
À l'inverse, Monoprix, traditionnellement considéré comme le distributeur pratiquant les prix les plus élevés, s’aventure aussi à baisser ses prix. "Normal, nous sommes dans un contexte de guerre des prix et l'enseigne ne peut plus se permettre d'être perçue comme chère", souligne l'expert. Après un programme de diminution tarifaire initié l’an dernier, le distributeur urbain lance un nouveau niveau de gamme, "Monoprix p'tit prix". Plus tout à fait cœur de marché mais pas non plus premiers prix, à l'instar de ce qui se pratique en Angleterre, comme Tesco Value ou Essential Waitrose.

L'heure est désormais à la consommation raisonnée et raisonnable de proximité

Nouveauté aussi dans les formats. "Après la consommation de masse, qui a poussé à des unités de vente toujours plus gigantesques en périphérie, l'heure est désormais à la consommation raisonnée et raisonnable de proximité", poursuit Frédéric Basseto. Rues piétonnes, trams, pistes cyclables, voitures en partage et rénovation urbaine : la plupart des grandes villes de province ou de banlieue se sont métamorphosées en quelques années. Les urbains ont fini par abandonner leur voiture et comme cette population n’a pas la place pour accumuler des stocks de marchandises dans ses petits appartements, le recours au commerce de proximité est devenu indispensable. Exit  donc les mastodontes, bonjour les modèles réduits !

Déclinés à toutes les sauces, pour suivre les évolutions de la consommation. Les distributeurs ont ainsi investi pour remettre la proximité au niveau de modernité et de service attendu par le consommateur du 21ème siècle. C'est le magasin modulaire de Monoprix, Monop lab, qui s'installe dans les zones de transit. C'est la nouvelle enseigne 100% snacking de Carrefour, Bon App ou encore la nouvelle formule de proximité de Casino avec Chez Jean ...  Et là aussi, la guerre des étiquettes fait rage. Ainsi, alors que la proximité avait toujours été un format qui se payait cher (coût des loyers en centre-ville et petits volumes obligent), les prix pratiqués y sont revus à la baisse. Illustration avec les nouveaux Leader Price Express qui visent clairement une clientèle modeste. De là à penser que les supérettes pourraient bien représenter le circuit d'avenir de la distribution alimentaire, il n’y a qu’un pas, vite franchi par les professionnels. D’autant que des événements récents, comme le rachat de Dia par Carrefour, pourraient fortement accélérer la dynamique de la proximité. A suivre !

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