L'été des Français - Episode 6 : Sexisme : recul ou progrès ?

Ipsos lance la saga "L'été des Français" avec la communauté Ipsos ConnectLive, rassemblant 1 500 Français. Chaque semaine, les participants seront interrogés sur un thème spécifique et invités à partager leurs points vue. Cette semaine, nous leur avons demandé de nous partager leur avis sur le sexisme dans la société actuelle. Découvrez leurs avis dans ce nouvel épisode .

COMMENT EN FINIR AVEC LE SEXISME ?

Définition

Le sexisme, selon les participants de notre communauté on line ConnectLive, c’est la perpétuation des stéréotypes associés à un genre, le plus souvent au détriment des femmes, indépendamment des évolutions historiques, économiques ou socioculturelles.

Longtemps, et encore aujourd’hui dans les sociétés où les hommes font la loi, les femmes ont été supposées incarner une dualité dangereuse (tentation et soumission), une personnalité influençable et versatile (raison pour laquelle elles ne votaient pas en France jusqu’en 1945), une population à éloigner de la vie économique (il faudra attendre la réforme des régimes matrimoniaux en 1965 pour que les femmes puissent gérer leurs biens propres et exercer une activité professionnelle sans avoir à demander son consentement à leur mari).

A l’inverse, l’homme incarnerait la force, la solidité, la stabilité, la puissance, le contrôle de soi et de ses émotions, en un mot, le Pouvoir et la femme, à l’opposé, le Devoir.

L’inertie de ces images crée des tensions avec les transformations de la société, l’accès des femmes – et des hommes – à des métiers dont la représentation est à l’inverse des stéréotypes : femme et pilote de chasse (en 2021, l’armée de l’air française comptait plus de 23 % d’effectif féminin), homme et puériculteur. Pour les uns, ce sont des contre-emplois et des changements incongrus, pour d’autres, ce sont des évolutions nécessaires et à rebours des carcans sexistes, mais auxquelles une partie de la société résiste, par exemple avec « les working mum à qui l’on reproche de ne pas être de bonnes mères car elles font passer leur carrière avant tout ».

Outre ces discriminations professionnelles, le sexisme se traduit par « un état d'esprit qui considère l'autre sexe comme inférieur », avec notamment « l’infériorité de la femme par rapport à l'homme. "Woman is a nigger of the world" chantait John Lennon dans les années 70 ! » et des changements qui prennent du temps : « Les préjugés sont établis depuis si longtemps que c'est avec beaucoup de patience et de combats que l'on a fait un petit peu bouger les lignes. Mais on revient de loin, quand la femme n'avait que le droit de se taire, de faire la cuisine et le ménage, et d'élever ses enfants ! », « Quand on pense que dans certains milieux, pendant les années 50 ou 60, la femme devait se changer cinq fois par jour pour au final briller dans un cocktail… ».

Le sexisme commence très tôt, « à la naissance du bébé, quand on lui met du bleu au garçon et du rose à la fille », et se poursuit dans l’enfance « avec les poupées pour les filles et les voitures pour les garçons ». Les communications publicitaires et le cinéma peinent à sortir des stéréotypes et semblent se focaliser plus sur les problématiques d’inclusion et de diversité que sur les changements à accélérer dans les rôles et les archétypes sociaux femmes / hommes : « Je ne sais pas bien ce que la société considère comme du sexisme ou pas, mais je suis choquée de voir encore des femmes nues, et très peu d'hommes, dans les pubs ou les films ».

Dans le même registre, considérer qu’une femme réagit autrement qu’un homme et qu’elle « est de mauvais poil parce qu’elle a ses règles », penser que « qu’elle a mal au ventre ou est irritable, donc qu’elle est enceinte », ou dire que « les femmes ne sont bonnes qu'à élever les enfants, faire le ménage et les courses », restent « des exemples qui perdurent », en particulier quand la religion s’en empare.

Sortir du sexisme passe par l’égalité dans le monde professionnel : « Il me semble aberrant de dire qu'une femme doit s'occuper plus qu’un homme des enfants et arrêter sa carrière au profit de sa famille pour que le père survienne à leurs besoins. A part égale, les parents peuvent à la fois gérer les enfants et travailler », l’accès des femmes à tous les métiers (« officier, pompier, etc. »), et l’affirmation par les femmes de leurs envies, notamment dans le domaine amoureux : « La séduction est genrée car les femmes n'ont pas les mêmes approches que les hommes. Mais je pense que cela évolue. L'homme n'est pas toujours celui qui fait le premier pas, ni même celui qui doit faire la demande en mariage. Je compte d'ailleurs bien demander à mon copain de m'épouser. C’est une image anti-conventionnelle que j'adore », ou artistique, comme en témoignent les réactions des participants qui découvrent les pianistes Khatia Buniatishvili, Yuja Wang ou Lola Astanova. Elles incarnent « professionnalisme, beauté et esprit libre » ; Khatia Buniatishvili, par exemple, « est une femme passionnée, somptueuse et intelligente » et lire les commentaires de critiques affirmant qu’elle « fait plaisir aux oreilles mais aussi aux yeux » est jugé particulièrement sexiste.

La courtoisie est-elle sexiste ?

Une fois posée cette définition du sexisme, marquer le souci de traiter différemment les femmes et les hommes n’est pas obligatoirement une discrimination quand il s’agit d’éducation : « Si un homme vous tient la porte poliment pour vous laisser passer, c'est juste de la politesse, mais s'il le fait en vous regardant de la tête aux pieds, alors oui, on peut parler de sexisme ! Mais je ris dans mon coin quand je lis qu'il y a des formes d'abus d'usages des codes sociaux. C’est très différent de demander à un homme – qui n'a pas la même constitution qu'une femme – de porter une charge lourde, et à une femme d'anticiper une liste de courses ».

La courtoisie manifeste la considération pour les autres, renvoie à une étiquette, la politesse, autrement dit à la maîtrise des codes du savoir-vivre dans une société, à l’inverse des incivilités, de tout ce qui s’oppose à la vie ensemble dans la cité : « Être galant n'est pas sexiste du tout, ce sont des valeurs qui ont été transmises dans un but positif et sain ! Maintenant, tout est dans l'art de faire ça : si on m'ouvre la porte pour finalement regarder mes fesses, ce n'est pas de la galanterie ; ou bien si on m'aide à porter des charges lourdes en me disant "laissez-moi faire, c'est un truc de bonhomme", là non, ça ne va pas. Et concernant la politesse ou la courtoisie, j'ose espérer qu'elles ont lieu sans distinction de sexe ! »

Pour autant, la société semble aujourd’hui se crisper sur des problématiques d’identités qui la fracturent encore plus : « Certains messieurs sont galants parce qu’ils bien éduqués, mais aujourd’hui, on risque de dire qu'ils sont pervers. Il ne faut pas voir le mal partout », avec le risque de dérives paranoïdes : « Bientôt, tenir la porte à une femme sera considéré comme une agression sexuelle. Quand on voit qu'aux Etats-Unis, il va bientôt falloir que les hommes se tournent dans les ascenseurs pour que leur regard ne croise pas celui d'une femme par peur d'accusation de rape look… ».

Les hommes sont-ils victimes de sexisme ?

Si l’on part du principe que le sexisme est la conséquence du regard masculin sur la femme, on peut imaginer qu’elles seules sont concernées par les discriminations qu’il crée. En fait, si les hommes semblent plus l’objet de préjugés comme « avoir été élevés en ne pleurant jamais (sinon ce sont des lopettes), être ceux qui ramènent l'argent à la maison (et gagnent plus que Madame) », on se rend compte en approfondissant le sujet qu’eux aussi sont victimes de ce système de représentations qui attribuent des fonctions professionnelles et familiales selon le genre, et qui donnent au « masculin » un rôle social à jouer finalement assez lourd : être toujours fort, impassible, protecteur, etc.

Deux sujets cristallisent les préjugés : l’expression de ses émotions par un homme, « On a pris conscience que les hommes en avaient aussi, comme c'est étrange ! Mais là où la plupart des femmes trouvent normal qu'un homme puisse pleurer, être anxieux, abattu, triste..., certains hommes ne comprendront pas un tel comportement, étant habitués à ne pas montrer de signes de "faiblesse" » et la vie professionnelle, là où les participants citent le plus d’exemples de métiers où les hommes sont inattendus (sage-femmes, assistant maternel, baby-sitter, esthéticien, aide-ménager…).

Ce sexisme a des effets très directs :

  • Sur la vie professionnelle des hommes : « En école maternelle, il y a beaucoup moins d’instituteurs que d’institutrices. J’ai posé la question de façon très directe par curiosité à la directrice de l’école de mes enfants, qui m’a répondu que la très grande majorité des pédo-criminels étant des hommes, elle estimait que la tranquillité d’esprit des parents était plus assurée sans instituteur de sexe masculin », avec une dérive vers l’intolérance pure et simple que dénoncent les participants.
     
  • Sur la vie de couple : « J'ai eu une belle promotion au travail et je suis passée Cadre. Mon mari est ouvrier en usine, et tous ses collègues qui l'ont su se sont moqués de lui car il ne "portait plus la culotte" et je gagnais plus que lui ! J'ai ressenti une sorte d'humiliation pour mon mari et ça m'a blessée ».
     
  • Sur l’estime de soi : « En tant que gay, j'ai été vite concerné par le sujet quand, enfant, on me traitait de "femmelette" ou autre ; il s'agissait de sexisme. Pour ces gens, je débordais sur le sentier réservé aux femmes, cette injonction était destinée à me "recentrer" sur mon sentier destiné aux hommes ».
     
  • Sur les décisions de justice : « Pas mal d’hommes sont mis sur la touche lors de divorces à propos de la garde des enfants, alors que beaucoup sont très sérieux dans leur rôle de papa ».

Dans le monde du travail avec l’accès des femmes à une vaste palette de métiers, les lois sur l’égalité professionnelle, la parité salariale, l’importance du secteur tertiaire (plus de 77% des emplois en France, dont 87,8 % pour les femmes et 65,1 % pour les hommes) comme dans le monde médiatique et culturel avec les nouvelles représentations des femmes, les hommes perdent progressivement le monopole de leur rôle social et de leur Pouvoir. Le sexisme à leur égard est-il le signe qu’ils quittent leur piédestal et qu’ils doivent le partager avec les femmes, un rattrapage, une forme de symétrie ?

Laissons la question ouverte, mais notons une tendance : « Les femmes prennent leur revanche et montrent que le sexe faible n'existe pas, surtout dans notre société développée où les robots remplacent la force physique ; les hommes ont perdu cette puissance qui les caractérisaient et se retrouvent donc à travailler comme les femmes. Leur sexisme à leur égard est plus agressif, car les hommes n'aiment pas que l'on prenne leur emploi, c'est chasse gardée ».

Et demain ?

Quand on leur demande comment ils imaginent les rapports entre les femmes et les hommes à l’avenir, les participants de ConnectLive partent du constat que les nouvelles générations sont hyper-sensibles aux questions d’identité, de préférences sexuelles, de respect des choix personnels, qui créent des rapports de force complexes : « Concernant la séduction, je ne sais pas comment va faire mon fils pour draguer dans quelques années, vu que bientôt adresser la parole à une nana sera considéré comme une agression sexuelle ».

De nouveaux concepts, comme la séduction non-genrée, semblent appelés à faire partie du paysage. Pour les uns, c’est une évolution bienvenue : « La séduction non-genrée existe chez les jeunes, notamment les gender-fluid, et pas seulement ; ils se battent aussi pour des pronoms neutres au niveau du genre, notamment "iel" que l’on commence à entendre dans des séries ou des films. Personnellement, je trouve vraiment bien que les jeunes bousculent la société comme ils le font. Les injonctions passées et les règles ancestrales ont fait et font encore beaucoup de mal à tous ceux qui sortent du "moule". La démarche des jeunes aujourd'hui, c'est de laisser vivre chacun, de le reconnaître, de l'accepter » ; avec la volonté de reconnaître et de valoriser les valeurs et les spécificités de chacun, cette évolution s’inspire des principes en vigueur aux Etats-Unis : « C'est une façon de faire tout droit venue des USA, où tout est basé sur les minorités, et notre culture française est totalement différente, elle basée au contraire sur la majorité (dans les textes, pas de traitement différent quel que soit le citoyen). Qui a raison ? Qui a tort ? Qui a tout ou rien compris ? Probablement ni l'un ni l'autre, c'est juste une question de respect et de "dosage" mais la question est complexe et digne d'être débattue et discutée ».

Pour d’autres, elle s’inscrit dans un ensemble idéologique qui nie les fondamentaux de la nature et de la biologie : « Notre langue est également en train de changer avec l’écriture inclusive sous prétexte de sexisme, je trouve cela un peu limite. Le féminin et le masculin sont la base de l'humanité et doivent trouver un équilibre, pas une confusion ou une abolition des sexes. J'ai beaucoup de mal à comprendre le concept de non-genré, de non-binaire ; pour moi, on est homme ou femme. Je respecte celles ou ceux qui ne se reconnaissent pas dans l'un ou l'autre, mais je ne les comprends pas ». 

On notera un certain décalage entre la volonté d’accélérer des changements dans les représentations des rôles sociaux et des sexes, qui passe par exemple par la publicité et les grands médias culturels, et la réceptivité d’une partie de l’opinion publique qui, sans se définir comme réactionnaire, reste attachée à un système structuré par les polarités traditionnelles : « Concernant le sujet du non-genre, j'ai vraiment du mal avec ça. Pas pour la chose en elle-même, chacun fait ce qu’il veut et se gère ; par contre, j'ai un vrai souci avec le fait que la société mette beaucoup ça en avant, comme si on voulait mettre des doutes dans la tête des gens dès le plus jeune âge, par exemple avec des dessins animés, avec l’idée qu’un jour il n'y aurai plus de genre et seulement des non-genrés. J'ai un vrai problème avec cette manière de faire ».

Certains participants s’amusent aussi à noter que ces débats sur la question du non-genre interviennent dans un contexte où la plupart des Influenceuses jouent la carte d’une hyperféminité sexualisée en phase avec les stéréotypes de genre et les fantasmes masculins les plus archaïques : « Ces problématiques sont des problèmes d’intellectuels. Je vois aujourd’hui sur les réseaux sociaux et dans la rue que la plupart des jeunes filles cherchent tellement à s’affubler d’attributs féminins (faux ongles, faux-cils, chevelures parfaites, vêtements très moulants…) qu’elles s’handicapent elles-mêmes et se limitent à des rôles traditionnellement très féminins. Comment aller vers une égalité ? Pour moi, nous vivons une période de régression de la condition féminine. L’indépendance de la femme ne se gagne pas à coup de démarche chaloupée sur talons douloureux ».


Retrouvez tous les épisodes de
notre saga de l'été

Episode 1 - L'hôtel grand absent des vacances

Episode 2 - L'éveil des désirs secrets

Episode 3 - Rêver ses vacances ou vivre les vacances de ses rêves

Episode 4 - Quoi de plus festif qu'un apéritif ?

Episode 5 - Sobriété énergétique : l'overdose des Français ?
Episode 6 - Sexisme : recul ou progrès ?


Les prénoms des personnes citées ont été modifiés.

Pour en savoir plus sur les communautés Ipsos,

contactez Caroline Bastide via le formulaire en bas de page

Auteur(s)

  • Yves Bardon
    Yves Bardon
    Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

Articles liés

  • Attentats de Paris | 13 novembre 2015 | Terrorisme
    Terrorisme Enquête

    10 ans après les attentats de Paris, les Français sont toujours inquiets du terrorisme

    Alors que la France s’apprête à commémorer les 10 ans des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Dans le cadre du Baromètre Politique mené pour La Tribune Dimanche, une enquête Ipsos bva-CESI École d'ingénieurs fait le point sur l'état d'esprit des Français face à la menace terroriste.
  • Ipsos bva | Cote de popularité | Baromètre politique | Sondage
    Sondage Enquête

    Baromètre politique Ipsos bva-CESI École d'ingénieurs pour La Tribune Dimanche - Novembre 2025

    Préoccupations des Français, cotes de popularité de l'exécutif, du gouvernement et des leaders politiques Français, questions d'actualité... Retrouvez ici les derniers résultats de notre sondage d'opinion, le Baromètre Politique Ipsos bva-CESI École d'ingénieurs-La Tribune Dimanche.
  • Ipsos bva | Cosmétique Mag | Beauté | Cosmétiques | Parfum | Gen Z

    Beauté & parfum : la génération Z redéfinit les codes

    Les jeunes ne consomment plus la beauté comme leurs aînés. Pour la génération Z, la beauté et le parfum ne sont plus des accessoires de séduction, mais des langages identitaires. C’est ce que révèle l’étude Ipsos pour Cosmétique Mag, menée auprès d’un millier de jeunes français âgés de 18 à 25 ans. Derrière cette massification des pratiques, un constat fort : la fluidité ne supprime pas les différences. La génération Z brouille les codes sans les abolir, impose ses propres règles, et transforme la beauté en un terrain d’expression personnelle et culturelle. La beauté se dégenre, mais ne se dissout pas.