Saga de l'été - Episode 4 : Vacances avec ou sans enfants ?
Lancée en 2020, la communauté ConnectLive rassemble 1 500 participants venus exprimer et partager leurs points de vue durant l'été. Pour ce quatrième épisode, nous interrogeons le statut de parents en vacances : manque d'autorité, utilisation des écrans, hôtels "adult only", comment est perçue la vie de famille chez soi, et chez les autres, durant la coupure estivale ?
Lancée en 2020, la Saga de l’Eté a été développée par Ipsos pour découvrir comment les Français vivent leurs vacances, d’abord pendant la crise sanitaire, ensuite lors de la première année de la guerre en Ukraine, et maintenant dans un contexte d’inflation et de ralentissement économique. Les témoignages des participants de ConnectLive©, la communauté syndiquée on line d’Ipsos composée de 1500 membres représentatifs des Français, nous aident à explorer leurs attentes et leur vision de ces vacances d’été 2023.
Immorales, impensables ou inévitables ?
Dans un monde où le « sans » connaît de plus en plus de succès – sans additif, colorant, gluten, lactose, parabène, sel, sucre, etc., voire sans cruauté (produits qui ne sont pas testés sur des animaux) –, il n’est pas étonnant que les offres d’hôtellerie, de restaurants ou d’activités « sans enfant », se développent sans interruption, y compris en France.
Les touristes, notamment américains, y ont contribué, attendant en Europe et ailleurs les mêmes services que dans leur pays où le label « adult only » est au catalogue des voyagistes depuis des dizaines d’années ; il est non seulement synonyme de calme, de ressourcement et de romantisme pour les couples, mais aussi de luxe et de raffinement, et correspond à des prestations haut-de-gamme.
Pour nos participants, trois types de motivations expliquent une tendance qui ne se dément pas alors que les experts du « monde d’après » affirmaient que la crise sanitaire avait resserré les liens familiaux et donné envie de passer du temps avec ses enfants pour les voir grandir.
Les offres adult only font craindre, en particulier aux réfractaires, « ségrégation et discrimination », avec un risque : « il ne faut pas que ça se généralise pour que les gens avec enfants puissent continuer à trouver de la place et ne pas subir les refus qu'on peut avoir dans certains restaurants dès qu'on arrive avec des enfants à la main » ; la plupart note aussi qu’il existe des alternatives comme « faire garder les enfants chez les grands-parents pour faire une pause ».
- Un « égoïsme pur et dur » qu’une société toujours plus narcissique encourage en invitant à se focaliser sur ses désirs personnels par opposition aux compromis impliqués par la vie en famille : « c’est pour des parents qui font des enfants comme on adopte un chien qu’on est prêt à abandonner » ; dans cette logique « c’est trop bizarre de partir en vacances sans ses enfants », presque contre-nature (« fonder une famille, c’est passer le plus de temps possible avec ses enfants »).
- Le besoin de « retrouver une vie de couple » pour les parents avec enfants en passant de la promiscuité à l’intimité et de la routine à l’érotisme : « Pour partir en amoureux, on peut préférer un hôtel calme où l’on pourra se regarder les yeux dans les yeux sans avoir un gamin qui viendra nous bousculer et faire tomber notre délicieux cocktail ou nous asperger d’eau ». Ceux qui se sentent les plus proches du concept l’assimilent à une liberté retrouvée, sans complexe : « moi qui n’ai plus d'enfants en bas-âge, j'apprécie complètement. Je ne supportais pas les pleurs des enfants des autres avec mes enfants en vacances, alors là encore moins », voire à une libération : « Quand on part en adulte, on n'a pas envie d'être dérangé par des bruits ou des problèmes d'enfants ». Pour certains, mettre en parenthèse son rôle de parent est aussi une manière de répondre à une autre tendance, se recentrer, prendre soin de soi, « trouver le juste équilibre », ne pas s’identifier exclusivement à la parentalité.
Les couples sans enfant l’expliquent par le besoin d’être reconnu dans son choix (« Les vacances ne sont pas réservées aux enfants et nous n’en avons pas, ce qui est un luxe extraordinaire ») ou de se protéger « je le comprends, bien-sûr, et ce que je déplore, c'est qu'il n'y en ait qu’une dizaine en France. Il devrait y en avoir beaucoup plus parce que les enfants sont de plus en plus mal éduqués et on ne peut rien dire sous peine d'entendre – "mais ce sont des enfants voyons" ! Apprendre à un enfant à ne pas hurler en public, à se contenir un minimum, ça éviterait d'avoir des couvre-feux pour des ados qui cassent tout après ». Dans les deux cas, enfants et nuisances sont souvent synonymes (« Ils devraient aussi faire un wagon sans enfant dans les trains »), à un point tel que leur comportement peut dissuader de devenir parent : « Je n'ai pas d'enfant et voir les enfants des autres m'a donné envie de ne pas en avoir. Des enfants qui crient, qui pleurent, qui courent partout, qui se plaignent..., très peu pour moi ». - L’évolution normale d’une société de consommation qui intègre de plus en plus de critères et veut répondre aux envies de personnalisation et de diversification des offres : « Il y a bien des coins naturistes, des endroits sans animaux, des endroits réservés aux enfants, des hôtels "no noise" (j'ai beaucoup de mal à supporter les adultes bourrés qui crient à pas d'heure), des vacances spéciales LGBT+, etc. » et raisonne avec une démarche problème/solution : « C’est génial, comme les hôtels pour les personnes seules sans supplément. Tout s'adapte à nos modes de vie ».
Les offres adult only font craindre, en particulier aux réfractaires, « ségrégation et discrimination », avec un risque : « il ne faut pas que ça se généralise pour que les gens avec enfants puissent continuer à trouver de la place et ne pas subir les refus qu'on peut avoir dans certains restaurants dès qu'on arrive avec des enfants à la main » ; la plupart note aussi qu’il existe des alternatives comme « faire garder les enfants chez les grands-parents pour faire une pause ».
Immorales, Indispensables ou Inévitables, les offres adult only sont aussi emblématiques d’une logique de sur-fragmentation et de sur-segmentation, comme s’il y avait d’un côté l’hyperconsommation de masse avec le surtourisme familial et de l’autre une hyper-différenciation en fonction de paramètres de plus en plus fins pour une expérience exclusive. Faut-il y voir la nouvelle incarnation des vacances réussies ?

Retrouvez tous les épisodes de
notre saga de l'été
Episode 1 - Le secret des vacances
Episode 2 - Les vacances en 2040
Episode 3 - Le surtourisme
Episode 4 - Vacances avec ou sans enfants ?
Episode 5 - Les occupations de vacances
Episode 6 - Les rencontres en vacances
Episode 7 - Cap sur la rentrée