Saga de l'été - Episode 2 : Les vacances en 2040

Lancée en 2020, la communauté ConnectLive rassemble 1 500 participants venus exprimer et partager leurs points de vue durant l'été. Pour ce second épisode de la saison 2023, nous les avons invités à se projeter dans dix-sept ans. Comment imaginent-ils leur été ? Quelles nouveautés sous le soleil d'ici 2040 ?

Auteur(s)
  • Yves Bardon Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre
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La Saga de l’Eté a été développée par Ipsos pour découvrir comment les Français vivent leurs vacances, d’abord pendant la crise sanitaire, ensuite lors de la première année de la guerre en Ukraine, et maintenant dans un contexte d’inflation et de ralentissement économique. Les témoignages des participants de ConnectLive©, la communauté on line syndiquée d’Ipsos composée de 1500 membres représentatifs des Français[1], nous aident à explorer leurs attentes et leur vision de ces vacances d’été 2023.

La semaine dernière, nous découvrions trois profils – Le repos avant tout (les Farnientistes), L’action avant tout (les Intrépides), Le hasard d’abord (les Disponibles) – mais que deviennent-ils dans une petite une vingtaine d’années ?

Pour répondre, il faut distinguer deux catégories de participants, ceux qui se projettent dans l’avenir sans tenir compte de leur propre âge et s’expriment en fonction de ce qu’ils envisagent spontanément, et ceux qui ajoutent dix-sept années à leur âge actuel avec les implications que l’on imagine : avoir fondé une famille, s’occuper de leurs parents, s’adapter aux vacances de leurs enfants, et s’ils ont plus de quarante-cinq ans, se voir comme des grands-parents ou des retraités aux pathologies plus ou moins graves.

Dans la première catégorie, les profils ne se transforment pas avec le temps, les motivations-clefs de chacun continuant de déterminer leurs attentes, par exemple « comme d'habitude, des vacances sportives, courir ou faire des randonnées ».  Dans la seconde, ils évoluent en fonction des contraintes :  « La question est difficile, car je serai bien âgé en 2040. Si j'en ai les moyens, ce pourrait être une croisière car je n'en ai jamais faite et en prenant de l'âge, ce pourrait être des vacances intéressantes en Méditerranée. »

Le monde en 2040.

Trois grands sujets vont influencer la vie en vacances, l’état de la planète, les technologies, leurs interactions, impliquant deux représentations antagonistes du futur : dystopie ou utopie.

Pour les Dystopistes[2] (la majorité des participants), la Terre, en proie au dérèglement climatique avec des températures extrêmes (notamment dans le sud de l’Europe), se déchire entre inégalités, tensions sociales, risques géopolitiques ou sanitaires, avec des citoyens sous tutelle des technologies.

« La notion de vacances aura complétement disparu. L'Occident sera politiquement ultra-libéral et la majorité des gens – dont je fais partie – devra travailler pour servir les riches et les puissants ; être en vacances ou devoir travailler dépendront exclusivement du patrimoine financier de chacun, pas de son âge ni de ses droits, ni de son antériorité. J'espère pouvoir fomenter une mini-révolution, organiser un acte de rébellion à forte valeur symbolique, préparer une mort sociale en héros avec un sabotage matériel spectaculaire, en tous cas en harmonie avec mes valeurs. D'ici-là, les médias auront encore accru leur contrôle et la médiatisation sera un vrai challenge ».

Comment régler la question de la dystopie ? En créant des paradis artificiels : « Problèmes écologiques, économiques et sociaux obligent, les plans de voyages seront surtout virtuels, pour ne pas dire imaginaires, et peut-être procurés par des drogues douces légalisées. » Un point de vue encouragé par Baudelaire déjà en 1861 :

« Par ici ! vous qui voulez manger

Le Lotus parfumé ! C'est ici qu'on vendange

Les fruits miraculeux dont votre cœur a faim ;

Venez vous enivrer de la douceur étrange

De cette après-midi qui n'a jamais de fin ».

 

Pour les Utopistes (ils sont plus rares), le monde sera apaisé et ouvert à de multiples expériences grâce aux technologies, l’IA, les progrès scientifiques, comme la téléportation, les voyages spatiaux, ou la réalité augmentée, qui auront également réglé les problématiques environnementales et amélioré la situation sociétale.

« Je pense que grâce à la téléportation, je pourrais passer d’une destination a une autre en un claquement de doigts. » 

Certains participants imaginent pouvoir trouver un équilibre croisant énergies propres, prise de conscience personnelle et collective, retrouvailles avec des valeurs (y compris spirituelles), nouveaux types de relations entre les gens, tout un nouvel écosystème en mesure de créer une véritable harmonie planétaire. On peut y voir une utopie au pur sens du terme ou une réminiscence de la culture New-Âge, ou une aspiration à l’image de la logique qui prévaut dans certains pays d’Amérique Latine en tentant d’intégrer les savoirs indigènes (dont le culte de la Pachamama) dans les cadres constitutionnels de la justice environnementale[3].

« En 2040, l'argent n'existera plus, il n'y aura plus de limite aux choix. La téléportation étant au point n'utilisera aucune énergie polluante. Il n'y aura plus de freins financiers, plus de compétition à être allé dans les endroits les plus lointains, les plus coûteux, les plus snobs. Tout dépendra de nos vrais goûts. »

Le rôle des technologies, de la conciergerie digitale à l’effacement des limites.

Les avancées des technologies sont au cœur de ce qui aura changé en 2040, avec des différences de degrés selon qu’on s’identifie à un Connecté, un Hyperconnecté ou un Décroissant.

  • Pour les Connectés, elles constitueront de super-assistants en vue d’un maximum d’anticipation et de personnalisation avant l’expérience concrète.
    « On voyagera virtuellement avant de voyager réellement ; rêver, puis accomplir. »
    « Des lunettes de réalité virtuelle permettront de voir les endroits avant de faire son choix, avec la possibilité de parler avec des locaux pour qu'ils expliquent leur vie et ce qu'ils proposent pour les vacances comme partage d'expérience. »
  • Pour les Hyperconnectés, elles se substitueront à l’expérience physique, ayant la capacité de faire vivre l’équivalent en abolissant les frontières virtuel / réel
    « La technologie nous fera vivre l'expérience à travers des sons, des images, des odeurs, et peut-être même des sensations avec le vent qui souffle ou le soleil qui chauffe. »

Parmi les « plus » attendus des technologies, on notera l’importance de :

  1. La sécurisation des vacances
    « J'imagine une hyper connexion facilitant l'information, le guidage, l'orientation, voire la sécurité. Il y a encore dix-quinze ans, les balises de localisation ou des téléphones satellitaires pour les secours étaient un plus dans certains coins retirés. A présent, on commence à voir se généraliser les dispositifs intégrés aux smartphones avec des relais en cas de détresse par des constellations de satellites en plus des réseaux téléphoniques. »
  2. La prise en charge du vieillissement
    « Nous sommes en 2040 et la population française est très âgée... Des agences de voyages spécialisées dans le voyage des séniors ont été créés et nous voyageons en bus médicalisés. »
  3. Des outils éliminant la barrière des langues grâce à « une traduction en direct des discussions pour mieux se comprendre ».
  • Pour les Décroissants, 2040 sera différent parce que nous aurons tiré les enseignements des erreurs de la société de consommation et du tourisme de masse et les technologies devront au contraire s’effacer pour laisser place à plus d’humain et de vrai.
    « L'envahissement des lieux touristiques comme Etretat, les calanques de Marseille, etc., me laisse entrevoir un tourisme plus raisonné avec des réservations et des quotas à respecter en matière de séjour. »
    « Le partage et les retrouvailles sont importants pour nous et ce d'autant plus depuis la Covid qui nous a vraiment permis de nous recentrer sur nous et non plus sur la consommation à outrance. »
    Pour les plus radicaux dans leur souhait de changement, si les leçons des polycrises ont bien été tirées, c’est enfin la naissance du « Monde de Demain » :
    « La réalité augmentée sera complètement dépassée en 2040 ; la réalité vraie aura repris sa place, reconquis sa vraie valeur. Les toutes petites choses auront repris leur importance : ouvrir les volets le matin et s'émerveiller de voir le soleil, se promener dans le jardin et cueillir les légumes mûrs, s'occuper des enfants, les laver, les faire manger, leur parler en leur expliquant les choses de la vie. »

Mais on notera que 2040 ne représente pas une échéance à suffisamment long-terme pour que les participants aient le sentiment que les choses auront vraiment changé parce qu’ils n’ont pas noté de transformations majeures depuis les années 90/2000 dans l’univers des vacances et du tourisme ou  « ne voient pas ce qu'il pourrait y avoir de plus, tout existe déjà ».

Les voyages dans l’espace ? Une option ni réaliste ni dans l’air du temps.

La plupart des participants ne croient pas que les voyages dans l’espace feront partie du paysage des vacances dans moins de vingt ans et se souviennent « des voitures volantes imaginées dans les années 70 pour les années 2000, une douce utopie ».

Les plus réfractaires rejettent totalement l’idée de « s'enfermer dans un suppositoire pour regarder le ciel, c'est débile » quand les plus pragmatiques identifient quatre catégories d’obstacles :

  • Economiques qui feront des voyages dans l’espace l’apanage des « riches » et incarneront une nouvelle source de clivage social : « Ce sera réservé à une certaine élite. »
  • Médicaux et psychologiques, compte-tenu des contraintes que le corps doit absorber et de la préparation mentale nécessaire : « A 78 ans, je ne serai pas en état de faire des voyages dans l'espace. »
  • Relevant de la sécurité, eu égard aux risques mécaniques, d’explosion, etc.
  • Ecologiques et liés à la sobriété énergétique, à la préservation des ressources, etc. « On a mieux à faire que d'envoyer des fusées qui consomment des dizaines de milliers litres de carburant dans l'atmosphère. »

Les moins sceptiques et les moins critiques pensent qu’il faudra plutôt attendre 2140 pour que les voyages dans l’espace se soient démocratisés et offrent toutes les garanties de sécurité :

« Ce pourrait être une option pour aller sur la Lune si des fusées plus rapides nous permettaient d'arriver à destination en vingt-quatre heures par exemple, avec de grands complexes hôteliers comme des coupoles vitrées avec toutes les commodités à l'intérieur (restaurants, piscines, saunas, salles de sport...), même la possibilité de sortir en combinaison légère et confortable pour explorer ce lieu lunaire. Des drones nous montreront aussi toutes les parties de la lune, même les plus reculées. »
 

Eté Français Ipsos Vacances Communautés

Retrouvez tous les épisodes de
notre saga de l'été

Episode 1 - Le secret des vacances

Episode 2 - Les vacances en 2040

Episode 3 - Le surtourisme

Episode 4 - Vacances avec ou sans enfants ?

Episode 5 - Les occupations de vacances

Episode 6 - Les rencontres en vacances

Episode 7 - Cap sur la rentrée

 

Pour en savoir plus sur les communautés Ipsos, contactez Charbel Farhat via le formulaire en bas de page



[1] Sexe, âge, CSP, région.
[2] Une dystopie (étymologiquement, du grec "dys" - mauvais, difficile - et "-topia" – lieu) désigne un genre littéraire ou cinématographique décrivant une société futuriste dans laquelle les conditions de vie sont oppressantes, ou désastreuses. Contrairement à l'Utopie, qui représente une société idéale, la dystopie dépeint un monde sombre et totalitaire où les individus sont soumis à des régimes oppressifs ou des systèmes de contrôle, et sert souvent de miroir critique à certains aspects de la société contemporaine.
[3] Iris Bardon (Supervised by Prof. Peter Lambert), The Pachamama Dilemma: Assessing the effect of constitutional frameworks integrating Indigenous knowledges on Indigenous Environmental Justice in Latin-America, University of Bath, Department of Politics, Languages, and International Studies
Auteur(s)
  • Yves Bardon Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

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