Saga de l'été - Episode 6 : Les rencontres en vacances

Lancée en 2020, la communauté ConnectLive rassemble 1 500 participants venus exprimer et partager leurs points de vue durant l'été. Pour notre avant-dernier épisode, nous avons invité nos participants à fait le point sur les rencontres de leur été, mais aussi celles qui les ont marqués par le passé : celles qui durent, celles qu'ils n'oublieront jamais, celles dont ils se seraient bien passées...

Auteur(s)
  • Yves Bardon Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre
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Lancée en 2020, la Saga de l’Eté a été développée par Ipsos pour découvrir comment les Français vivent leurs vacances, d’abord pendant la crise sanitaire, ensuite lors de la première année de la guerre en Ukraine, et maintenant dans un contexte d’inflation et de ralentissement économique. Les témoignages des participants de ConnectLive©, la communauté syndiquée on line d’Ipsos composée de 1500 membres représentatifs des Français[1], nous aident à explorer leurs attentes et leur vision de ces vacances d’été 2023.
 

Qu’est-ce qu’une rencontre ?

La nature des lieux d’hébergement et des activités influence les chances de rencontres avec quatre accélérateurs majeurs : les campings avec l’apéro, les pratiques sportives (escalade, spéléologie, randonnée, trek, « road trip à moto où nous avons beaucoup échangé sur nos vies et les voyages ; un pur régal. »), les voyages organisés en groupe, les croisières. Dans tous les cas, il y a :

  • Ceux qui sont ouverts à l’idée de faire la connaissance de nouvelles personnes, les Disponibles dont le profil ne se dément pas depuis le premier épisode de la Saga de l’Eté (« Je suis toujours avec des amis en vacances, donc je ne ressens pas le besoin de rencontrer des gens. Mais comme je suis en vacances pour m’amuser, je n'ai rien contre »).
  • Et les Ours qui « n'aiment rencontrer ni des locaux, ni des autres touristes, ni des personnes pas vues depuis longtemps » ou préfèrent « rester avec les personnes avec qui je suis partie, parce que je n'aime pas me mélanger ».

Evoquer les rencontres en vacances fait penser en priorité aux émotions amoureuses, qu’elles soient éphémères « à l’adolescence où il était assez facile de vivre des amourettes lorsqu'on partait en vacances », plus durables avec « un amour d'été avec la fille d'un ami de mon oncle en vacances en Bretagne. On s'est même écrit pendant un moment par la suite (oui, à cette époque on s'écrivait !), mais comme dit le poète, La vie sépare ceux qui s'aiment, tout doucement, sans faire de bruit », ou engagées : « Ça m'évoque la magnifique rencontre de mon chéri il y a dix-neuf ans ; j'avais quinze ans et demi et lui vingt-et-un ». Elles peuvent même se révéler oniriques mais déterminantes dans leur surréalisme le plus pur: « J'étais tranquillement assoupi en train de faire des mots-croisés quand j'entends une voix derrière moi. Je me retourne et me retrouve face à une jeune fille nue et sublime qui venait m'avertir que, derrière un rocher, un type étant en train de mater. Et moi de lui répondre, d'une part que ça ne me dérangeait pas du tout et, d'autre part, que le mateur est vraiment un idiot car à sa place, c'est elle que je materais et pas moi ! Elle sourit, flattée, et nous en profitons pour faire connaissance, et beaucoup plus par la suite… ».
 

Rencontrer, retrouver l’humain en soi.

Sauf rares exceptions, la caractéristique de ces rencontres de l’été est d’être fortuites, détendues, légères, investies dans le seul moment présent, sans se poser de questions sur leur futur, « vouées à ne pas durer mais permettant de passer de bons moments » parce que l’on « rencontre des personnes différentes en termes d'origine, de culture, d’expériences de vie… On découvre aussi les locaux… ». Elles incarnent une parenthèse à l’opposé des relations habituelles, anonymes, sous le signe du stress, plus ou moins intéressées, etc., comme si ces rencontres retrouvaient la part d’humanité que le temps ordinaire fait disparaître : « Ce qu'il y a de sympa, ce sont des rencontres non-prévues avec de parfaits inconnus et lorsque l'on discute, on découvre des points communs sur beaucoup de sujets. On peut parler de vacances réussies car on en sort heureux et contents des rencontres que l'on a fait ». C’est donc avec un certain fatalisme que les participants soulignent leur nature éphémère : « elles n'aboutissent sur rien, on s'échange des mails et des numéros de téléphone, puis chacun reprend sa route et c'est fini », même si pour quelques-uns, leur magie de s’arrête pas à la fin des vacances : « on peut faire la connaissance de gens très gentils comme ceux que l'on a rencontrés il y a plus de vingt-trois ans et avec qui nous sommes toujours amis ».

Cette magie s’explique par le contexte des vacances et de l’été qui libère des conventions et des contraintes et permet de s’affranchir des règles, des hiérarchies, comme des stratégies de désocialisation et de repli sur soi caractéristiques des grands centres urbains et de toutes les situations de promiscuité subies (cf. transports publics, foules, etc.). L’altérité n’est plus ressentie comme une menace, mais comme une force d’attraction avec « l’envie de s'évader, de parler avec les gens, de sentir libre, de vivre quelque chose de nouveau » dans des situations où « les masques – ou les boucliers – tombent plus facilement » et où « les inconnus, c'est la légèreté, comme un coup de foudre amical ! ».

Il ne semble plus grave, indélicat ou impossible, d’adresser la parole à des inconnus en qui l’on a envie de voir « des personnes qui ont envie de discuter ou de se marrer un peu le temps des vacances, de se déconnecter de la réalité ; les discussions engagées ne sont pas sérieuses et portent sur des sujets très légers et qui n'ont rien à voir avec les problèmes de la vie. C'est souvent du lâcher prise durant les vacances » avec d’autant moins de prise de risque « qu’on sait qu'on ne se reverra pas forcément, alors on est plus cool, plus tolérants, il y a plus d’humour, pas de prise de tête ».

Être ensemble au même endroit crée aussi une connivence implicite en donnant le sentiment que la plupart des personnes s’y retrouvent parce qu’elles partagent déjà les mêmes intérêts : « Le dénominateur commun à la rencontre est souvent porté par un lieu comme un théâtre ou un musée ; il est facile de créer une connexion parce qu’ils sont sensés nous offrir une ouverture vers un autre monde ou une autre approche. Notre curiosité s'agrandit de notre esprit d'ouverture et les liens sont plus faciles ». Le temps libre des vacances permet aussi d’enchaîner une visite ou un échange en prenant un verre pour poursuivre la conversation, avec « l'opportunité de nouvelles discussions, d'échanges sur ce que l'on a fait dans la journée, ce qu'il y a à voir dans le coin, les enfants qui vont jouer ensemble, etc. ».

D’autres émotions ou perspectives sont associées aux rencontres :

  • La bienveillance : « J'ai croisé un pêcheur dans un port. J'étais petite et je recherchais une étoile de mer. Mon espagnol étant très moyen, mes parents m'ont rejoint et se sont noués d'amitié avec ce pêcheur. Nous nous sommes revus durant trois ans et il m'a apporté une étoile de mer chaque année. »
  • L’insolite : « Un vieux monsieur m'a hébergé alors que je m'étais égarée et qu'une chute m'avait valu une entorse. J'ai passé quatre jours chez lui à parler légendes et plein d'autres sujets. Il vivait en ermite, ne se rendait au village voisin à pied que tous les trois mois et ne voyait personne en dehors de ce déplacement. »
  • Les opportunités professionnelles« J'ai croisé un naturaliste de Bretagne Vivante lors d'une ballade dans les landes du Cragou. Il venait s'occuper de vaches de race ancienne que l'association gère pour pâturer dans les Monts d'Arrée. Nous avons longuement échangé car dans le Marais Breton où j'habite nous avons mis en place un partenariat Paysans/LPO/AMAP pour élever des races anciennes ovines et bovines tout en sauvegardant la biodiversité de notre beau marais. Ce fût un échange très intéressant qui a débouché sur un échange plus large entre associations. »

Parmi les sentiments négatifs, on citera :

  • L’ennui « Un compatriote assez collant que nous avons tout de suite laissé tomber. Je fuis les Français en vacances. »
  • La malhonnêteté : « Le Portugal est l’un des rares pays dans lequel on s’est fait escroquer plusieurs fois en une semaine avec des demandes d’argent liquide par un serveur pour une place au restaurant, une bouteille de Porto achetée mais celle qu’on nous apporte qui ne correspond pas à celle dégustée dans le magasin, des arnaques du propriétaire du RbnB, etc. »

Quel est le pire ennemi des rencontres ?

La jalousie est évidemment le revers de la médaille des rencontres sous le signe du hasard et de la spontanéité, voire de l’envie de séduire (ou d’être séduit.e) : « J’étais en vacances en camping avec mon mari et mon premier enfant ; nous avons rencontré un couple qui avait un enfant du même âge que le nôtre. L'homme dormait tout le temps, on ne le voyait pratiquement jamais, c’était une vraie marmotte. J'ai compris un peu plus tard que cela arrangeait bien sa femme, qui en profitait pour faire des rencontres masculines... J’ai surveillé de très près mon mari tout le reste du séjour, ce qui a gâché mes vacances, être sur ses gardes tout le temps, ce n'est pas des vacances reposantes ! »

Pour éviter ce risque, d’autres types de rencontres sont possibles en dehors des humains, par exemple avec « des animaux sauvages ou des plantes, des fleurs, des fruits qu'on ne voit pas pousser chez soi habituellement ».

Ou sinon, il faut assumer les conséquences de ses rêves, les moins dangereux étant les moins probables, comme rencontrer une star (« ça ne me déplairait pas de passer une soirée avec Sting qui semble être une personne sympathique », « Slimane », « Renaud », « Sandrine Kiberlain », « Christophe Maé », « un joueur de l'équipe de France de Rugby ») ou transformer sa vie grâce à elle (« Une célébrité que je sauverais et qui m'en serais éternellement reconnaissante »).  Les plus risqués des rêves sont ceux qui réactivent les émotions les plus puissantes, celles que la nostalgie anime pour toujours : « J'aimerai retrouver une amie de classe que je n'arrive pas à revoir malgré mes recherches sur les réseaux sociaux et l'activation de mes anciennes relations ; elle reste introuvable. Ce serait une fabuleuse rencontre que de la revoir sans l'avoir prévu. Un choc, peut-être aussi mais agréable ». Et les rêves les plus absolus sont les moins faciles : « Rencontrer mon double ». L’année prochaine ?

 

Pour mieux comprendre de quoi les rencontres sont synonymes, il faut se souvenir de ce que Faust demande à Méphisto quand le Diable tentateur l’interroge sur les raisons qui l'ont appelé à le faire venir de si loin : "Veux-tu de l'or ? La gloire ? La puissance ?" Et Faust de répondre : "Non ! Je veux un trésor qui les contient tous. Je veux la jeunesse !" C'est sans doute ces retrouvailles avec le temps de l'insouciance et des plaisirs sans peur, que les rencontres de l'été font espérer ou ravivent.

 

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Retrouvez tous les épisodes de
notre saga de l'été

Episode 1 - Le secret des vacances

Episode 2 - Les vacances en 2040

Episode 3 - Le surtourisme

Episode 4 - Vacances avec ou sans enfants ?

Episode 5 - Les occupations de vacances

Episode 6 - Les rencontres en vacances

Episode 7 - Cap sur la rentrée

 

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[1] Sexe, âge, CSP, région.
Auteur(s)
  • Yves Bardon Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

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