Saga de l'été - Episode 5 : "Et si..?" ou les enchantements de l’oisiveté

Lancée le 9 Juillet 2021, la communauté ConnectLive rassemble 1 500 participants venus exprimer et partager leurs points de vue durant l'été. Pour sortir de cette parenthèse estivale sur une note différente du contexte de la covid-19 ou de la rentrée sous passe sanitaire, nous avons demandé aux participants de la plateforme de se projeter dans le temps de la retraite ou dans une situation financière idéale (chacun d’entre eux étant supposé avoir gagné un million d’euros).

Auteur(s)
  • Yves Bardon Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre
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Premier enseignement, commun à la retraite et à ce que rend possible une somme tombée du Ciel, arrêter de travailler est une vraie libération. Les réactions semblent directement liées à l’étymologie latine du mot Travail, un système constitué de trois pieux auxquels les esclaves ou les animaux étaient attachés, et à ses dérivés, tribulation, accouchement douloureux, voire conséquence directe du péché originel !

 

Deuxième enseignement, pour une catégorie de participants, ici appelés les Généreux, temps libre ou aisance financière sont synonymes d’altruisme avant tout : « En 1, je largue le travail, je distribue à ceux qui me sont chers et je rejoins la Bretagne plus vite que prévu ; je m'achète une petite maison en bord de mer avec un magnifique paysage que je pourrais contempler tous les jours »,  « Je partage avec ma famille, je me fais plaisir avec un ou des voyages en famille, je vais dans de bons restaurants, je change de voiture et je réalise des travaux d’embellissement de la maison pour la retraite ! », « Je m’achète ma maison, car c'est un projet que j'ai, et j’achète un appartement à maman, ce qu’elle mérite amplement » et créent les conditions de l’épanouissement personnel : « La première chose que je fais, c’est rédiger ma lettre de démission. Ensuite, je vends ma maison actuelle et j’en achète une plus grande avec surtout un plus grand jardin. J’achète du très bon matériel de photographie et je m’inscris à une formation pour en faire mon nouveau métier ». L’argent est aussi synonyme d’engagement par sensibilité personnelle (« Je donne à certaines associations qui luttent pour les animaux – maltraitance, refuge, stérilisation ») ou convictions religieuses (« Je partagerais avec ma famille, je rembourserais toutes les dettes et je distribuerais le reste à la Fondation qui vient en aide aux victimes des catastrophes naturelles, cf. Matthieu 24:14 »).

 

Une deuxième catégorie, les Hédonistes purs, se définissent par un verbe synthétique : « Profiter », tel le résultat de ce temps libéré et de l’aisance financière : « J'arrête de travailler. Dans un premier temps, je chercherais à acheter un logement pas trop cher, et ensuite je profite de la vie avec l'argent qui restera. Je ne chercherais pas à investir ou à trouver comment en avoir plus », « Je fais un investissement dans l'immobilier tout de suite : maison et appartements. La maison pour y vivre. Les appartements pour m'assurer un revenu. Et hop, une retraite anticipée ! Le rêve… ». Plus « matérialistes » que les Généreux, c’est d’abord à eux qu’ils pensent pour améliorer leur vie de tous les points de vue (« Je fais tout ce qui m'attire, bons restaurants, voyages, SPA et massages à domicile, tout ce qui est en rapport avec du confort – lit haut de gamme, canapé d'angle, fauteuil massant », « On fait des voyages et des achats compulsifs qu'on ne peut pas faire aujourd'hui, car souvent hors budget, mais qu'on regarde avec envie – sac à main de luxe, bijoux... »). Acheter une île déserte est la tentation ultime des Hédonistes, soit pour être enfin seul, soit pour partager l’espace avec des Happy Fews triés sur le volet.

 

Cela dit pour certains, après réflexion, un million d’euros ne semble pas suffisant pour changer réellement de vie : « ça file vite un million si vous en distribuez autour de vous et rien qu'un appartement à Paris coûte une fortune ! ». Pour cette troisième catégorie de participants, les Pragmatiques, il s’agira d’abord de concrétiser des projets (« La somme me semble à la fois importante, mais également trop faible pour songer à m'arrêter de travailler. Les décisions seraient donc raisonnables : quelques travaux reportés jusqu'à présent dans mon logement, quelques achats pour améliorer le confort, un grand voyage si les conditions sanitaires le permettent et le reste placé ») et d’investir rationnellement (« J'achète une forêt, il parait que ça se vend »).

 

Dernier enseignement, la retraite idéale suscite trois types de profils : les Sédentaires, les Découvreurs, les Engagés. Les Sédentaires se projettent en France dans une vie rustique et traditionnelle : « Ma retraite idéale serait dans les montagnes, loin d'une grande ville. Je souhaite la passer dans un lieu calme avec ma famille, des animaux, des activités agricoles comme prendre soin de mon jardin, avec plein d'arbres fruitiers – grenadiers, pommiers, cerisiers... – comme ont fait mes grands-parents », avec une place centrale donnée à l’entourage et au connu : « Pas de raison de quitter ma maison, ni ma région où vit toute ma famille. Je vois cependant ma retraite avec des escapades fréquentes, mais pas forcément à l'autre bout du monde, la France regorge d'endroits magnifiques à (re)découvrir », « En Bretagne, face à la mer si j'ai les moyens, vivre au gré des marées, repos et tranquillité d'esprit, ne plus travailler du tout... S'occuper de ma famille, cultiver mon jardin, aller à la pêche, faire la sieste, bricoler, faire ce dont j'ai envie sur le moment ».

 

Les Découvreurs se voient souvent ailleurs qu’en France, à la fois dans une carte postale et un territoire authentique : « Partout dans le monde, accompagnée d’un petit van pour vadrouiller, aller partout, randonner et camper où l’on souhaite au gré du vent, en toute tranquillité. Je voudrais remonter toute la Cordillère des Andes, puis traverser les États-Unis et le Canada », « Un pays tropical pour du farniente, profiter du soleil mais aussi un pays avec une histoire et une culture propre à lui ».

 

A l’intersection des deux, les Engagés veulent s’investir dans la vie locale, que ce soit en France ou un autre pays : « Sous le soleil, peu importe le pays tant qu'il fait beau et qu'il y fait bon vivre. Mon quotidien consisterait à profiter du soleil de mes petits-enfants et pouvoir me lancer dans l'humanitaire pour aider les autres et me rendre utile », « Au soleil et au bord de la mer, histoire de me sentir en vacances en permanence. Je ferai du bénévolat auprès de personnes en difficulté ». Même loin de la retraite, la volonté d’être actif caractérise cette génération de futurs séniors : « Je n’ai que trente-quatre ans, j’ignore encore quand je partirai en retraite, mais je prends le temps de préparer une autre activité, comme ouvrir une société de tri des plastiques, afin de pouvoir contribuer à résoudre les problèmes liés à l’environnement », « Dans l'arrière-pays provençal, ou pourquoi pas retourner en Auvergne du côté de Clermont-Ferrand, si je peux faire du sport comme du vélo, ça serait parfait, et pourquoi pas donner un peu de temps à des activités caritatives ».

 

Pour autant, la réalité rattrape les participants, notamment les plus éloignés de l’idée de partir en retraite : « Il m’est impossible de me projeter, mais l'espoir fait vivre… On ne sait même pas encore jusqu'à quel âge on travaillera ni si on aura une retraite… ».

 

Jean-Jacques Rousseau, un expert en Retraite(s), évoque assez bien dans les dernières pages des Confessions (Livre XII) ce que promettent autant l’argent que la retraite par opposition au travail aujourd’hui : « Tourmenté, fatigué de voyages et de persécutions, je sentais vivement le besoin du repos ; je soupirais plus que jamais après cette aimable oisiveté, cette douce quiétude d’esprit et de corps que j’avais tant convoitée, et à laquelle mon cœur bornait sa félicité suprême ».

L’oisiveté n’est pas la paresse, mais une disponibilité d’esprit qui encourage autant la contemplation que l’action. Les Romains l’appelaient l’Otium, contrairement au Negotium, caractérisant ceux qui en étaient privés par le travail et le commerce (qui donnera négociant plus tard en français). Cette liberté doit être employée à se perfectionner, à apprendre, à découvrir : en Chine par exemple, l’aristocratie se consacrait à quatre arts majeurs, la calligraphie (Shu), la peinture (Hua), la musique (Qin), la stratégie (Qi, notamment avec le jeu de Go).

 

L’Otium est un art de vivre.

 

Saga de l'été - Episode 5 : Et si ?


Retrouvez tous les épisodes de
notre saga de l'été

Episode 1 - Oserez-vous oser ?

Episode 2 - Eté 2021 : restrictions, balades et apéros !

Episode 3 - Le tourisme spatial, ultime tentation ?

Episode 4 - Quelle place pour le rêve ?

Episode 6 - Embarquement pour un voyage à travers le temps


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  • Yves Bardon Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

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