Saga de l'Été 2024 - Épisode 6 : Les pires vacances, qui en est responsable ?

Lancée en 2020, la Saga de l’Été a été développée par Ipsos pour découvrir comment les Français vivent leurs vacances, à travers les multiples crises rencontrées depuis la pandémie. Les témoignages des participants de ConnectLive©, la communauté syndiquée online d’Ipsos composée de 1500 membres représentatifs des Français, nous racontent leurs pires expériences en vacances.

Après avoir parlé de leurs vacances idéales ou de leurs envies de voyages extraordinaires, il était temps de demander aux participants de notre communauté on-line ConnectLive© de nous parler de leurs pires expériences, autrement dit des raisons pour lesquelles le rêve prévu s’est transformé en cauchemar.

Saga de l'Été 2024 - Épisode 6 :  Les pires vacances, qui en est responsable ?

Epictète définissait deux catégories de choses, celles qui dépendent de nous et les autres. Autant nous devons nous soucier des premières, autant les autres devraient glisser sur nous comme l’eau sur les plumes du canard ; malheureusement, rares sont ceux qui atteignent ce niveau de stoïcisme ou de suprême détachement qui protège des contrariétés comme des phénomènes illusoires.

Vacances : maîtriser les imprévus

Météo, températures, insectes font, sans ambiguïté, partie des choses sur lesquelles nous n’avons pas prise. Pourtant, ce sont les premiers coupables des vacances ratées : « En vacances en Vendée, il a tellement plu que nous avons passé les 3/4 du séjour à jouer à la console », « En Isère, lors de l’apéro le soir près d’un lac où, en moins d’une demi-heure, j’ai eu trente-neuf piqûres de moustiques sur les jambes ! ». De ces désagréments, les participants ont retenu au moins deux leçons : « Avoir un plan B ou des activités de repli en cas de météo pourrie », « S’équiper avec des serpentins et des répulsifs » contre les moustiques ou les guêpes.

Dans la même catégorie, maladies, tourista, accidents, cambriolage, avion retardé ou annulé, peuvent dévaster les vacances et obligent dans l’urgence à s’adapter aux contraintes : « Mon mari s'est cassé le tendon du pied droit avant de partir une semaine au ski. Il a fallu tout réorganiser ». Des années plus tard, on peut les revivre comme un traumatisme : « J'avais douze ans et le premier jour des vacances, nous avons longuement pris un bain chaud avec une copine et à force, les vapeurs ont absorbé l'oxygène et nous nous sommes asphyxiées. Il a fallu appeler les pompiers et j’ai eu tellement honte d'être là toute nue devant tout monde que je n’ai plus osé sortir et je me suis interdit toute seule de jouer dehors ».

L’accueil que l’on reçoit peut être également très mal vécu, surtout en présence de pratiques ressenties comme aléatoires et discriminatoires : « On m'a carrément refusé l'entrée de la basilique San Marco parce que soi-disant ma tenue – qui était pourtant la même que nombre de femmes avec les bras nus comme moi – n’allait pas. Tout ce à quoi j'ai eu droit a été "vous vous êtes regardée !?" parce que j'ai beaucoup de tatouages et des tresses africaines. J’ai été très déçue et choquée par cette expérience sachant que le billet de la visite ne m'a, bien-sûr, été aucunement remboursé ».

Quand nos choix compromettent nos vacances…

Qu’est-ce qui dépend de nous ? D’abord, nos choix de destination et d’hébergement, dans quel restaurant aller, quelle visite ou excursion réserver, etc., qui peuvent se révéler catastrophiques : « Nous revenons d'un séjour aux Canaries en hôtel 4* avec formule "tout inclus prestige". Séduits par les descriptifs comme toujours dithyrambiques du site, notre objectif était de passer des vacances relaxantes avec des prestations idylliques : pour un supplément de 740 € à deux, c'est bien le moins que l'on puisse attendre ! Hélas, le samedi matin, arrivés à l'hôtel à Lanzarote, nous avons constaté que, à la suite d’une erreur, nous étions enregistrés en formule "tout inclus", c’est-à-dire sans prestation d'accueil ni accès à la piscine de la thalasso et des cartes réduites aux restaurants ou aux bars. Après des heures au téléphone, nous avons dû patienter tout le week-end avant que la situation soit débloquée et nous allons saisir un juge pour être indemnisés ».

Ensuite, les amis avec lesquels on part en vacances, même si la découverte de la part obscure de leur véritable personnalité est un phénomène difficile à prévoir quand elle se révèle dans toute sa splendeur, les vacances étant souvent un moment où l’on se croit tout permis en toute impunité : « Une ‘amie’ m'a proposé de m'emmener avec elle et son copain en camping à Hyères et là, elle s’est complètement lâchée. Par exemple : "Regarde cette grosse, elle devrait avoir honte de s'habiller comme ça !", ce qui me mettait super mal à l’aise… Et comme j’avais peu d’argent, elle jouait de ma dépendance à son égard en m’interpellant sur le mode "Tu n’as pas beaucoup de moyens mais tu t’achètes quand même des cigarettes !". C’était tellement invivable que j'ai dû trouver un covoiturage et je suis partie en pleine nuit pour rentrer chez moi ».

Les enfants incarnent aussi un sujet de discorde parfait entre les couples qui en ont et les autres comme révélateurs d’indifférence ou d’intolérance : « Nous sommes partis avec un couple sans enfant. Nous étions debout à 6h et couchés à 23h avec des gamins qui pleuraient la nuit et les copains qui proposaient exclusivement des activités sans les enfants et qui se croyaient à l'hôtel  ».

Dans ces deux cas, la leçon tirée de ces expériences est de s’assurer que les amis partagent réellement les mêmes goûts et éprouvent les mêmes affinités, ce qui impliquerait une sorte de stage ou de test pré-vacances pour identifier tous les points de friction possibles et renoncer à partir avec des profils finalement incompatibles.

Enfin et surtout, nos sujets de conversation, la politique, les questions religieuses ou sociétales, l’argent, les différentes conceptions de l’éducation représentant le potentiel explosif et destructeur le plus élevé, en famille ou avec des amis : « Pendant mes premières vacances à Biarritz avec mon ex pour Noël, nous sommes arrivés chez sa mère et son beau-père que je ne connaissais pas. Les deux hommes se sont engueulés à propos de politique et le beau-père a traité mon ex-conjoint de sinistre crétin. Il est parti s'enfermer dans la chambre et n'en est plus sorti que pour manger. Ils ne se sont plus adressés la parole et moi j'ai découvert Biarritz seule en espérant que cela passe, mais ça n'a pas du tout été le cas et nous sommes rentrés chez nous à 700 kilomètres… ». D’où la moralité retenue par la plupart des participants :

Les vacances étant synonymes de détente, mieux vaut éviter tout ce qui peut amener de la tension et parler de l’apéro, de la journée, du temps, de tout ce qui est léger.

— Un membre de la communauté ConnectLive

Ce dont on parle peut aussi influencer les fameuses amourettes d’été et même si chacun est conscient de leur caractère éphémère, les positions que l’on exprime peuvent les abréger radicalement : « Il y a les mauvaises surprises comme être indisposée au mauvais moment, le monsieur qui a mauvaise haleine, ou un sujet de discussion sur lequel la personne est butée et ne partage pas du tout le même avis. Et là, tu sais que ça ne va pas le faire. »

 

Surtourisme, quand la popularité devient problématique 

A l’intersection de ce qui dépend ou pas de nous, et facteur de mauvaises expériences, le surtourisme se révèle un sujet plus complexe qu’on l’imagine.

Il s’explique par l’attractivité des lieux et des activités les plus populaires (gondoles et îles de Venise, montagnes et plages de Corse, Mont Saint-Michel, Plaza Mayor de Madrid, Rambla à Barcelone, etc.), leur saturation étant « compréhensible puisque tout le monde a des envies de soleil, de restos, d’apéros, de selfies ».

Il se justifie par les contraintes du calendrier des vacances scolaires qui imposent les mêmes dates de départ et de retour à des millions de parents et d’actifs qui doivent attendre que leurs enfants soient autonomes pour envisager de partir hors-saison, pratique que les entreprises apprécient assez peu. Seuls les retraités échappent à cette pénalité calendaire, même si un certain nombre doit s’adapter à ses petits-enfants et enfants.

Il met en face d’un vrai choix avec le libre-arbitre d’aller dans des endroits moins fréquentés et des destinations plus calmes, la fréquentation touristique de masse étant « la rançon du panurgisme actuel où l’on veut tout ce que les autres ont avec la recherche du truc qu'il "faut avoir fait" ; c'est stupide ».

Et on le juge souvent comme le résultat d’un modèle économique fondé sur l’avidité des acteurs locaux eux-mêmes qui « abusent de la situation avec des prix qui flambent, un service moins chaleureux et moins personnalisé, des locations saisonnières hors-de-prix. On taxe à fond et on veut absolument prendre l'argent des touristes sans pour autant leur faire vivre une expérience inoubliable ».

L’une des conséquences les plus déplorables du surtourisme est d’être l’inverse de l’esprit des vacances avec les mesures pour le contrer ou le gérer, aux antipodes de l’improvisation et de la spontanéité qu’on en attend ; même si l’on comprend quotas et tranches horaires, ils contreviennent totalement au sens étymologique de cette période, échapper aux contraintes : « On ne peut plus voyager comme avant. Il faut même réserver les musées et tout prévoir car il y a du monde partout, ce qui enlève le côté un peu spécial des vacances. Ça reste bien pour ceux qui aiment tout organiser, mais pour ceux qui aiment la découverte, ça n’est pas terrible ».

Un pays avait tenté de contrer le surtourisme avec la sélection par l’argent, le Bhoutan. Ce royaume de l'est de la chaîne de l'Himalaya, après avoir instauré une taxe de 200 dollars par jour et par voyageur en 2022, l’a finalement divisée par deux un an plus tard, à l’opposé de sa stratégie « Valeur élevée, faible volume », pour retrouver la manne touristique… CQFD.

Pour en savoir plus sur les communautés Ipsos, contactez Charbel Farhat via le formulaire en bas de page

Saga de l'Été 2024

Épisode 1 : Les vacances, enfin ! | Épisode 2 : La recette des vacances | Épisode 3 : Les vacances sans limite | Épisode 4 : Vacances, déconnexion ou introspection ? | Épisode 5 : L'été entre effort et réconfort | Épisode 6 : Les pires vacances, qui en est responsable ? | Épisode 7 : L'imprévu, ou quand l'aventure prend les décisions | Épisode 8 : Cap sur la rentrée !

Auteur(s)

  • Yves Bardon
    Yves Bardon
    Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

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