L'été des Français - Episode 7 : Rentrée, le début de la fin ?
Ipsos lance la saga "L'été des Français" avec la communauté Ipsos ConnectLive, rassemblant 1 500 Français. Chaque semaine, les participants seront interrogés sur un thème spécifique et invités à partager leurs points vue. Cette semaine, nous leur avons demandé de nous partager leur avis sur la rentrée. Quels sont les perspectives envisagées et la dynamique pour cette rentrée ? Sont-ils optimistes à ce sujet ?
La fin des haricots, déjà?
Chaque rentrée a une coloration différente : celle de 2020 commençait sous le signe de la reprise de la pandémie de covid-19 et la perspective de nouvelles restrictions quand celle de 2021 portait plus d’espoir avec l’allégement des contraintes pour les personnes vaccinées. Septembre 2022 aurait dû démarrer sous le signe de l’insouciance et de l’abondance après des départs en vacances massifs : plus de pass sanitaire depuis longtemps, reprise des activités économiques, culturelles, sociales, et moral au beau fixe avec la pandémie requalifiée en simple épidémie.
Il n’en est rien. Comme le montre notre communauté on line ConnectLive, la plupart des Français sont extrêmement inquiets dans un contexte marqué par de nouvelles incertitudes : « Les actualités nous annoncent le pire à venir. Mais quoi ? Comment ? Nous ne savons pas trop encore. Cette rentrée sera différente parce que nous sommes dans le doute et l'attente sur tous les sujets : évolution des prix, coût de l’énergie, évolution de la guerre en Ukraine, décisions de Poutine, pouvoir d'achat... ». La météo elle-même a participé de cette ambiance, avec des chaleurs difficiles à supporter, et que de nombreux participants associent aux conséquences d’un dérèglement climatique avec lequel il va falloir de plus en plus compter.
Par comparaison à 2021, certains trouvent même que la précédente rentrée invitait à plus d’optimisme, comme si la route la plus noire était déjà tracée pour achever 2022, mouvements sociaux dès la fin du mois de septembre, pénuries d’énergie et d’aliments en hiver, en passant par des hausses de prix non-stop dans tous les domaines.
Le risque de la séquence qui s’ouvre maintenant est lié à la capacité des Français à absorber une inflation qui s’attaque à leurs besoins essentiels (se nourrir, se déplacer, se chauffer) et à la proportion de ceux pour qui elle va devenir ingérable : « Il est possible que les colères explosent dans une rentrée sociale forte. Emmanuel Macron essaie de calmer les esprits avec les aides carburant et les chèques ceci ou cela, déconjugalisation des ressources pour le calcul de l'AAH (à faire bien avant octobre 2023), mais les gens voient bien que ça ne suffit pas et que nous entrons dans une ère pourrie avec une part d'incertitude énorme et anxiogène. Les gens en ont marre de souffrir et de se priver. Ça pourrait exploser, je le comprendrai, je le soutiendrai. Je pourrais descendre dans la rue. »
Comment s’en sortir ?
A part les Français dont le niveau de revenu permet d’absorber sans difficulté l’inflation, les autres se résolvent à des arbitrages, le premier ayant eu pour objet de préserver le temps des vacances, « le moment bien mérité par excellence », en économisant plusieurs mois à l’avance, en réduisant d’autres postes de dépenses (alimentation, énergie, produits culturels, etc.) : « Les gens ont tellement été privés de tout qu'ils profitent des vacances, c'est normal, mais cela ne veut pas dire qu'ils ont plein d'argent. Mon pouvoir d'achat a baissé, un plein de courses revient beaucoup plus cher, l'essence aussi, et je me suis privée de certaines sorties pour pouvoir partir en vacances ». Mais certains ont été obligés, avec « un pouvoir d'achat en dégringolade », de renoncer aux vacances et de « reporter certaines grosses dépenses (travaux et voiture) ».

La rentrée 2022 s’accompagne de trois types de sentiments : la résignation, la frustration, l’exaspération.
La résignation semble dominer, que ce soit à l’égard des hausses des prix ou de produits absents des rayons, et se traduit par des comportements d’adaptation : « Les prix continueront d'augmenter vu la sécheresse cette année ; je mange beaucoup moins de viande, deux ou trois fois par semaine, je diminue les quantités » ou une simple passivité : « Tout augmente et malheureusement cela va continuer. On ne se prive pas mais on constate qu'on n'arrive plus à épargner depuis quelques mois ».
Elle peut se doubler de frustration, voire d’exaspération, si la résignation évolue vers la rancœur entre « ceux qui payent » et « ceux qui profitent de l’assistanat » : « la misère, voilà ce que je vois arriver, je ne suis pas très optimiste pour le pouvoir d'achat, nous sommes toujours en train de payer, travailler, et… payer ! ». Les aides sociales radicalisent les points de vue, entre ceux qui valorisent la solidarité (« Je n'ai aucune aide et j'en suis heureuse car ça veut dire que j'ai un salaire qui me permet de vivre dignement. Ceci dit, je ne sais pas si les aides sont suffisantes pour certains, je l'espère seulement. Il est temps que les retraites et les aides soient indexées sur le coût de la vie, même si ça veut dire que les salaires seront un peu plus taxés. C'est ma conception du vivre ensemble ») et ceux pour qui il faut agir en amont, par exemple en bloquant les prix ou en réduisant les taxes (« Revaloriser les aides ? Non il y en a assez de ces aides. Qui paie ? Toujours les mêmes ! Il vaudrait mieux un bon d’achat pour éviter le dévoiement de ces aides par les allocataires, généraliser des coopératives de fournitures scolaires, agir sur les prix »).
Comme on l’avait déjà noté à l’occasion de la situation créée par la covid-19, la crise géopolitique et économique actuelle est aussi une opportunité pour prendre conscience des limites de la société de consommation et de nos modes de vie. Pour ces « Positifs », c’est le moment pour des transformations : « Un rééquilibrage est nécessaire et indispensable, avec une juste répartition des richesses, ce qui implique naturellement une réflexion sur les salaires, les infrastructures, les réseaux d'approvisionnement, mais aussi sur nos choix de vie ».
Dans ce contexte, en appeler à la « force d’âme » du peuple français pour accepter de payer le prix « de notre liberté et de nos valeurs », comme annoncer « la fin de l’insouciance et de l’abondance », rencontrent les sentiments qui s’étaient exprimés :
- L’hostilité des participants qui se sentent frustrés ou exaspérés : « Cette fin de l'abondance n'est pas nouvelle puisque cela fait déjà de nombreuses années que les services publics diminuent (fermeture de bureaux de poste, de centres des impôts, de lignes de trains...) ce qui met encore plus en difficulté les plus fragiles. De plus, elle ne concerne pas tout le monde quand on voit le niveau record des dividendes », « C'est surtout notre confort qui est plus menacé (essence, gaz), notre liberté n'est pas plus menacée qu'au Yemen », voire provoqués : « Et le jet-ski à Brégançon ? On délire »,
« Quelle abondance ? ça fait longtemps qu’il n’y a plus d’abondance ». - Une certaine remobilisation chez les Résignés : « Il a raison de nous préparer à des éventuels conflits, à des efforts sur la consommation, à conserver nos droits, à être libres. Nous sommes en sursis ; à n'importe quel moment, la Russie peut frapper un autre pays. Nous devons être vigilants et ajuster nos consommations. Le gaspillage doit être évité à tout prix ».
- L’adhésion des Positifs : « Tous ces bouleversements nous amènent à réfléchir sur ce que l'on veut vraiment vivre ; par exemple, pourquoi autant de personne ont changé de travail pendant le covid ? Il nous faut des bouleversements pour nous faire changer, sinon nous restons dans nos schémas destructeurs. », « Oui le temps de l'abondance et de l'insouciance est terminé, mais chacun regarde son nombril ».
Dans tous les cas, peu de rentrées auront commencé dans une ambiance aussi floue et dégradée ni appelé autant de réponses concrètes sur ce « prix à payer », dans quels domaines, quand, et par qui en priorité, alors que l’on s’attend traditionnellement à retrouver une dynamique et des perspectives, autrement dit, de l’énergie pour écrire la nouvelle page qui se présente à ce moment de l’année.
Retrouvez tous les épisodes de
notre saga de l'été
Episode 1 - L'hôtel grand absent des vacances
Episode 2 - L'éveil des désirs secrets
Episode 3 - Rêver ses vacances ou vivre les vacances de ses rêves
Episode 4 - Quoi de plus festif qu'un apéritif ?
Episode 5 - Sobriété énergétique : l'overdose des Français ?
Episode 6 - Sexisme : recul ou progrès ?
Episode 7 - Rentrée : Le début de la fin ?
Les prénoms des personnes citées ont été modifiés.