20 mars - 20 avril. Dernière séance
Avec l’égalité de temps de parole s’ouvre une autre séquence, sans doute la dernière, de la campagne présidentielle. Et l’occasion d’établir un premier bilan pour chaque candidat, au-delà des postures sur-jouée au quotidien selon le point, voire le ½ point gagné par tel ou tel.
Jean-Luc Mélenchon : il est à ce jour le seul dont on puisse dire qu’il est sur une véritable dynamique, c’est-à-dire un mouvement haussier régulier, fort et quasi continu. Et il est probablement le seul phénomène qui n’avait pas été anticipé en amont de la campagne comme pouvant atteindre son niveau actuel, entre 10% et 11% des intentions de vote. En effet, Jean-Luc Mélenchon avait, on l’a oublié, un problème de notoriété qu’il a su le combler au fil des mois. Il lui a fallu ensuite trouver son registre : la radicalité plutôt que l’agressivité ; des adversaires politiques clairement identifiés (Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy) plutôt qu’un combat avec tous, de François Hollande à Marine Le Pen sans oublier les journalistes, les sondeurs, le système, etc. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a su régler avantageusement sa compétition avec François Hollande : moins d’attaques directes qui troublaient un électorat de gauche inquiet d’une déstabilisation de celui qui pourrait battre Nicolas Sarkozy mais une affirmation forte de soi-même et de ses propres positions, venant souligner en creux ce que l’on reproche au leader socialiste : des revirements ou du flou sur certaines propositions, qui seraient selon ses adversaires révélatrices de sa personnalité. Ayant parallèlement asphyxié une extrême gauche dont les représentants se présentent pour la 1er fois à l’élection présidentielle et sont à peine connus, Jean-Luc Mélenchon fait le plein de la gauche radicale, qui oscillent entre 13,8 % (point haut en 2002) et 9% (2007), d’autant qu’Eva Joly est également à la peine. Son électorat n’est pas spécialement composé d’ouvriers mais d’employés et de professions intermédiaires et il commence à mordre sur le FN, même si à ce jour cet objectif mainte fois énoncé n’est encore que très partiellement atteint. Ses talents d’orateurs et ses formules péremptoires en font un candidat saillant et attractif dans une campagne qui lasse les Français. Il y a donc des ressorts réels et profonds à son niveau actuel même si 2% à 3% de ses électeurs sont très sensibles à un vote utile en faveur de François Hollande. Par ailleurs, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou devraient bénéficier de la séquence d’égalité des temps de parole.
François Hollande : le leader socialiste a baissé de 6,5 points si l’on prend son niveau le plus haut à l’issue des primaires -et donc un niveau relativement artificiel de 35%- et son niveau actuel : 28,5%. C’est la conséquence d’un calendrier totalement inédit dans l’histoire des campagnes électorales pour la gauche : avec une primaire ouverte à des millions d’électeurs, François Hollande est en campagne active, on l’a un peu oublié, depuis août 2011, soit depuis 7 mois. Il a donc dû, bien avant les autres, indiquer ses priorités et ses mesures et le risque est pour lui d’avoir tout dit ou presque. L’avantage de cette contrainte est cependant d’avoir installé un positionnement et une cohérence. Début janvier, il était à 29%. Aujourd’hui dans la zone des 28%. Sa baisse est donc en réalité limitée et François Hollande a évité jusqu’à maintenant le décrochage qu’avait connu en son temps Ségolène Royal. Mais il arrive au seuil de la dernière grande séquence dans une situation certes plus conforme à la réalité électorale du pays, mais moins confortable. Et son tassement est l’effet quasi mécanique de la montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon. Le bloc de gauche restant relativement stable, c’est donc surtout une compétition interne à la gauche qui a rythmé ces dernières semaines ou mois et qui déterminera la séquence à venir. La ½ environ des électeurs du Front de Gauche indique en second choix François Hollande, contre 37% des électeurs de François Hollande qui indiquent Jean-Luc Mélenchon. Ce sont donc bien ces derniers qui détiennent l’une des clés du score final du leader socialiste.
François Bayrou : François Bayrou ne parvient pas à décoller depuis la ½ janvier et stagne à 13% environ des intentions de vote. Sa difficulté principale, outre un positionnement qui refuse le clivage gauche-droite dans une élection qui reste déterminée par cette opposition et qui oppose des acteurs solides, est qu’il ne parvient pas à faire revenir sur lui plus de 50% de ses propres électeurs de 2007. Or, l’on voit mal pourquoi ces derniers basculeraient maintenant. L’égalité de temps de parole peut donc lui permettre de desserrer l’étau de la bipolarisation mais sans doute plus à la marge que ce qu’il avait su faire en 2007.
Nicolas Sarkozy : le Président candidat est en lente reconstruction de son socle électoral et, depuis son entrée en campagne il y a maintenant un mois, à repris 2,5 points environ, pour se situer comme François Hollande à 28% environ. C’est une progression non négligeable, c’est la première étape obligée d’une potentielle inversion mais ce n’est pas encore une véritable dynamique, d’autant que des effets d’offre interviennent au moins à la marge (non candidature finale de C. Boutin, Hervé Morin et Dominique de Villepin). Le rééquilibrage du 1er tour, souvent annoncé ici comme probable et non mesuré, l’est donc enfin. Surtout et pour qui en aurait douté, l’écart avec Marine Le Pen n’a cessé de s’accroitre. Mais pour aller au-delà du rééquilibrage et inverser le sens de l’élection, il lui faudrait dépasser ce niveau et déverrouiller 3 ou 4 points en sa faveur de Marine Le Pen. Il lui faudrait également améliorer ses reports au second tour, tant des électeurs du FN que du Modem. En effet, 75% des électeurs de Nicolas Sarkozy de 2007 se reportent à nouveau sur lui en 2012 mais 12% vont vers Marine Le Pen et 13% vers François Bayrou ou la gauche. 17% indiquent aussi, en second choix, Marine Le Pen et 25% François Bayrou. Le déverrouillage est donc sur le papier possible mais pour l’heure non mesuré : Marine Le Pen se tasse et Nicolas Sarkozy en profite mais très partiellement. On peut d’ailleurs se demander si Jean-Luc Mélenchon ne serait pas celui qui pourrait demain le plus capter des suffrages populaires du Front national en mordant sur Marine Le Pen plutôt que sur François Hollande, dans l’hypothèse où il poursuivrait sa progression. Ce faisant, il bloquerait la remontée du chef de l’Etat. C’est tout l’enjeu de cette séquence et elle est évidemment cruciale pour Nicolas Sarkozy
Marine Le Pen : toujours à un niveau élevé (15% à 16%), Marine Le Pen s’est cependant tassée et peine à trouver son rebond. 24% de ses électeurs indiquent Nicolas Sarkozy en second choix. Elle peut donc consolider son électorat en étant plus forte en visibilité dans les semaines à venir, ou abandonner à d’autre ce surcroît qu’elle avait semblé conquérir par rapport à son père.
Nicolas Dupont –Aignan : dans un duel au couteau pour le 1er tour, chaque point compte et Nicolas Dupont Aignan, actuellement à 1% ou 1,5% des intentions de vote, pourrait/devrait grignoter des suffrages.