Adolescents-adultes : deux regards sur ce que réussir veut dire
Pour la cinquième année consécutive, Ipsos Santé réalise pour la Fondation Wyeth une étude quantitative qui confronte les avis d’adolescents et d’adultes. Cette dernière vague traite de la question des réussites, sous ses différents aspects : quels sont les modèles de réussite des adolescents, dans quelle dynamique de réussite se trouvent-ils, que veut dire réussir dans la vie à leurs yeux, quels sont d’après eux les ingrédients de la réussite et qu’en pensent les adultes.
Les 10 points clés de l’étude
1- Pour les adolescents la réussite ne se conjugue pas qu’au futur. Au présent réussir se joue principalement avec les amis, la famille et l’école.
75% des adolescents estiment en effet avoir réussi quelque chose dans les trois derniers mois dans le domaine de leurs relations amicales, 63% dans leurs relations avec la famille et 56% à l’école.
C’est bien dans ces domaines, ainsi que dans les loisirs, que les adolescents ressentent qu’ils réussissent le mieux actuellement. Dans l’ensemble, les adolescents interrogés se décrivent dans des dynamiques de réussite en s’attribuant très majoritairement des bonnes notes sur les différents items.
Plusieurs données contreviennent aux idées reçues sur les adolescents. Les images d’Epinal les présentent volontiers en conflit avec leur famille, désengagés de l’école… Ces poncifs volent en éclat : les adolescents réussissent mieux à leurs yeux avec leur famille que dans leurs relations amoureuses, se sentent plus en réussite scolaire qu’en réussite d’activités sportives ou artistiques.
Le sentiment de réussite n’est pas similaire selon les profils d’adolescents.
Par exemple, le sentiment de réussite dans les domaines relationnels : relations avec les amis et relations avec la famille est inférieur chez les adolescents se considérant comme issus de milieux défavorisés (respectivement 8.1/10 pour les relations avec les amis et 7.6/10 pour celles avec la famille) ou ceux de l’échantillon déclarant une moyenne scolaire inférieure à 10/20 (7.5/10 pour les relations avec la famille).
2- Quand on parle avenir avec eux, les adolescents expriment un certain niveau d’incertitude sur l’ascenseur social et marquent un doute important sur l’égalité des chances : une vision lucide de la réussite?
60% des adolescents croient qu’ils vont réussir mieux que leurs parents, mais seulement 12% en sont tout à fait convaincus. Les adolescents qui ont le sentiment d’appartenir à une classe défavorisée se montrent plus optimistes sur la perspective un progrès par rapport à la réussite de leurs parents (74% vs 58% de ceux qui se sentent favorisés).
Les adolescents les plus en réussite scolaire sont aussi plus confiants sur ce point (66% des adolescents avec plus de 12/20 de moyenne scolaire vs 46% des adolescents avec moins de 10/20).
3- Le principe d’égalité des chances ne convainc pas cette génération…
Seulement 27% des adolescents considèrent que tout le monde a les mêmes chances de réussite. A signaler une tendance négative depuis la première mesure de cette question il y a tout juste 3 ans (moins 6 points).
Une chose apparaît : tous les profils d’adolescents ne voient pas cet enjeu du même œil.
Les adolescents fréquentant les lycées professionnels sont les plus optimistes (ou les moins pessimistes) : 33% croient à ce principe. A l’opposé, les adolescents suivant un cursus dans l’enseignement supérieur long sont les plus négatifs (14%).
4- L’école apparaît plus comme un pré-requis que comme une garantie de réussite pour les jeunes
Si l’école, via les études et les diplômes, apparaît clairement parmi les ingrédients déterminants de la réussite, classée en premier par les adolescents, la moitié de l’échantillon seulement considère que l’éducation proposée à l’école est la base de la réussite. A travers toute l’enquête on voit toute l’importance accordée à l’école : sans l’école on n’arrive à rien, toutefois l’éducation proposée à l’école ne fait pas tout. Il s’agit de pouvoir composer avec d’autres ingrédients comme la confiance en soi.
Les adolescents ayant les moyennes scolaires les plus élevées sont plus persuadés de la contribution de l’école (58% vs 37% des adolescents avec moins de 10/20 jugent que l’éducation proposée à l’école est la base de la réussite). Les filles accordent également plus volontiers une place importante à l’éducation scolaire.
5- Adolescents et adultes partagent les mêmes valeurs de la réussite : motivation, confiance en soi, et travail..., même si les adultes n’en sont pas convaincus
87% des adolescents croient que la réussite « est liée au travail fourni », et la même proportion juge que la réussite « c’est avant tout se sentir bien dans sa peau ».
Une autre question posée aux adolescents et aux adultes montre qu’adolescents et adultes se rejoignent sur l’importance du travail et de la confiance en soi dans la réussite. Ainsi, le trio de tête de ce qu’il faut pour réussir est : la motivation (54% pour les adolescents, 41% pour les adultes), le fait de croire en soi (respectivement 43% et 48%), et celui de travailler dur (respectivement 40% et 36%).
Cependant, lorsque les adultes se mettent à la place des adolescents, on remarque un fort décalage de perception. Pour les adultes, les adolescents croiraient davantage en la chance (44%), l’aide (30%) qu’à la valeur du travail (16%). On retrouve ici les stigmates d’une jeunesse décriée pour sa paresse, son goût pour la facilité… Dans une vaste enquête réalisée en 2006 sur la question de l’avenir, les adultes interrogés nous disaient déjà des adolescents « Ils ont beaucoup de mal à se mettre au travail », « ils ne veulent rien faire ».
A noter que les adolescents en difficultés scolaires (moyenne scolaire inférieure à 10) sont moins nombreux à juger qu’il faut « travailler dur » pour réussir. L’étude ne dit pas si c’est, à l’image du cancre laborieux décrit par Daniel Pennac, à cause d’efforts infructueux que ces adolescents se sont forgés cette conviction ou bien si c’est parce qu’ils ont cette conviction que leur réussite scolaire n’est pas au rendez-vous.
6- Des désirs de réussite simples pour les adolescents aux valeurs plus traditionnelles que matérielles quoiqu’en pensent leurs aînés
A la question de hiérarchiser ce qui est le plus important à réussir dans la vie, aux yeux des adolescents, là encore les perceptions des adultes divergent de ce que les adolescents nous restituent.
Le décalage avec les plus âgés est patent; les adultes ont tendance à se représenter les adolescents dans des projets de vie ostentatoires et légers : l’argent et les loisirs en tête… , là où les adolescents positionnent en tête la santé, la famille et le travail. Les adolescents souhaitent avant tout : avoir un métier intéressant, être en bonne santé, avoir une vie de couple épanouie… Dans cette enquête l’image d’une génération sage se dessine-se confirme ?-.
Dans leur vie future, ils nous disent chercher avant tout l’amour (dans 76% des cas), la liberté (67%) ou encore l’autonomie (63%)… ,mais ils gardent les pieds sur terre en valorisant aussi beaucoup la stabilité, le confort, la sécurité. Si les adultes leur reconnaissent des aspirations d’amour, de liberté et d’autonomie, ils imaginent les adolescents aussi plus tentés par la notoriété et le pouvoir.
Moi à 30 ans, des portraits issus de l’enquête qualitative de 2006, auprès d’adolescents de 15 à 18 ans.
« A l’âge de 30 ans j’espère être une femme accomplie, heureuse, que ce soit sur le plan personnel, du travail et sur le plan psychologique. Je suis une jeune maman de déjà 2 enfants, un de 2 ans et un qui vient de naître! Le petit de 2 ans est un garçon qui s’appelle Erwan et la petite dernière est une fille : Samaa. Le papa est un très bel homme de 31 ans, il a un bon travail et nous vivons tous les deux un amour sans égal. » Soraya
« A 30 ans, je me vois dans un bureau avec d’adorables collègues autour qui seront mes amis. J’aurai un bel appartement pas trop vieux avec de belles couleurs. Je pense avoir un copain avec qui je me marierai 5 ans plus tard. Pas d’enfant, du moins pas encore. En gros, je me vois bien côté boulot, amour et famille.» Marion
7- Le modèle de réussite de ces adolescents ? Leurs parents !
Lorsque l’on interroge les adolescents sur leur modèle de réussite, plus de la moitié des adolescents citent spontanément un membre de la famille et seulement 23% nous désignent une personnalité publique. Le père et la mère sont les deux personnes les plus souvent mentionnées comme modèle par les adolescents (respectivement 18% et 15%). Les personnalités les plus citées sont Bill Gates (29 citations), Barack Obama (20 citations), Zidane (14 citations)… ,mais très, très loin derrière « mon père » (148 citations), « ma mère » (130 citations).
Encore une fois on perçoit des adolescents raisonnables et/ou lucides. D’abord leurs principaux modèles appartiennent à leur cercle familial, et ensuite ils renvoient à des formes de réussite accessibles.
On est loin du verbatim de ce professeur toulousain de mathématiques interviewé qualitativement en 2006 :« Ça fait un peu la génération Star Academy, ils ne savent pas chanter, mais ils vont être célèbres, ils y croient. »
8- Prochains arrêts pour la réussite : décrocher un travail intéressant, accéder à son indépendance financière, et obtenir un diplôme
Concernant les 3 principales prochaines étapes que les adolescents souhaitent à tout prix réussir dans la vie, on retrouve les notions de travail, d’indépendance et le fameux diplôme dont ils nous disent d’ailleurs dans cette étude qu’il est le premier ingrédient de la réussite ex-aequo avec la confiance en soi.
9- Des adolescents majoritairement confiants en leur propre avenir…
Ils semblent plutôt confiants en eux-mêmes : plus de 7 adolescents sur 10 disent être confiants par rapport à leurs capacités personnelles à réussir dans la vie.
Quand ils se projettent à 10 ans, 60% des adolescents se déclarent confiants par rapport à leur vie future. 8% sont même très confiants.
10- Surprise : les filières de réussite ne sont pas forcément celles que l’on croit…
Une révélation dans cette enquête : adultes comme adolescents font plus confiance aux filières professionnelles et techniques qu’aux filières générales pour mener à la réussite.
Ils attribuent aux élèves qui suivent ces filières professionnelles et techniques un meilleur pronostic de réussite. A noter que les élèves appartenant à ces filières générales notent mieux les cursus professionnels que les leurs. On identifie aussi ici clairement que l’absence de diplôme est vécue par les adolescents et par les adultes comme un handicap pour la réussite.
Fiche technique :
Rappel de la méthodologie
842 adolescents de 15 à 18 ans interrogés par Internet constituant un échantillon national représentatif, selon la méthode des quotas de sexe, âge, région, catégorie d’agglomération et niveau de diplôme.
813 adultes de 25 ans et plus interrogés par Internet constituant un échantillon national représentatif selon la méthode des quotas d’âge, région, catégorie d’agglomération et profession du chef de famille.
Les interviews ont été réalisées du 20 au 27 mars 2009.