Biens durables et services : les pistes du succès
Comment prévoir le futur dans les biens durables et services ? Réponse d’Olivier Lagrand, Directeur du département Ipsos Vantis et Quantitative Industry & Services division (France).
Qu’est-ce qui fait de la prévision des ventes des biens durables et des services un exercice particulièrement délicat ?
Olivier Lagrand : Les solutions que nous mettons en place doivent s’adapter à des configurations très diverses, y compris sur chaque élément habituel du mix-produit. Il est ainsi évident que faire du forecasting dans l’automobile ou dans les services financiers nous entraîne dans un domaine qui a peu à voir avec celui de l’agroalimentaire par exemple. Les produits sur lesquels nous travaillons sont donc de natures très différentes, souvent complexes et techniques. Il est donc nécessaire de faire preuve d’une pédagogie bien dosée pour que le consommateur perçoive les bénéfices et la valeur de l’innovation qui lui est présentée. Outre le produit lui-même, les canaux de distribution ou les niveaux de prix que nous testons sont tout aussi variés. Voilà autant de raisons qui font que nous allons avoir globalement des approches plus flexibles que dans la grande consommation. Nous devons mesurer la performance de l’innovation sur des cibles et multiplier la lecture d’indicateurs prédictifs du court mais aussi du moyen terme lorsqu’il s’agit d’appréhender les chances de succès d’un nouveau concept. Une recommandation basée, par exemple, exclusivement sur l’intention d’achat aurait abouti à mettre au rebut bon nombre d’innovations.
L’urgence se fait-elle moins sentir dans le process d’innovation des biens durables ?
O. L. : Les projets qui nous occupent sont bien au contraire toujours très urgents ! Je pense que c’est la spécificité des tests d’innovation, quel que soit le secteur. Nous devons nous montrer extrêmement réactif parce qu’anticiper, c’est se donner la marge de temps nécessaire, en cas de décision de lancement, pour enclencher tout le processus qui doit suivre derrière. Nous nous situons dans des dimensions à la fois stratégique et tactique. Du stratégique en terme d’enjeu et une plongée immédiate dans l’action.
Qu’est-ce qui fait qu’un succès est prévisible ?
O. L. : Prévoir le succès d’un bien durable ou d’un service à un horizon plus lointain, c’est tenter de comprendre avec le maximum de précision quel serait le cheminement de cette innovation si on la retrouvait sur le marché. Il est alors nécessaire de pouvoir identifier tous les signaux, même faibles, renvoyés par cette innovation auprès de la cible choisie pour déterminer son potentiel et la manière de l’accompagner pour le développer. Cela étant, le fait de découvrir et de comprendre une nouvelle technologie peut en soi nécessiter beaucoup de temps. Prenez l’exemple des écrans plats LCD. Il aura fallu des années pour qu’ils se démocratisent et remplacent finalement les tubes cathodiques. Je pense aussi à Nespresso qui a été mis sur le marché à la fin des années 1980 et qui n’a fini par s’installer et par s’imposer qu’après un long travail de diffusion et d’éducation. Il faut laisser le temps au marché de percevoir les bénéfices d’une innovation, qu’elle se diffuse, se recommande, même si tout cela a tendance à beaucoup s’accélérer avec Internet.
Qu’est-ce que le digital change justement le plus pour vous ?
O. L. : Une des dimensions qui s’impose aujourd’hui, tient au fait que le consommateur est quasiment en situation de sur-information et de sur-éducation, sur des sources aussi différentes que des sites d’annonceurs ou de review. Il va donc falloir refléter ce niveau d’information. Ce qui veut dire aussi adapter nos questionnaires, en intégrant des questions propres aux cibles pertinentes et aux univers concernés. Il est aujourd’hui difficile pour les marques de contrôler le bruit digital et il est peut-être encore plus difficile pour le consommateur de digérer une information quasi infinie et souvent partiale. D’un point de vue étude, on se heurte à une équation complexe à plusieurs inconnues. Tout d’abord, il s’agit d’anticiper l’accueil du produit sur la Toile : comment le lancement va-t-il être repris sur Internet ? Dans quelle mesure le buzz va-t-il faire caisse de résonance et dans quelle direction ? Nous intégrons aujourd’hui de plus en plus fréquemment des indicateurs prédictifs de la capacité d’un produit à générer du buzz, ce qui améliore la qualité de nos prévisions. Ensuite, il faut être en mesure d’anticiper l’univers concurrentiel : avec quels produits l’offre testée va-t-elle se trouver réellement comparée ? Les approches Vantis intègrent l’univers concurrentiel lorsque cela est pertinent, mais sa définition est plus complexe qu’auparavant. Enfin, il devient de plus en plus compliqué de maîtriser l’impact des investissements marketings de sa marque et – plus encore – de ses concurrents : que vaut 1€ investi sur le web par rapport à un média traditionnel ? Combien d’unités mon concurrent a-t-il vendu ? Ce défi est avant tout pour nos clients, mais une société comme Ipsos, par ses différentes expertises, peut les aider à y voir plus clair.