Écologie mode d’emploi

Comment appréhender et intégrer aujourd’hui dans sa stratégie marketing la problématique écologique ? C’est la question à laquelle tente de répondre le tout nouvel Observatoire Ipsos du Marketing Écologique, comme nous l’explique Bruno Bourdon, Directeur Général Ipsos Marketing QUALI.

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  • Valérie-Anne Paglia Senior Client Officer auprès des comptes Luxe
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Vous venez de lancer une grande étude quali sur le thème du marketing écologique. En quoi consiste-t-elle ?

Bruno bourdon : Nous initions cette année l’Observatoire Ipsos du Marketing Écologique. Il s’agit d’une étude en multi-souscriptions dont les premiers résultats seront présentés en septembre prochain. Nous voulons saisir le plus finement possible la manière dont les consommateurs perçoivent la masse d’informations à caractère écologique qui leur parvient et ceci afin d’identifier les messages, les actions et les positions qui sont jugés les plus crédibles. Nous nous situons sur le plan de la perception, dans une optique qui induit une approche qualitative. Notre objectif est d’analyser les stratégies les plus efficaces et d’identifier clairement ce qui retient l’attention des consommateurs, ce qui est crédible, pertinent ou, au contraire, ce qui fonctionne mal, voire pas du tout. Je précise qu’il s’agit d’une étude syndiquée dans laquelle nous donnons au client la possibilité d’adjoindre des modules confidentiels ayant trait plus spécifiquement à leurs marques, leurs produits ou leurs communications.

Est-ce si compliqué pour les annonceurs de parler d’écologie ?

B. B. : Aucun grand annonceur ne peut faire l’impasse sur la question écologique. Il faut aujourd’hui être capable de promouvoir des offres qui intègrent cette composante. C’est un passage obligé et pourtant, dès que l’on y regarde de plus près, on se rend compte que la plus grande confusion règne. Dans un contexte de profusion d’informations, quelles sont celles qui arrivent à émerger et à être crédibles ? Et comment y parviennent-elles ?

Pourtant une chose sur laquelle consommateurs et annonceurs tombent d'accord aujourd’hui, c’est bien sur l'écologie, non?

B. B. : En fait, ce qui est intéressant, c’est que spontanément, oui, l’écologie relève du consensus. Cela n’a aucun sens aujourd’hui de dire, je suis contre l’écologie. Mais quand on y regarde de plus près, on voit que la question relève plutôt du rendez-vous inévitable et malaisé. Annonceurs et consommateurs devraient se retrouver sur ce terrain et pourtant, cela relève souvent du malentendu. Demandez-vous, par exemple, ce qui fait qu’une maison sera perçue comme écologique ? Eh bien, nous observons que LE critère qui capte en spontané l’attention des consommateurs et auquel les annonceurs ont tendance à se raccrocher, c’est celui des économies d’énergie. Or, cet axe est non seulement peu différenciant mais aussi pas toujours très crédible. Il y a d’autres axes pour parler d’écologie, mais moins préemptés car plus difficiles à aborder : le bénéfice pour l’environnement, pour la santé, pour le bien-être, etc.

Que dois-je faire en tant qu'annonceur ?

B. B. : Il n’y a pas de solution toute faite. Ce que nous relevons, c’est la complexité de ce rendez-vous. Les consommateurs attendent des entreprises des réponses relativement élaborées. Certes, ils veulent qu’on leur parle de coût et d’impact financier, mais ils attendent aussi les preuves d’un engagement crédible, légitime et durable en faveur de l’écologie. On ne veut pas de greenwashing, d’effet de manche. C’est donc plus un ensemble de messages que l’annonceur doit être capable d’articuler de façon convaincante. Il doit tout à la fois crédibiliser son discours, montrer qu’il n’est pas juste opportuniste, sans pour autant oublier la question financière qui détermine bien souvent l’achat.

Pourriez-vous nous fournir un exemple d’une communication réussie ?

B. B. : Celui du constructeur coréen Kia qui a vendu son minivan Sedona en Grande-Bretagne en offrant un vélo pour l’achat de la voiture. Une manière d’inciter le consommateur à réfléchir au moyen de transport approprié selon la longueur du trajet, avec ce slogan : « think before you drive ». C’est une communication responsable, très intelligemment menée. Qui plus est, on a là un exemple d’utilisation du thème écologique sans forcément mobiliser de l’info scientifique mais en privilégiant plutôt une pratique citoyenne. C’est du reste parce que le champ que recouvre l’écologie n’est pas clair que l’on a souvent besoin de le consolider avec des arguments scientifiques ou pseudo scientifiques.

Le thème écologique est-il plutôt anxiogène ou positif ?

B. B. : Clairement, c’est un thème positif. C’est une aspiration forte et durablement installée des consommateurs à de nouveaux comportements. Maintenant, je ne suis pas certain que la manière dont les entreprises répondent à cette attente aujourd’hui soit toujours perçue avec beaucoup de bienveillance. On constate, par exemple, qu’à mesure que l’intérêt pour l’écologie augmente, l’image verte des entreprises diminue.

Le consommateur se méfie ?

B. B. : Il soupçonne les annonceurs de vouloir surfer sur la vague. Il y a une autre source de doute, très différente, qui s’exprime dans la remise en question des bienfaits de l’écologie. L’année 2009 a été curieuse en ce sens. C’est l’année de toutes les angoisses écologiques et en même temps, l’année où l’opinion publique a commencé à être relativement sceptique.

L’année 2010 sera-t-elle donc l’année du « je m’enfoutisme écologique » ?

B. B. : Non. L’intérêt pour des nouveaux modes de consommation et pour des comportements plus écologiques est durablement installé. En revanche, ce qui est beaucoup plus complexe et plus difficile à vivre, c’est la manière dont sont accueillis ces messages à caractère écologique. Á travers des affaires comme celle de la grippe A, du nuage de cendres ou des inondations en Vendée, on constate que l’on est à un moment où les arguments scientifiques sont sujets eux-mêmes au scepticisme. Les experts disent-ils vrais ? Ne sont-ils pas manipulés ? On se situe à un moment où les consommateurs sont extrêmement paradoxaux parce qu’ils ont besoin de preuves, d’engagements, de vérifier ce qu’on leur dit, et en même temps, ils sont de plus en plus critiques et sceptiques vis-à-vis des arguments scientifiques qu’ont peut leur servir.

Auteur(s)
  • Valérie-Anne Paglia Senior Client Officer auprès des comptes Luxe

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