Extensions de gamme : comment s'assurer de volumes additionnels ?

Sur le chemin pavé de bonnes intentions de l’extension de gamme/marque, les pièges sont nombreux. Gare aux effets collatéraux ! Quels sont les éléments à prendre en compte pour augmenter ses chances de réussite et s’assurer une bonne rentabilité ?Les Conseils et solutions d’Amaury de Beaumont, Directeur Innovation et Prévisions des ventes du département CPG (Consumer-Packaged-Goods), Ipsos Marketing.

Faire ses gammes

La difficulté à innover et à faire émerger l'innovation oriente régulièrement celle-ci vers plus d'extension de gamme que d'innovation pure. Générer du volume additionnel fort et rentable s’avère toujours difficile. Pourquoi ? Parce qu’il est tentant de capitaliser sur tout ce que peuvent apporter des marques/gammes déjà existantes en termes de notoriété, de parts de linéaire, de facilité de négo, de clientèle déjà convaincue, etc. Une extension de gamme est dès lors souvent considérée comme synonyme de succès assuré à court terme. Or l’expérience montre que c'est loin d’être toujours le cas tant ces extensions restent subordonnées à une analyse de situation trop fréquemment délaissée.

 

La rentabilité en juge de paix

Les ressorts d’une extension de gamme sont multiples. Il peut d’abord s’agir, bien sûr, de mettre en œuvre une « vraie » nouvelle idée. Toutefois, derrière ce souci d’innover se dessine souvent le besoin de créer de l'animation autour de la marque avec de la communication ou de la promotion. C’est en outre l’occasion de montrer du dynamisme aux distributeurs et de protéger sa part de linéaire. Autant de bonnes raisons qui se trouvent parfois déconnectées de la rentabilité. Or c’est d’elle justement que dépendra la réussite du lancement et le maintien sur le marché du nouveau produit. De nombreuses extensions de gamme ne parviendront que difficilement à générer des volumes supplémentaires, soit parce que leurs ventes seront faibles, soit parce qu’elles se révèleront être très ou trop cannibalisantes. Pis, bien souvent la situation est amenée à se dégrader instantanément lorsqu'en seconde année de lancement les budgets média diminuent voire disparaissent !

 

Marque mère : dégâts collatéraux

De fait, en matière d’extension de gamme/marque, la distribution se montre généralement trop optimiste. Il faut en effet avoir à l’esprit que les extensions s’imposent rarement à la place espérée et que quand elles le font, c’est trop fréquemment en faisant de l’ombre à la marque mère. Non seulement l’investissement de soutien est souvent fait au détriment de la mère qui peut alors être fragilisée, mais on constate un déréférencement quasi systématique de variétés plus faibles qui s’avèrent parfois être des niches extrêmement rentables ! De même, l’émergence en linéaire se fait assez difficilement ; rien  ne ressemblant plus à la marque mère que son extension. En outre, les premiers essayeurs étant toujours les acheteurs de la marque mère, le ralentissement des rotations de celle-ci exerce un réel préjudice. Autant d’impacts négatifs qui illustrent la difficulté d’affirmer sa différence en se reposant sur l’equity de la marque mère.

 

La bonne information

Tous ces éléments expliquent à quel point l’exercice de l’extension de gamme/marque peut être difficile. La bonne décision dépend en grande partie de la bonne information. Quelques conseils pour réussir dans cet exercice. Primo, avoir un pipe d’innovation intégré dans un processus d’innovation rigoureux, pour réduire les risques et raccourcir les délais. Cela doit s’accompagner de mesures prédictives au regard de la concurrence, de benchmarks « choisis » et de cibles interrogées en phase avec les objectifs attendus. Deuxième réflexe : se fixer des actions standards que l’on respecte. On n’innove pas par principe mais pour faire croître sa base d’acheteurs, augmenter la fidélité, recruter à la catégorie, etc. Troisième impératif : mesurer les performances en tenant compte de l’environnement (taille de marché, tendances, nombre de marques et de références, pdm de la marque mère). En quatre, savoir interpréter les déclarations des consommateurs (en particulier lorsqu’il s’agit de comprendre la source des volumes). Cinquième commandement : tester spécifiquement en mesurant la performance en termes d’attrait mais aussi en termes d’intégration dans la gamme. Sixième point : limiter le nombre d’extensions pour mieux les soutenir, plus longtemps sans nécessairement « déshabiller » la marque mère. Enfin ultime recommandation : mettre en perspective les résultats de l’extension de gamme avec les budgets et l’énergie déployés. En définitive, des évidences trop souvent sacrifiées au profit d’une course à l’innovation effrénée.

 

Les réponses d’Ipsos

Il faut avoir à l’esprit que les innovations et a fortiori les extensions, tirent la plupart de leurs volumes au détriment d’autre marques ou références de leur catégorie. Elles ne font ainsi pas véritablement croître le marché et ne recrutent que très rarement de nouveaux acheteurs. Ce décalage entre l’attente et la réalité du rayon résulte souvent du fait que le mode de mesure de la performance a été par trop réducteur, en n’utilisant que de simples questions de substitution ou bien en faisant une analyse d’optimisation de gamme, mais sans notion de volume. Le degré d’information s’avérant alors trop partiel pour prendre les bonnes décisions.

Pour bien répondre à cette question cruciale et omniprésente pour nos clients, chez Ipsos nous procédons en quatre étapes qui intègrent prévision et optimisation. Nous intégrons dès le départ, un module de prévision de potentiel (Designor Next Gen) simple et léger, basé sur des mesures prédictives de pertinence, d’originalité et de cherté comparées à la marque achetée le plus souvent par les consommateurs, en tenant compte de l’environnement concurrentiel. Cela nous permet de délivrer les volumes de la première année. Dans un second temps, nous poussons la compréhension de la tendance des ventes de la marque mère, en nous livrant à une projection tenant compte de l’éventuel changement de soutien et de perte de facing pour lancer l’extension. Troisième axe d’étude : nous mesurons la source des volumes (de manière moins traditionnelle) en interrogeant acheteurs et non acheteurs de la catégorie pour comprendre si et comment les occasions d’usage changent grâce à la nouvelle offre et, in fine, d’observer si les consommateurs déclarent substituer ou non ce produit à un autre. Quatrième étape, nous mixons les traditionnelles questions de sources de volumes à une analyse d’optimisation de gamme (Line Evolution). Le but est de déterminer la gamme la plus attractive en tenant compte des occasions d’usage et d’identifier ainsi des volumes incrémentaux insoupçonnés. Pour finir, toutes ces informations sont combinées pour générer le volume incrémental en année 1. L’objectif est de permettre une prise de décision fiable et documentée permettant d’étendre sa gamme en toute confiance quel que soit le contexte de ce que l’on teste, tant de l’innovation micro (une nouvelle recette dans la gamme) que de l’innovation macro destinée à faire grandir la catégorie.

 

Quelques règles d’or

Sur le chemin pavé de bonnes intentions de l’extension de gamme/marque, les écueils sont légions. Quelques règles de base permettent de les éviter. D’abord, être en mesure d’avoir des objectifs clairs et ne décider de se lancer que lorsque l’innovation répond à ces objectifs. Ensuite, ne pas se laisser aveugler par le besoin de créer l’actualité. Le coût à supporter en cas de résultats mitigés peut être élevé. Autre règle, lancer le cas échéant moins d’innovations mais le faire mieux, sans diluer les budgets de soutien outre mesure. Tenir compte également dans la décision comme dans tout le process d’innovation, des facteurs extérieurs cruciaux liés au marché, à la concurrence, à la tendance ou à la pdm de la marque mère. Un point important : la sur sollicitation des consommateurs rend leurs comportements plus complexes  à anticiper ; identifier l’incrémental d’une extension passe donc par des combinaisons de mesures de nature à comprendre et à anticiper le comportement du consommateur plutôt qu’à simplement l’écouter. Il s’agit ici de sortir de certaines mauvaises habitudes prises qui consistent à beaucoup questionner sans suffisamment chercher à interpréter les réponses des consommateurs par rapport à leur quotidien. Enfin, sachant que les consommateurs sont souvent à la recherche de variété, il faut être en mesure de générer des idées pertinentes et originales « vite et bien », il faut donc limiter au maximum le re-travail de concepts et le temps entre la génération des différentes versions et leur arrivée sur le marché…donc être prédictif le plus tôt possible dans la sélection des bonnes idées.

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