Festival de Cannes de la publicité : l’empreinte digitale

L’édition 2008 du festival s’est beaucoup intéressée à Internet et au digital dans la publicité. Le palmarès consacre la disparition des barrières entre les formats de films (TV, Web, mobile...) et illustre l’impact de ces évolutions, à travers notamment ce que l’on appelle la "cross-channelisation" des concepts créatifs. Analyse et commentaires de Benoit Tranzer, Directeur Général d’Ipsos ASI en France.

Auteur(s)
  • Hélène Delpont Directrice Générale, Ipsos Connect
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Que vous inspire la performance des agences françaises ?
Benoit Tranzer : « C’est un peu meilleur que l’an dernier mais cela reste en deçà d’autres pays (1). Nous accusons en France un déficit de créativité. »

Comment l’expliquez-vous ?
B.T. : « Le 360° a vraiment pris possession de Cannes cette année. Or la France enregistre un retard dans ce domaine. C’est une première explication. Il y a aussi des pays émergeants en matière publicitaire qui se placent dans des possibilités créatives plus ouvertes parce que les annonceurs sont plus ouverts. »

« Le 360° a pris possession de Cannes »

N’est-ce pas aussi tout simplement le jeu des modes ?
B.T. : Ce n’est pas une affaire de tendance. Ce sont des effets de marché. La question n’est pas que nos publicitaires hexagonaux soient moins talentueux en termes de création. Nous avons toujours eu des générations de créatifs doués et il n’y en a pas moins que par le passé. En revanche, les publicitaires sont sous l’éteignoir avec toute une série de segments en faible croissance, des marques à la lutte qui parent au plus pressé, une pression très forte que les financiers exercent sur les marketeurs en termes de ROI… C’est tout cela qui fait que les publicitaires subissent. Et puis, il y a notre retard à l’heure de la communication à 360°. Nous avons mené une étude il y a deux ans auprès des annonceurs européens (http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/1992.asp). Nous posions la question de savoir quels étaient selon eux, les freins au développement du 360°. Il y en avait un que l’on ne retrouvait nulle part ailleurs en Europe, c’était la résistance au changement des principaux décisionnaires. Et ce que nous repérions alors se matérialise clairement aujourd’hui.»

En quoi cela a-t-il un lien avec la qualité de la création ?
B.T. : Quand on parle du 360°, on évoque bien sûr tous les nouveaux points de contact. Parmi eux, il y a le digital. Et l’on sait qu’Internet en particulier est devenu un extraordinaire moteur de création. La créativité s’y exprime mieux, plus vite et plus fort que sur n’importe quel autre média traditionnel. Donc, plus on fait de création digitale, plus la créativité va se re-développer.

La résistance au changement dont vous parlez est-elle toujours si marquée ?
B.T. : Nous évoluons certes mais nous le faisons beaucoup plus lentement que les autres. Nous ne sommes pas devant le marché et lors de grands rendez-vous comme Cannes, ce qui est d’abord regardé, c’est la capacité d’innovation des uns et des autres.

Et vous situez la responsabilité de ce retard du côté des annonceurs ?
B.T. : Dans le camp des annonceurs, des publicitaires et des intermédiaires, les agences médias, etc... C’est l’ensemble des professions qui sont en cause. Y compris les instituts dans leur capacité à bien accompagner ou pas, les annonceurs et les publicitaires. Chacun doit balayer devant sa porte.

« Une logique transversale »

Les autres faits marquants de Cannes pour vous cette année ?
B.T. : C’est sans nul doute le partage du prix entre un film 100% TV (Gorilla) et une campagne très digitale pour Microsoft (2). C’est un signe très fort du jury qui montre qu’Internet a encore gagné en reconnaissance et en statut. L’un des autres points importants de ce Cannes 2008, concerne les limites même de ce type d’évènement dans son organisation média par média, silo par silo, alors que le 360° est une logique bien évidemment transversale. On a d’ailleurs retrouvé les mêmes idées, donc les mêmes annonceurs, dans plusieurs catégories parce qu’il s’agissait moins de campagnes mono média que de campagnes à 360°. On sent bien aujourd’hui les limites de l’approche. La profession réfléchit et s’organise autour de cela et ce n’est pas sans conséquence du reste dans la façon dont les agences de pub vont se développer dans les prochaines années.

Et sur le palmarès proprement dit, vos coups de cœur ?
B.T. : Gorilla et XBox Halo3 étaient parmi les grands favoris. La logique a été respectée. J’ai apprécié le film réalisé par Scorsese et l’agence BBDO New-York pour AT&T, lui aussi récompensé par un Lion d'or. Je retiens également le spot réalisé par l’agence australienne George Patterson Young & Rubicam pour la marque Schweppes et son « Schweppervescense » (3). C’est superbe, près du produit, très efficace. Je relève bien sûr le premier Lion d'or obtenu par la Chine dans la catégorie « Outdoor » grâce à l'agence TBWA/Shanghaï pour sa campagne Adidas sponsor des Jeux Olympiques. Mais de manière générale, le palmarès illustre le fait qu’une bonne publicité reste une histoire bien racontée, quel que soit le ou les médias concernés. Et cela reste vrai pour le 360°.

  1. 6 Lions remportés sur plus de 100 déscernés. Un Lion d'Argent pour « Brandt Colocation » (DDB Paris). DDB Paris qui obtient deux autres Bronze : GQ « L'homme idéal » et « Creation of the list » de Bouygues Telecom. La France décroche trois autres Bronze : « Adopt Sci Fi » (BETC Euro RSCG), « Rewind TV » pour Orange (Publicis Conseil) et « Expert VW Polo » (agence V).
  2. Le film "Gorilla" de Fallon London pour Cadbury a décroché la Palme de la catégorie film. Les jurés ont décerné le grand prix ex aequo à la campagne intégrée Microsoft "XBox Halo3" de McCann SF & Tag. A voir sur http://blog.strategies.fr/creation2008/2008/06/cannes-gorilla.html
  3. http://www.cbnewsvideomail.fr/cbnews/ondemand/n116/movie.html
Auteur(s)
  • Hélène Delpont Directrice Générale, Ipsos Connect

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