Kids' attitudes 2005 : l'observatoire des 6-14 ans
Pour la 14ème édition des forums d'Ipsos, Stéphane Truchi, directeur d'Ipsos France, Rémy Oudghiri d'Ipsos Observer, Louisa Taouk d'Ipsos Insight et Martine Ghnassia directrice de la communication d’Ipsos France ont présenté des extraits de Kids Attitude 2005, l'observatoire des 6-14 ans. En rupture avec les générations précédentes, élevés à l'internet et aux jeux vidéo, ces "préados" grandissent avec les valeurs véhiculées par les nouvelles technologies, - partage, échange, instantanéité, gratuité. Annonceurs et grandes marques ne tardez à adapter votre discours pour toucher cette cible un peu particulière !
Première génération née avec internet, les 6-14 ans sont aujourd'hui largement influencés par les valeurs véhiculées par les nouvelles technologies : gratuité, de l'information, de la musique ou de l'image, absence d'intermédiaires propre au media internet, rapidité, dématérialisation des relations interpersonnelles. Emergent de nouvelles façons d'être ensemble, qui échappent au contrôle direct des parents : essor du peer to peer, de la messagerie instantanée, des forums et des blogs personnels. Aujourd'hui parmi les 6-8 ans, un enfant sur quatre a la télé dans sa chambre. Vers 13-14 ans, un enfant sur deux a également une console de jeu, un lecteur de CD, et un sur quatre un ordinateur.
De tous les équipements "nouvelles technologies", ce sont les consoles de jeu que l'on retrouve le plus souvent dans le quotidien des enfants. Dès 8 ans, 80% d'entre eux y jouent. Mais près de 30% des 6-8 ans utilisent déjà aussi internet, une proportion qui atteint 80% chez les 13-14 ans.
Kids' attitudes : Ipsos mène l'enquête
Cette nouvelle donne a conduit Ipsos à scruter de près les enfants du 21ème siècle. L'investigation porte sur plus de 2000 foyers - 2203 enfants et leurs mères, ont été interrogés, sur 200 questions. Cette vaste enquête fait apparaître les changements de personnalité, de vie familiale, l'évolution des valeurs parentales, l'émergence de nouveaux modèles, les modifications de comportements et attitudes en matière alimentaire, d'hygiène, de beauté, de santé, de loisirs, sur les questions de voyages, de technologie… Les 200 marques étudiées sur cette cible renseignent également sur les réseaux de distribution fréquentés par les kids et leur maman, les critères de choix des produits, la fidélité aux marques, l'utilisation des médias, l'impact de la publicité. En plus de cet observatoire "quantitatif", un focus "quali" a également permis d'appréhender le rapport des enfants à l'autorité, de mettre en évidence une nouvelle vision de la société et du monde politique, de connaître les héros et modèles, la relation à la mode ou le rapport aux marques.
Extraits de l'étude, les quelques résultats présentés aujourd'hui donnent un aperçu de la richesse des données ainsi recueillies.
Crise de l'autorité ? les mères partagées et les enfants en demande d'une autorité qui les coache.
Internet, MSN Messenger, jeux vidéo… ce "cyber-contexte" conduit certains observateurs à pointer du doigt la crise d'autorité qui en résulterait. Une part du malaise social actuel viendrait de cette incapacité des instances traditionnelles de l'autorité (parents, professeurs, institutions publiques) à faire face à ces "nouveaux enfants". La progression de l'obésité, constatée de plus en plus tôt (18% des 6-8 ans en sont victimes) en serait même un des symptômes.
Les enfants ont-ils effectivement trop d'influence dans les décisions du foyer ? Cette question divise les mères en 3 catégories, d'égale importance : celles qui sont d'accord, celles qui ne le sont pas, et celles qui y voient un peu des 2. Si l'éducation a évolué (les mamans qui donnent à leur enfant la même éducation qu'elles ont reçue sont largement minoritaire), la fermeté, à condition qu'elle s'accompagne de pédagogie et de communication, est plébiscitée. Et cette fermeté est non seulement bien accueillie, mais presque encouragée. Les enfants d'aujourd'hui ont les moyens d'êtres rebelles, mais ne le sont pas, "par intérêt". La raison l'emporte, et l'autorité est assignée d'une mission : les "coacher" dans la vie. Ainsi, l'obéissance se porte bien. La plupart des enfants reconnaissent "obéir à leurs parents", "demander avant de faire quelque chose", voire "tout raconter". La reconnaissance de l'autorité parentale ne s'estompe d'ailleurs pas avec l'âge, au contraire.
Evoluant dans un milieu mouvant et relativement instable, les 6-14 ans ne constituent pour autant pas un ensemble homogène. Sur la base des nombreuses questions posées, Ipsos a élaboré une typologie descriptive, plaçant les enfants selon deux axes, "imaginaire/réaliste" d'une part, et "plus ou moins influencé par la pub" d'autre part. De ce classement émergent 7 catégories, des "Lollipops" aux "Intellos Cool" en passant par les "Loustics", les "Sportoons", les "Ballerines", les "Demonmasters", les "Fashionista" (cf. diaporama). Si cette typologie peut paraître abstraite, aux parents par exemple, les grandes marques ont depuis quelques temps déjà intégré les spécifications de ces sous-populations dans leurs stratégies de communication. L'inventaire de leurs actions en direction des kids prouve en tout cas que la cible est étudiée de près.
Les enfant et les marques : montée du discours rationnel
Lorsque l'on aborde l'univers marketing, le discours des enfants se veut raisonnable, et pragmatique. "De la marque", bien sûr, mais pour la qualité, la durabilité, le maintien. Déni de la dépense ostentatoire, le désir pour la marque se doit de s'appuyer sur des alibis rationnels. Il n'empêche, et l'exemple du textile le montre, la marque représente également un puissant vecteur d'intégration sociale, voire une nécessité pour éviter l'exclusion : "j'aime pas la marque mais j'en mets pour ne pas me faire charrier", "sans marque t'es un clochard".
Les stratégies mises en places par le marketing montrent que les grandes marques ont déjà intégré les spécificités de la nouvelle génération. Cinq types de discours pour parler aux 6-14 ans :
Market'acteur :
Tout aujourd'hui conditionne les enfants à avoir la main : refus d'être assimilé à un "petit" enfant, sentiment de maîtriser le monde via les jeux virtuels… A cela se superpose le refus d'être mis sous pression (compétition, challenge). La réponse des marques consiste à rendre les enfants acteurs de la relation, partie prenante de la vie de la marque, par le jeu. Via leur site internet, Fanta au Danemark leur permet d'écrire les voix off des films publicitaires en pastichant des standards du cinéma ; le site US Coke Music leur permet via un système de points collectés sur les produits de créer leur studio virtuel et leurs mix ; Nike propose de façon ludique sur Nike ID.com de customiser en ligne sa paire de baskets.
Marketing de la "frustration"
Le principe est de recréer du fantasme pour la marque en réinstallant de la frustration et de l'attente. Dans une société d'immédiateté et d'hyper choix, le désir pour la marque tend en effet à s'émousser ; "refaisons les rêver" nous disent les pédopsychiatres, en leur donnant des repères. Les exemple de campagne de ce type sont nombreux : lancement de la Play Station Portable de Sony annoncée 4 mois avant son arrivée sur un site teasing, communication des sorties prochaines de nouveaux titres de jeux vidéo, etc.
Génération test
Alors qu'hier, la marque n'adressait aux enfants qu'un discours imaginaire et ludique pour activer leur désir, nos kids, en recherchant de la complicité avec leurs parents, intègrent dans leur choix des dimensions matérielles, voire consuméristes sur lesquelles certaines marques jouent de façon habile. Sur le principe "les enfants ne croient que ce qu'ils testent et expérimentent", le but est de créer du lien avec la marque, en favorisant l'expérience directe avec le produit. Exemple : les camions test de Nike dans des lieux de sport, les Surf camps de QuickSilver, où l'on essaye les planches de surf en station. Cette tendance est à rapprocher du succès des sites internet de test, forums d'échanges d'informations et sites consuméristes (38% des filles de 11-12 ans se rendent sur les forums de discussion pour échanger des informations sur les produits).
Family Teen
Paradoxalement, retrouver ses parents autour de moments complices fait partie des désirs des pré-ados. Se rejoignent ici l'envie de souder le lien familial pour l'enfant et une certaine tentation régressive des parents. En revisitant la culture des parents, le marketing cherche à créer des terrains de connivence parent-enfant. Selon cette stratégie, on assiste au retour des "grands classiques" : succès de l'expo Gaston Lagaffe à la Villette ; 62% des garçons de 11-14 ans citent Astérix comme leur héros préféré. Cf. aussi le succès d'audience du "pensionnat de Chavagnes" (70,3% de part d'audience auprès des 11-14 ans), fondé sur la découverte par les jeunes du "passé" de leurs parents, ou le succès familial du dernier épisode de Star Wars, 3 millions d'entrées la première semaine, et plus globalement celui de la quadrilogie DVD (1er film en 1976).
L'achat rebelle
Habitués à négocier avec leurs parents dès le plus jeune âge, ayant intégré la philosophie d'échanges du peer to peer dans la vie quotidienne, formés au gratuit sur internet, les préado entretiennent un nouveau rapport à la propriété du type collective ("pourquoi payer pour obtenir"), et un nouveau rapport au prix ("ça se discute"). Le marketing répond en proposant de réinventer l'achat, par de nouvelles façons d'acquérir un bien, fondées sur les modèles d'économie collective, comme le troc, les enchères, la vente d'occasion. Cf. le succès des formes alternatives d'acquisitions de biens : site d'enchères e-bay, les réseaux de jeux vidéo d'occasion score games ou micromania, voire McDonald, qui propose sur son site de gagner des lots (rubrique "Deal d'enfer").
Bien entend, cette liste n'est pas exhaustive, et encore moins complète. Pour qui s'y intéresse, la communication envers les enfants est en permanence à réinventer. La cible est mouvante, et comme son environnement, en mutation perpétuelle. A ce titre, l'état des lieux dressé par Kids Attitude 2005 est un outil précieux pour qui cherche à l'appréhender.