Kosovo : l’opinion occidentale adhère de plus en plus aux frappes de l’OTAN

La troisième enquête Ipsos-Journal du Dimanche révèle un appui croissant à l’intervention militaire en Yougoslavie, sur fond d’inquiétude pour l’avenir. Les Américains soutiennent également de plus en plus les frappes aériennes.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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L’intervention militaire de l’OTAN en Yougoslavie est désormais très largement appuyée par les opinions publiques occidentales. En France comme aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne comme en Allemagne, la " guerre humanitaire " menée contre le régime de Belgrade est soutenue à tel point que nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux une intervention terrestre au Kosovo comme prolongement logique des opérations en cours.

En France, d’une enquête à l’autre, le soutien aux raids de l’Alliance atlantique est de plus en plus affirmé. La troisième vague du baromètre Ipsos-Journal du Dimanche fait état d’une augmentation de neuf points en une seule semaine du pourcentage de ceux qui approuvent cette intervention militaire. Après les explications télévisées convergentes de Jacques Chirac et de Lionel Jospin, près des trois-quarts des Français se disent désormais en accord avec " Force alliée ". Les sympathisants RPR sont les plus enthousiastes mais le trouble gagne jusqu’aux rangs des proches du PCF qui ne semblent pas adhérer à la ligne critique de la direction de leur parti à l’égard de cette guerre.

Comme souvent lorsqu’il s’agit de conflit armé, les hommes (79%) y sont sensiblement plus favorables que les femmes (65%). On observe aussi que le soutien à l’intervention est plus répandu chez les moins de 35 ans (76%) que chez les plus âgés (69%). Il culmine également dans les tranches de revenu les plus élevées (82%) par rapport aux plus modestes (67%).

La participation de la France à ce conflit est approuvée dans des proportions analogues. La majorité se réduit quelque peu – mais elle demeure absolue – lorsque est évoquée le caractère " indispensable " d’une intervention terrestre des forces de l’OTAN au Kosovo pour régler le conflit. Seuls les sympathisants du Front national répondent massivement positivement à cette question qui suscite une certaine gêne au RPR, à l’UDF et au PS tandis que l’électorat communiste réagit négativement.

Une certaine perplexité est également perceptible en ce qui concerne l’issue de la bataille. Si près d’une personne interrogée sur deux estime que l’intervention de l’OTAN " est en train de réussir ", 29% pensent le contraire et le reste s’interroge. L’inquiétude de l’opinion française est patente. Une courte majorité de sondés avoue même qu’elle craint que le conflit des Balkans ne " provoque une extension de la guerre en Europe ".Un autre sondage réalisé en France par l’IFOP pour " Ouest France " (1) donne des résultats convergents avec 63% (en augmentation de huit points par rapport à la semaine précédente) de personnes interrogées soutenant une éventuelle intervention terrestre.

Trois enquêtes réalisées aux Etats-Unis, également à la fin de la dernière semaine, mettent en évidence la ferveur militaire du peuple américain. Un sondage publié par " Newsweek " et effectué par Princeton Survey Research (2) établit que 87% des sondés estiment qu’assurer le retour des Kosovars dans leurs foyers devrait être désormais le but de la politique américaine. Une majorité absolue (58%) soutient une intervention terrestre qui aurait pour objectif de forcer Slobodan Milosevic à se soumettre à un plan de paix au Kosovo. Les Américains n’en paraissent pas moins partagés, selon la même enquête, sur la tournure des événements. Une majorité pense même que ce sont les Yougoslaves qui sont en train de gagner la bataille…

Le sondage USA Today-CNN-Gallup révèle un soutien croissant des Américains à l’action de l’OTAN depuis mars. La manière dont le président Bill Clinton gère cet épineux problème est majoritairement approuvée (58%). Pour la première fois, dans ce type d’enquêtes, les partisans d’un envoi de troupes au sol sont aussi nombreux que leurs adversaires. Plus étonnant encore si l’on se rappelle les réactions isolationnistes de l’opinion américaine en début de crise, 46% des sondés disent dorénavant que, s’ils avaient un fils en âge de se battre, ils voudraient qu’il aille au combat au Kosovo.

Un résultat plutôt contradictoire avec ce qui ressort de l’enquête ABC News-Washington Post où le soutien de l’opinion est apparemment conditionné par l’innocuité du conflit pour les Américains. Une majorité (52%) continue à penser que ramener la paix au Kosovo ne vaut pas la perte de vies américaines. Plus précisément, 63% refuseraient de poursuivre un tel but s’il devait être payé par le décès de cent soldats. Voilà qui relativise l’appui de 57% des mêmes sondés à une " intervention terrestre " en Yougoslavie pour " terminer le conflit ". Ils sont encore 61% à vouloir une bataille au sol pour " chasser Milosevic " du pouvoir et 72% pour mettre en place une " force de paix " dans les Balkans. En attendant, 67% des Américains approuvent les raids aériens sur la Yougoslavie.

Les Allemands sont plus prudents. Selon une enquête Forsa publiée le 7 avril, si 63% d’entre eux soutiennent les frappes aériennes, 75% sont opposés à l’envoi de troupes terrestres dans les Balkans. Les Italiens sont encore plus partagés avec un taux de soutien de seulement 45% d’après la dernière enquête Ipsos. Quant aux Russes, dont les sympathies vont plutôt au camp serbe, ils ne semblent pas spécialement va-t-en guerre. Une enquête de l’institut de sociologie Mnenie (3) nous apprend que 70% d’entre eux sont opposés à l’envoi de volontaires en Yougoslavie tandis que seulement 15% des Russes souhaitent s’ingérer dans le conflit des Balkans.

  1. 930 personnes interrogées les 8 et 9 avril.
  2. 751 personnes interrogées les 8 et 9 avril.
  3. 660 personnes interrogées du 2 au 4 avril.
Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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