La consommation européenne s’enfonce dans la déprime

Plus de deux ans après les événements du 11 septembre et alors que le souvenir du conflit Irakien s’éloigne, les Européens témoignent d’une réelle difficulté à « tourner la page » et envisager l’avenir économique avec un peu plus d’optimisme. Cette 22ième vague du baromètre dresse ainsi le portrait d’une Europe figée dans la défiance et l’expectative, retranchée dans des attitudes de prudence qui entraînent parfois une certaine frustration chez les consommateurs européens. Notons que l’Allemagne, la France et l’Italie sont tout particulièrement touchés par le phénomène tandis que les Espagnols et les Britanniques sont moins en retrait : vers une Europe à deux vitesses ?

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
Get in touch

Des indicateurs globaux au plus bas en Europe…

Reflet du moral, des comportements et des intentions de consommation des consommateurs, l’Indice Européen de la Consommation n’a cessé de chuter depuis le 11 septembre et atteint aujourd’hui son plus bas niveau depuis la création du baromètre (101, - 1 point). La situation est particulièrement critique en Allemagne (93, - 2 points), en Italie (94, - 2 points), et en France (101, - 3 points). Elle reste à des niveaux moins « exceptionnels » au Royaume-Uni (121, + 1 point) et en Espagne (101, + 1 point).

…avec notamment un net sentiment de baisse du pouvoir d’achat depuis l’année dernière

L’ensemble des indicateurs de consommation est au plus bas, que l’on s’attache à la confiance économique, aux envies de consommer, aux intentions de consommation ou encore au potentiel de consommation. Toutefois, les baisses les plus importantes depuis un an concernent le potentiel de consommation (indice 107, - 9 points depuis l’année dernière). Le sentiment d’une baisse de pouvoir d’achat concerne l’ensemble des pays Européens, à l’exception de l’Espagne (indice 122, stable depuis l’année dernière). Il est particulièrement marqué en Italie (indice 68, - 15 points depuis l’année dernière) et en France (indice 106, - 11 points depuis l’année dernière).

Aujourd’hui, 62 % des Européens (+1 point) ont ainsi le sentiment de ne pas avoir les moyens de consommer, taux le plus important depuis près de 4 ans. C’est le cas de 75% des Italiens (+ 1 point) et de 71% des Français (+ 1 point) tandis que la pression des prix semble moins forte en Grande-Bretagne (49%, + 2 points) et en Espagne (50%, + 1 point).

L’état de la confiance économique, reflet de situations très diverses en Europe

Le moral des consommateurs reste au plus bas : seulement 38% (+ 1 point) des européens se déclarent aujourd’hui confiants dans la situation économique de leur pays contre 58% (- 2 points) pessimistes. Par ailleurs, seulement 48% (stable) des européens se déclarent aujourd’hui confiants dans l’évolution de leur situation économique personnelle contre 48% (stable) pessimistes. Ce sombre tableau d’ensemble masque des situations bien différentes en Europe :

- L’Allemagne est de loin le pays le moins confiant dans l’évolution de sa situation économique et présentant la situation la plus critique depuis maintenant près de deux ans : aujourd’hui, 73% des Allemands se déclarent pessimistes sur ce point. La confiance personnelle est également « dans le rouge » par rapport aux indicateurs traditionnellement observés dans le pays puisque seulement 48% des Allemands sont confiants dans l’évolution de leur situation économique personnelle contre 49% plutôt pessimistes. Cette situation critique s’accompagne toutefois d’un léger sentiment de reprise par rapport à novembre dernier, les indicateurs de confiance étant tous légèrement à la hausse depuis novembre dernier (+ 3 points d’optimisme macro-économique, + 4 points d’optimisme micro-économique).

- La France et l’Italie présentent une situation assez comparable en terme de confiance : des indicateurs au plus bas, avec de surcroît une tendance qui demeure à la baisse, notamment en Italie. Respectivement 32% (-1 point) et 31% (- 4 points) seulement des Français et des Italiens sont aujourd’hui confiants dans l’évolution de la situation économique du pays. Par ailleurs, seulement 38% (-8 points) des Italiens et 36% (- 3 points) des Français sont aujourd’hui confiants dans l’évolution de leur propre situation économique.

- Les consommateurs Britanniques et Espagnols, enfin, vont à contre-courant de la tendance générale avec une vision majoritairement optimiste de l’évolution économique de leur pays et du niveau de revenu de leur propre foyer, doublée d’une tendance à la hausse, notamment en Espagne. Respectivement 51% (+2 points) et 58% (stable) des Espagnols et des Britanniques sont aujourd’hui confiants dans l’évolution de la situation économique du pays. Par ailleurs, 60% (+2 points) des Espagnols et 59% (+1 point) des Britanniques sont aujourd’hui confiants dans l’évolution de leur propre situation économique.

Des envies de dépenser qui ne permettent pas de présager d’une reprise de la consommation …

L’indicateur de consommation le plus prédictif du baromètre, l’envie de consommer, reste stable depuis novembre dernier (61% des consommateurs européens déclarent aujourd’hui avoir envie de consommer). Cette stabilité s’observe dans l’ensemble des pays de l’étude, sauf en Grande-Bretagne (56% ; + 2 points), où l’indicateur progresse.

….et mettent en valeur des écarts de plus en plus forts entre catégories de population

En Europe, les catégories les plus susceptibles de faire repartir la consommation sont aussi celles qui disposent du plus fort pouvoir d’achat : les hommes (60% ont envie de dépenser, +3 points), les 35-44 ans (66% , + 3 points), les cadres supérieurs (64%, + 4 points) et les foyers aux revenus supérieurs (62%, + 4 points). En revanche, les envies de dépenser n’ont jamais été aussi basses auprès des femmes (63%, - 1 point) et auprès des catégories les plus modestes (59%, - 1 point).

Le point sur la situation française : une frilosité inégalée depuis la création du baromètre

La France (indice global 101) occupe aujourd’hui une position médiane en Europe, nettement devancée par la Grande-Bretagne (indice 121) mais dans une situation qui reste encore plus confortable qu’en Allemagne ou en Italie (indices respectifs de 94 et 95). Phénomène nouveau, elle partage aujourd’hui cette position intermédiaire avec l’Espagne (101), qui, non contente de rattraper sa voisine, pourrait bien la dépasser au cours de la prochaine vague, ce pays présentant des indicateurs plutôt à la hausse. La France, à l’inverse, subit toujours de plein fouet la déprime économique (l’indice global a perdu 3 points depuis novembre).

La tendance à la baisse des perspectives de consommation française s’explique avant tout par un indice d’intention de consommation très en retrait (101 ; -5 points). Illustration marquante de ce phénomène, en cas d’augmentation de 10% de leurs revenus, 61% des Français
(+2 points) les consacreraient à mettre de l’argent de côté
: les Français n’ont jamais témoigné d’une aussi grande frilosité dans le passé.

Plus inquiétant encore, ces réflexes de prudence touchent avant tout les catégories intermédiaires en terme de revenus (58% mettraient cet argent de coté, + 5 points), les hommes (60%, + 4 points) et les plus de 45 ans (53%, + 3 points). Ce sont donc les catégories représentant le plus gros potentiel d’achat qui freinent, aujourd’hui, la reprise de consommation.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

Société