La guerre du dimanche n’aura pas lieu

« Êtes-vous favorable à ce que les magasins qui le souhaitent puissent ouvrir le dimanche ? » La question ne me semble plus d'actualité. Les Français y ont déjà répondu. Depuis longtemps et sans ambiguïté. Déjà en 1989, une étude Ipsos « donnait » 55% de nos concitoyens « favorables à ce qu’en France les magasins soient ouverts le dimanche toute la journée ». L'an dernier, toujours dans une étude Ipsos, 63% des Français se déclaraient « favorables à ce que les magasins qui le souhaitent puissent ouvrir le dimanche ». La tendance apparaît donc très nettement en faveur d’une libéralisation de la législation concernant le travail dominical pour le commerce. En un quart de siècle nous sommes passés d’1 français sur 2 à 3 français sur 5 en faveur de l’ouverture du dimanche.

L'opinion pour la libéralisation de la législation sur le travail dominical pour le commerce

Plusieurs éléments plaident pour une législation assouplie. À commencer par un besoin de simplification. Simplifier pour aligner certains secteurs d’activité (le bricolage) sur 180 autres comme le jardinage (depuis 1982) et l’ameublement (2008) qui bénéficient de décrets ministériels. N'est-il pas temps de mettre fin au mille-feuille juridique et réglementaire du statut du dimanche (41 périmètres d’usage de consommation exceptionnel accordés par les mairies, dérogation individuelle auprès de la préfecture, 5 dimanches « exceptionnels », etc...) ? Cette simplification favoriserait une concurrence saine. « Tous ouverts ou tous fermés mais tous égaux », comme le demande Jean-Claude Bourrelier, patron de Bricorama en Île-de-France, qui a déclenché les hostilités judiciaires dans le secteur.

Autre nécessité d'évoluer : un besoin de souplesse. La demande des consommateurs (sincère ou stimulée par le commerce électronique) va dans ce sens. Face à des pratiques d’achat qui évoluent très nettement sur les dernières années (hausse des achats en ligne pour les biens culturels, les vêtements, engouement pour le drive en grande consommation qui permet de mieux maitriser  son temps), les magasins n’ont plus beaucoup d’autres arguments que de tendre vers les 7 jours sur 7. Quand on interroge les consommateurs français sur les critères de choix lorsqu’ils réalisent leurs courses alimentaires en grandes surfaces (étude Ipsos 2013 pour Unilever), c’est ainsi bel et bien la proximité géographique (37%) qui fixe en premier le choix des shoppers sur l’enseigne visitée (en moyenne 13 à 28 minutes de trajet selon les enseignes). Et l’amplitude des horaires d’ouverture est l'une des attentes les plus fortes. Et fait nouveau, la demande des salariés, y compris contre l’avis des syndicats, s’affirme et se traduit par une mobilisation afin de pouvoir travailler le dimanche et ainsi continuer à percevoir des journées de salaire payées double. Ce mouvement est original, presque un rêve de patron ! Il rejoint en même temps une tendance sociétale, comme le montre une récente étude Ipsos pour le groupe Accor - Pullman. Quand les cadres français prennent leur vacances ou lors du wee-kend, ils sont désormais plus de 9 sur 10 à prendre leur téléphone professionnel.

Intégrer l'évolution des habitudes d'achat, de la structure et des usages familiaux

Les arguments en faveur d’un statu quo ou même d’un renforcement du caractère exceptionnel de l’ouverture le dimanche paraissent alors bien faibles voire rétrogrades. D'aucuns avancent qu'un jour de repos hebdomadaire commun permet de pratiquer une activité religieuse, de faire partie d’une communauté sportive (le match du dimanche), de conserver du temps libre et commun pour la famille, pour la culture... Mais la caissière de Leroy Merlin en Île-de-France, que nous avons entendue sur les ondes, est sans doute divorcée et n’a plus besoin de déjeuner chez sa belle-mère le dimanche. Elle élève seule ses enfants, a peur de la précarité et a en revanche absolument besoin des 400 à 600 euros mensuels supplémentaires que lui procurent ses dimanche travaillés. La loi du 13 juillet 1906 sur le repos dominical semble en réalité plus que jamais chancelante. Le mouvement va se poursuivre et l’ouverture le dimanche en France deviendra de plus en plus souvent la norme, à l’image de ce qui se passe au Japon, aux États-Unis ou en Italie.

Et plutôt que de poser une question dont la réponse est connue, nous devrions plutôt questionner les salariés et les consommateurs sur les limites d'une telle évolution et les moyens de l'accompagner.

Rédigé dimanche 6 octobre 2013

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