La sexualité "micro-ondes" des cadres : froid dehors et chaud dedans

Ceux qui en parlent le moins seraient-ils ceux qui en font le plus ? C'est en tous cas ce que laisse supposer le focus 'cadres' sur la vaste enquête Ipsos / Figaro Magazine sur la sexualité des Français. Les plus prompts à dénoncer la prolifération de la nudité et du sexe sur tous les supports médias et publicitaires semblent aussi les plus experts en matière de sexualité.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Le cadre supérieur serait-il le dernier garant de la morale publique ? On pourrait le penser, à voir les réticences affichées à l'égard de la mise en scène sociale de la sexualité. Minitel rose, (52% s'y déclarent défavorables), accès Internet à des sites pornographiques (47% d'avis défavorables), diffusion de films pornographiques à la télévision (41%), exposition de femmes nues (43%) ou d'hommes nus (38%) dans la publicité n'ont pas bonne presse. Si l'opposition n'est pas caricaturale, elle est tout du moins systématique. On constate, sur l'ensemble de ces indicateurs, un réel retrait par rapport aux autres catégories sociales.
Cette timidité n'est pourtant pas le prolongement d'un environnement familial particulièrement rétif. Le cadre a, dans la plupart des cas et bien plus souvent que d'autres, parlé en famille des sentiments amoureux (68%, contre 41% pour l'ensemble), de la façon de concevoir un enfant (54%, contre 39%), des moyens de contraception (50%, contre 33%), des maladies sexuellement transmissibles (44%, contre 34%), ou de la façon de faire l'amour (16%, contre 11%). Abstractions, précautions, techniques : l'univers de la sexualité, dans l'ensemble de ses dimensions, a été abordé tôt dans le cadre familial.
Pour autant, la véritable découverte de la sexualité s'est faite "sur le tas". Là où d'autres citent plus volontiers les discussions entre amis, la lecture de magazines ou l'éducation sexuelle à l'école pour expliquer leur découverte de la sexualité, le cadre opte plutôt pour l'intimité : interrogés sur ce qui a joué le plus grand rôle dans leur apprentissage de la sexualité, près de trois cadres sur quatre citent l'expérience et la pratique (72%, contre 47% pour l'ensemble).

Le rigorisme social des cadres confine pourtant à la tartufferie. Car les jugements, plutôt sévères à l'égard de la sexualité qui s'affiche au grand public, émanent de personnes pourtant familières à l'idée. Ils déclarent penser en moyenne trois fois par jour à quelque chose ayant à voir avec le sexe, ce qui en fait la catégorie sociale la plus perméable... ou la plus honnête. D'ailleurs, 38% d'entre eux trouveraient insupportables de ne pas faire l'amour pendant plusieurs mois (contre 23% pour l'ensemble).

Quelles sont les cibles de ces rêveries ? Plus d'un cadre sur cinq déclarent qu'il leur arrive d'éprouver du désir pour des ami(e)s, des proches ou des connaissances, soit une proportion deux fois plus importante que pour l'ensemble des personnes interrogées. En revanche, les personnes croisées par hasard ou les personnalités connues aiguisent moins leur appétit.
Le sexe dès la première rencontre (56%), l'infidélité (53%), le multipartenariat (40%), le sexe sans amour (32%), l'amour à plusieurs (21%) voire l'homosexualité (7%) sont des domaines sinon déjà visités, du moins potentiellement envisageables pour une bonne partie des cadres. On est loin de la sévérité affichée vis-à-vis du spectacle social de la sexualité.
Libertin dans l'âme sinon dans les actes, le cadre n'hésite pas à faire état de son degré d'expertise.

Le toucher (97%, contre 86% pour l'ensemble), la vue (47% contre 41%) sont les deux sens plébiscités lorsqu'il s'agit de faire l'amour. Le but, pour la majorité des cadres étant de satisfaire l'autre : surprendre son partenaire (66%), donner plus de plaisir (87%) sont en effet deux objectifs particulièrement marqués chez eux. La satisfaction de ces objectifs passe d'abord par la parole : la moitié d'entre eux demande à son partenaire ce qu'il souhaite (contre 35% pour l'ensemble). L'intellectualisation de l'acte rejoint donc un appétit non dissimulé du challenge.
L'expérience déclarée des différentes positions sexuelles s'avère également hors norme. Avec une moyenne de 7,2 positions pratiquées, ils se situent nettement en tête, loin devant les retraités (3,6) ou les ouvriers (4,5). En revanche, la note moyenne qu'ils accordent à leur propre vie sexuelle, 6,9/10, est sensiblement plus faible que ces mêmes ouvriers (7,4). Plus de huit sur dix estiment d'ailleurs avoir encore des choses à apprendre dans le domaine (83%, contre 72%).
L'amélioration de leur vie sexuelle passe, pour beaucoup d'entre eux, par une plus grande fréquence des rapports sexuels (39%, contre 29% pour l'ensemble). Elle passe également par un meilleur contrôle des facteurs qui portent atteinte à la qualité de leur vie sexuelle actuelle : les problèmes quotidiens (35%) et le stress (31%), auxquelles il fait ajouter, pour 31% d'entre eux, la peur de ne plus être désirable.

Pour les cadres, la sexualité appartient donc plutôt à la sphère privée. Ils préféraient ne pas voir ce sujet s'afficher sur la place publique, en sont presque choqués, refusent, plus que les autres catégories de Français, l'étalage, la récupération médiatique ou publicitaire, une vulgarisation qui toucherait au vulgaire. En fait, la sexualité obsède les cadres. Sorte de quête du Graal, ils y pensent plus souvent que la moyenne, cherchent la perfection, jugent qu'ils pourraient mieux faire, veulent en somme du plus et du mieux. La sexualité des cadres s'en trouve fortement intellectualisée, comme pour répondre parfois à un sentiment de frustration, vis-à-vis d'un domaine qu'ils estiment insuffisamment maîtriser.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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