L'accès à la santé, un problème croissant pour nombre de Français modestes
Chaque année, le baromètre Ipsos / Secours Populaire de la pauvreté permet de faire le point sur la question de la précarité en France : la manière dont elle est définie, vécue et crainte par les Français. La dixième vague du baromètre était cette année consacrée plus précisément à l’accès à la santé.
LE SEUIL DE PAUVRETÉ AUX YEUX DES FRANÇAIS EST DÉSORMAIS DE 1068 €, UN MONTANT LÉGÈREMENT INFÉRIEUR AU SMIC MENSUEL NET
En 2016, les Français considèrent qu’une personne seule est pauvre dans un pays comme la France quand elle dispose d’un revenu mensuel net de moins de 1068 € en moyenne. Ce seuil moyen était en recul depuis 2 ans, il progresse à nouveau, avec +14 € en moyenne par rapport à 2015. Il reste légèrement inférieur au SMIC mensuel net (1143 € depuis le 1er janvier 2016).
Ce montant reste par ailleurs supérieur au seuil de pauvreté officiel calculé sur la base de 60% du revenu médian national (1000 € en 2013 selon l’INSEE).
Chaque individu se prononçant en fonction de son environnement et de ses propres conditions de vie, le seuil de pauvreté moyen varie de manière relativement importante selon le profil des répondants. Le seuil moyen cité est plus élevé pour les hommes (1125 € contre 1015 € pour les femmes), les personnes âgées de 35 ans et plus (1107 € contre 974 € pour les plus jeunes) et les plus favorisés (1122 € pour ceux dont le revenu mensuel net du foyer est supérieur ou égal à 3000 € contre 934 € pour ceux qui perçoivent moins de 1200 €). Le seuil cité varie également de manière importante en fonction de la région de résidence, reflétant les différences de coût de la vie (1092 € pour les Franciliens contre 1063 € pour les Provinciaux).
LA CRAINTE DE VOIR SES ENFANTS BASCULER DANS LA PAUVRETÉ RESTE TRÈS ÉLEVÉE
Les Français restent cette année encore très majoritairement convaincus (à 83%), et ce quelle que soit leur catégorie sociale, que le risque pour la génération suivante de connaître un jour la pauvreté est plus élevé que pour la leur. Cette crainte reste particulièrement forte chez les catégories populaires : 92% des employés et ouvriers sont aussi persuadés que le risque est plus élevé pour la génération de leurs enfants.
Quant à la peur de basculer soi-même dans la pauvreté, si elle décline légèrement par rapport à l’année dernière (55% ; -2 points déclarent désormais s’être déjà dit à un moment de leur vie qu’ils étaient sur le point de connaître une situation de pauvreté), cette proportion reste supérieure de 10 points à celle mesurée en 2007 à la veille de la crise qui a frappé l’Europe.
LA PRÉCARITÉ RESTE UNE RÉALITÉ POUR UNE PROPORTION PRÉOCCUPANTE –ET CROISSANTE– DE FRANÇAIS
La proportion de Français qui déclare avoir déjà effectivement connu la pauvreté est par ailleurs en augmentation par rapport à l’année dernière : 38% (+3). Les Français qui sont les plus nombreux à en avoir déjà fait l’expérience sont les femmes (39%), les 35-59 ans (44%) et les personnes appartenant aux catégories socioprofessionnelles modestes (51% des employés et ouvriers). Les interviewés dont les revenus actuels sont les plus faibles sont par ailleurs une majorité à avoir été confrontés un jour à la pauvreté (68% ; +4 points par rapport à l’année dernière).
Dans le détail, une proportion non négligeable de Français fait face à de multiples difficultés au quotidien.
L’accès aux loisirs et à la culture est particulièrement problématique : 47% déclarent ainsi avoir des difficultés financières pour partir en vacances au moins une fois par an (73% pour les foyers dont le revenu mensuel net est inférieur à 1200 €), 41% pour accéder à des biens ou des activités culturelles et de loisirs pour eux et leur famille (72% pour les plus modestes).
Immédiatement ensuite viennent les difficultés d’accès à la santé, en particulier le paiement de certains actes médicaux mal remboursés par la sécurité sociale (36% des Français sont concernés, 64% chez les plus modestes). Disposer d’une mutuelle santé est d’ailleurs source de difficultés financières pour une proportion importante de foyers modestes (53%), tout comme se procurer une alimentation saine permettant de faire 3 repas par jour (48% des foyers modestes).
Enfin, les dépenses de logement, d’énergie ou de transport sont également source de difficultés pour une majorité de personnes dont le revenu mensuel net du foyer est inférieur à 1200 €.
L’ACCÈS À LA SANTÉ, UN PROBLÈME CROISSANT POUR NOMBRE DE FRANÇAIS MODESTES
Par rapport à 2008, les difficultés d’accès aux soins en matière d’optique et de soins dentaires se sont renforcées : 35% des Français déclarent ainsi en 2016 avoir déjà en raison de leur coût renoncé ou retardé de plusieurs mois l’achat de prothèses dentaires (+4 points par rapport à 2008) ; 30% ont dû faire de même pour l’achat de lunettes ou lentilles de contact (+1 point) ; 28% pour la consultation d’un dentiste (+5) et 25% (+1) plus généralement pour un médecin spécialiste.
Les difficultés dans ces domaines se sont encore plus fortement accrues pour les Français les plus modestes (ceux qui appartiennent à un foyer dont le revenu mensuel net est inférieur à 1200 €) : 50% (en hausse spectaculaire de +22 points par rapport à 2008) ont renoncé ou retardé une consultation chez le dentiste, 39% (+9) chez un ophtalmologiste et 42% (+5) l’achat de lunettes ou lentilles de contact.
Les familles donnent clairement la priorité aux soins apportés à leurs enfants, raison pour laquelle le renoncement ou le report des soins destinés aux plus jeunes sont moins fréquents. Ces derniers restent néanmoins préoccupants, à la fois par le nombre d’enfants concernés, les conséquences de ces reports sur leur santé future, mais aussi sur ce que disent cette priorité des privations que s’infligent certains parents.
DEUX TIERS DES FRANÇAIS CONVAINCUS DE L’AGGRAVATION DES INÉGALITÉS EN MATIÈRE D’ACCÈS À LA SANTÉ
Les Français sont bien conscients que l’accès à la santé (qui recouvre à la fois l’accès aux soins et la prévention) s’est compliqué pour une partie de la population au cours des dernières années : 68% pensent que les inégalités en la matière se sont aggravées (dont 24% « beaucoup aggravées).
Au-delà de la question des ressources, la problématique des déserts médicaux sous-tend également cette réponse : les plus convaincus de l’aggravation des inégalités d’accès à la santé sont les ruraux (73%), alors les Franciliens sont les plus nombreux à penser que les écarts se sont réduits (35%).
LES FRANÇAIS CONVAINCUS QUE L’ACCÈS AUX SOINS DOIT CONSTITUER UNE PRIORITÉ DE L’ACTION DU SECOURS POPULAIRE
Interrogés sur les actions menées par le Secours Populaire dans le domaine de l’accès à la santé, les Français se montrent particulièrement convaincus de l’importance pour elle de concentrer son action sur l’accès aux soins pour les enfants (95% pensent qu’il doit constituer une priorité, dont 76% « tout à fait »), et dans un deuxième temps pour les adultes (91% dont 52% « tout à fait »).
Les actions de prévention sont également jugées prioritaires, bien que dans une moindre mesure (86% pensent qu’elles doivent constituer une priorité d’action, dont 50% « tout à fait »).
Enfin, le développement de projets de solidarité santé à l’étranger est soutenu par 63% des répondants (dont 26% qui jugent qu’il doit être « tout à fait » prioritaire).
Les Français se montrent sensibles à l’action menée par « les médecins du Secours Populaire », ces bénévoles qui apportent leurs compétences dans le domaine de la santé aux personnes en difficulté. À tel point que 54% déclarent qu’ils ont personnellement envie de soutenir cette initiative, que ce soit par un don ou une action bénévole.
Parmi eux, 20% sont même « tout à fait » enclins à y participer. C’est particulièrement le cas des jeunes (40% des 15-19 ans), séduits par cette initiative, mais aussi des personnes aux revenus les plus modestes (32%) et des Franciliens (25%).
Fiche technique :
Étude réalisée online, du 11 au 15 juillet 2016, sur 1 000 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.