Les Français tentés par la poursuite de la cohabitation
Selon une enquête Ipsos-le Point, une courte majorité de sondés préféreraient que la cohabitation continue après les élections présidentielles et législatives de 2002. Le scrutin élyséen est désormais beaucoup moins considéré comme le moment clé de la vie politique.
Les Français seraient-ils fatigués de la monarchie élective mise en place par Charles de Gaulle en 1965 ? L'enquête Ipsos-le Point consacrée à la perspective des scrutins groupés - présidentiel et législatif - au printemps 2002 suggère que le modèle du chef d'Etat omnipotent a vécu dans l'esprit public. La troisième cohabitation, entamée au printemps 1997, semble avoir donné le coup de grâce au schéma traditionnel qui voyait le président de la République imposer sa domination politique et institutionnelle.
Longtemps phare de la vie politique française, l'élection présidentielle n'a plus le caractère sacré de naguère. Quatre sondés sur dix seulement estiment que le scrutin élyséen est "plus important" que la compétition législative. L'écart n'est que de sept points. Il est vrai que la dernière élection législative a permis au peuple français de désavouer son choix présidentiel antérieur... Les sympathisants de la formation néo-gaulliste qu'est le RPR ne sont même pas la moitié à décréter bataille suprême la conquête de l'Elysée. Quant aux électeurs proches de formations mineures, comme le PC, l'UDF ou le RPF, ils préfèrent logiquement une joute législative dans laquelle leur parti a de meilleures chances.
Tout se passe comme si une fraction importante de l'opinion s'était habituée à ce jeu d'équilibre institutionnel que l'on nomme " cohabitation ". L'idée de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier - la présidentielle servant alors à contredire les législatives - est partagée par une majorité relative de personnes interrogées. La volonté de retrouver une cohérence politique à la tête de l'Etat n'en est pas moins affichée par une proportion presque équivalente. Ce sont les sympathisants de gauche qui se montrent les plus cohabitationnistes tandis que ceux de droite ont la nostalgie de l'alignement constitutionnel classique.
La cohabitation est entrée d'autant plus profondément dans les têtes qu'elle est actuellement incarnée par deux personnalités fortes qui dominent très largement leurs camps respectifs. Alors que ce n'était pas le cas il y a un an, une majorité de sondés prévoient aujourd'hui un futur duel entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. L'idée que l'issue de l'élection législative devrait conduire à reconsidérer le choix du candidat à l'élection présidentielle de la gauche et de la droite est très minoritaire. Les Français souhaitent visiblement que Jospin brigue l'Elysée même si sa majorité est battue aux législatives immédiatement antérieures. De même, veulent-il que Chirac porte les couleurs de la droite, quand bien même celle-ci serait à nouveau défaite à l'Assemblée nationale. Les sympathisants de chacun des deux camps sont les moins enclins à sanctionner leur champion inefficace par hypothèse.Cela s'explique sans doute par le sentiment très partagé d'une absence d'alternatives crédibles, à droite comme à gauche. Les Français n'en ont apparemment pas fini avec le duel des deux têtes actuelles de l'exécutif.