Les salariés de plus en plus préoccupés par le pouvoir d’achat, les chefs d’entreprise pessimistes sur la possibilité d’augmenter les salaires

La quatrième vague de l’Observatoire des Acteurs du Travail commandité par l’Institut Manpower pour l’Emploi dresse un tableau pessimiste de la situation : des salariés de plus en plus préoccupés par leur pouvoir d’achat et des chefs d’entreprise plus pessimistes qu’en juillet sur la possibilité d’augmenter les salaires. Si les salariés partagent en partie l’analyse des chefs d’entreprise sur les freins à l’emploi ou les réformes qui pourraient être adoptées, ils considèrent néanmoins que les dirigeants ne jouent pas toujours le jeu de l’emploi.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Invités à faire part de leur principale préoccupation dans les prochains mois entre niveau de salaire, maintien de l’emploi et temps de travail, les salariés indiquent majoritairement (51%) être préoccupés avant tout par leur niveau de salaire, soit 5 points de plus que lors de la précédente vague réalisée en juillet dernier. Jamais cette préoccupation n’avait été aussi élevée depuis 1996. Cette hausse est particulièrement prégnante auprès des salariés du secteur public (52% ; +8 points) mais touche également les salariés du secteur privé (51% ; +4 points).
La crainte à l’égard de l’évolution de leur pouvoir d’achat se traduit également par la forte progression du pessimisme concernant leurs perspectives d’évolution de niveau de vie. Ainsi, 44% des salariés estiment que le niveau de revenus et le pouvoir d’achat de leur foyer va diminuer dans les mois qui viennent, soit 23 points de plus qu’en juillet dernier. Un salarié sur cinq (21%) considère même que son pouvoir d’achat va « nettement » baisser. Désormais, seuls 16% des salariés (-5 points) considèrent que leur pouvoir d’achat va augmenter dans les mois qui viennent, et 40% (-17 points) qu’il va rester stable. Notons que la progression du pessimisme émane aussi bien des salariés du secteur privé (44% ; +23 points) que du secteur public (44% ; +20 points).
Ces résultats montrent à quel point les salariés sont en attente sur ce sujet depuis l’élection présidentielle, dont la campagne a été marquée essentiellement par le thème du pouvoir d’achat, et semblent, pour le moment du moins, insatisfaits à cet égard. 
A l’inquiétude des salariés sur ce sujet répond une baisse de l’optimisme des chefs d’entreprise, l’embellie observée chez ces derniers juste après l’élection présidentielle semblant être retombée. Ainsi, si les chefs d’entreprise se montrent globalement optimistes concernant la santé économique de leur entreprise (72% ; -3 points) et, dans une moindre mesure, l’évolution de leur secteur d’activité (55% ; -12 points), seule une petite minorité d’entre eux exprime la même confiance concernant les possibilités d’augmenter les salaries de leurs salariés (35% ; -15 points) et les possibilités d’embauche (29% ; -9 points). La question des salaires est donc celle qui enregistre la plus forte baisse d’optimisme de la part des chefs d’entreprise, ce qui n’est guère rassurant pour des salariés en forte attente sur le sujet.
Les solutions ? Sans surprise, les chefs d’entreprise considèrent que le niveau des charges sociales et des impositions constitue le principal frein à l’emploi en France (75%), loin devant toutes autres explications proposées. Les réponses des salariés sont en revanche plus contrastées, dans la mesure où ils identifient essentiellement deux freins : le niveau des charges sociales (43%), mais également le fait que les chefs d’entreprise « privilégient trop la rentabilité économique et ne jouent pas le jeu de l’emploi » (47%). La dénonciation du niveau des charges n’est donc plus l’apanage des chefs d’entreprise, mais alors que ces derniers limitent la situation actuelle presque exclusivement à ce seul frein, les salariés semblent également dénoncer l’attitude des chefs d’entreprise dans le jeu économique.

Par ailleurs, invités à se prononcer sur un certain nombre de réformes potentielles, les chefs d’entreprise estiment très majoritairement que celles-ci créeront davantage d’emploi que de précarité (74% concernant la rupture du contrat de travail par consentement mutuel, 67% la suppression des allocations des chômeurs après trois refus d’un emploi correspondant à leur qualification, 65% le développement des contrats de mission et 54% l’allongement de la période d’essai du CDI). Les salariés, là encore, semblent partager pour partie cette analyse, mais dans des proportions plus modérées. Ces derniers se montrent en effet partagés sur la plupart des réformes testées, qu’il s’agisse de la suppression des allocations aux chômeurs qui refusent trois fois un emploi correspondant à leur qualification (49% estiment que cela créera essentiellement de l’emploi, 47% pensant à l’inverse que cela entraînera surtout de la précarité), la possibilité de rompre un contrat de travail par consentement mutuel (46% contre 45%), le développement des contrats de mission (41% contre 55%) et l’allongement de la période d’essai pour le CDI (34% contre 59%).

Enfin, salariés comme chefs d’entreprise s’accordent pour estimer que pour améliorer le suivi et l’aide des chômeurs, il faut avant tout les former à des métiers où les besoins de main d’œuvre sont importants, même si cela ne correspond pas à leur métier d’origine (56% des salariés et 63% des chefs d’entreprise), loin devant la mise en place d’un véritable suivi personnalisé (respectivement 28% et 16%), le renforcement de la coopération entre service public et acteurs privés de l’emploi (13% et 17%) et l’augmentation des allocations versées aux chômeurs (2% et 0%).

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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