Partir en mission humanitaire : enrichissant et enthousiasmant

Ils sont 10 000 à être partis en mission depuis 1998 sur des projets de développement et d'urgence humanitaire. Les Volontaires de Solidarité Internationale sont des professionnels qui s’investissent pour construire un monde solidaire. Afin de mieux les connaître, le Comité de Liaison des ONG Volontariat a demandé à Ipsos de réaliser une enquête auprès de volontaires revenus de mission depuis 5 ans et moins. L’étude révèle leur enthousiasme pour leur mission, mais aussi la perception du manque de reconnaissance de ce statut au retour en France.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Un profil spécifique

L'enquête réalisée par Ipsos pour le Clong Volontariat souligne tout d'abord l'atypisme du profil des VSI (volontaires de solidarité internationale), tant du point de vue socio-démographique que citoyen. Cette population très jeune (75% des VSI sont âgés de 25 à 34 ans) est largement diplômée : 73% disposent d'au moins un bac+3 et 39% sont issus d'une grande école, d'un DESS ou d'un DEA.

Par ailleurs, afin de permettre une vision évolutive du devenir des volontaires depuis leur retour en France, l'étude a porté sur un échantillon de personnes revenues depuis 5 ans et moins. Aussi, l'échantillon compte un tiers de volontaires partis en qualité de coopérants du service national, avant la disparition du service national obligatoire. Or, au sein des VSI, les coopérants disposent d'un profil vraiment atypique : très masculin (92%), très jeune (61% ont moins de 30 ans) et en majorité étudiants avant leur départ en mission (53%). Cette population qui se caractérise donc par son niveau d'étude avancé et son statut de jeune diplômé aux portes de la vie active explique également qu'un peu plus de la moitié des volontaires n' exerçait pas d'activité professionnelle avant le départ.
Toutefois, même auprès des actifs, le profil typé des VSI subsiste : à leur retour de mission, 70% sont cadres supérieurs ou professions intermédiaires contre 20% au sein de la population française et les deux tiers travaillent dans le secteur de l'administration (69% vs 42% auprès des Français) et notamment dans l'éducation.

De plus, qu'ils soient jeunes diplômés ou déjà engagés dans la vie active, les volontaires se caractérisent également par leur attitude en matière de citoyenneté : comparés à l'ensemble de la population française, ils sont une très large majorité à considérer l'engagement comme facteur de progrès social (94% le voient comme " un moyen de faire avancer les choses " contre 77% des Français) quand un cinquième des citoyens le conçoit plutôt comme " un moyen de se défendre " (seuls 2% des VSI partagent cette idée).

Cette attitude implique également un plus fort désir d'exprimer leurs droits citoyens et d'engagement dans la vie de la cité comme en témoigne le tableau suivant.

Pour chacun des droits suivants, dites-moi si c’est un droit que vous avez envie d’exercer en ce moment ?

Réponse « Oui »

Ensemble des VSI Base : 501
%

COMPARAISON ENSEMBLE DE LA POPULATION FRANCAISE* %

S/T AU MOINS UNE CITATION

100

NC

      Voter

97

83

      Être membre d’une association

90

64

      Donner de l’argent pour une cause

82

66

      Signer une pétition

80

62

      Soutenir le boycott de certains produits

58

38

      Manifester dans la rue

56

36

      Faire grève

43

40

      Adhérer à un syndicat

27

31

      Adhérer à un parti politique

19

16

S/T N’a envie d’exercer aucun de ces droits

-

NC

(1) Total supérieur à 100, plusieurs réponses possibles

(1)

(1)

* Baromètre CIDEM/SOFRES réalisé auprès d’un échantillon représentatif de la population française[1]

[1] Enquête réalisée par la Sofres les 11 et 12 avril 2003 pour le CIDEM auprès d’un échantillon national de 1 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage PCS) et stratification par région et catégorie d’agglomération.

De plus, les volontaires ne se limitent pas à une approche théorique de l'engagement : les deux tiers des interviewés étaient impliqués dans un mouvement associatif, religieux, politique ou syndical avant mission. Ils sont encore 75% à l'être au retour, avec une forte représentation d'élus ou de salariés dans ces mouvements.
La durée des missions effectuées à l'étranger constitue également un nouvel indicateur de la prégnance de leur implication : les trois quarts des volontaires (71%) sont partis pour une mission d'une durée comprise entre un et trois ans ; un peu plus du quart (28%) entre deux et trois ans.

Etre Volontaire de solidarité internationale : un engagement gagnant-gagnant

" Partir comme volontaire, c'est accepter, pour un temps, de mettre ses compétences de façon désintéressée au service d'une action sur le terrain. C'est un véritable engagement. " Marie, actuellement volontaire en Haiti, résume bien la perception des interviewés, qui soulignent les apports incontestables de la mission tant d'un point de vue humain que professionnel. Ainsi, les VSI estiment spontanément avoir développé de nombreuses qualités personnelles lors de leur mission. Sont essentiellement citées des qualités humaines, dont notamment l'ouverture (75%), l'adaptabilité (67%), le sens de l'écoute (44%), le don de soi aux autres (33%) ou encore la ténacité (13%).
Le niveau de satisfaction à l'égard de la mission s'avère d'ailleurs unanime : 96% des volontaires s'estiment satisfaits de leur mission, dont 75% " très satisfaits ". Il est important de noter que ni la durée de recherche d'emploi au retour, ni la perception des éventuelles difficultés qui s'ensuivent ne viennent émousser cet enthousiasme.

Pourtant, un retour de mission qui ne se fait pas sans mal…

En dépit de ce fort niveau de satisfaction, les volontaires se montrent plus réservés lorsqu'il s'agit de parler du retour en France : une courte majorité (57%) juge que les mois qui ont suivi leur retour ont été " plutôt faciles " quand près de la moitié (43%) l'a vécu péniblement, un interviewé sur dix (11%) qualifiant son retour de " très difficile ". Le sentiment de décalage avec ses proches au retour de mission est cité par près des deux tiers des VSI (62%) et les problèmes de santé concernent un peu plus d'un interviewé sur dix (12%).

Une expérience jugée professionnellement formatrice mais difficile à faire reconnaître

Alors que les volontaires sont bien plus diplômés que l'ensemble de la population française et en dépit des apports professionnels de la mission, ils déplorent pour le tiers d'entre eux la difficulté à valoriser les compétences acquises au cours de la mission. Même si elle est l'occasion pour 41% d'entre eux, de vivre une première expérience professionnelle, 37% des volontaires soulignent y avoir gagné en adaptabilité, en nouvelles compétences (26%) ou en qualités managériales (19%). Ces bénéfices apparaissent d'autant plus tangibles que sur les 30% de volontaires qui ont changé d'orientation professionnelle à leur retour de mission, la majorité (60%) a souhaité cette réorientation pour mettre à profit les compétences nouvellement acquises.

Parallèlement, c'est précisément la question de la valorisation des compétences acquises au cours de leur mission qui apparaît comme difficulté majeure lors du retour. Seul un peu plus d'un interviewé sur dix estime que l'administration, les entreprises et les associations et organismes d'aide à la recherche d'emploi connaissent le statut des VSI (respectivement 16%, 13% et 12%). L'administration est encore en retrait lorsqu'il s'agit de reconnaître les compétences issues de la mission : moins d'un cinquième le pense (17%) quand environ un tiers des interviewés attribue cette qualité aux entreprises (35%) et aux associations et organismes d'aide à la recherche d'emploi (31%).

Les volontaires soulignent donc ici le hiatus auquel ils sont confrontés au retour : quoiqu'ayant tous l'impression d'avoir nouvellement acquis des compétences, ils sont confrontés pour une large partie d'entre eux à la question de la reconnaissance de leurs qualifications et se pose donc concrètement au retour, la question de la réinsertion professionnelle. Or, si plus de la moitié des personnes ayant recherché un poste à leur retour, a trouvé un emploi satisfaisant à l'issue de moins de 6 mois, un cinquième des volontaires y a consacré une durée supérieure et 5% n'ont toujours pas trouvé. Ces résultats plutôt positifs dissimulent toutefois l'inégalité des volontaires face à la recherche d'emploi : les facteurs les plus discriminants relèvent tant du profil individuel (niveau de diplôme et âge) que de la durée de la mission. Ainsi, partis pour une plus longue durée, les volontaires sont davantage pénalisés. Inversement, cette durée se réduit pour les anciens coopérants, qui bénéficient des profils les plus attractifs pour les entreprises.

Des démarches administratives qui restent lourdes

Corollaire au jugement sévère que les interviewés portent sur le niveau de connaissance du statut de leur principaux interlocuteurs, et notamment l'administration, les démarches administratives constituent l'une des principales difficultés évoquées (33%)… ce alors même que beaucoup de volontaires émanent eux-même du secteur public. De la même façon, l'évocation de la difficulté à conduire des démarches administratives au retour croît nettement avec la durée de la mission.

Le volontariat : un engagement qui mérite une plus forte (re)connaissance

La déception face au manque de reconnaissance de leur statut apparaît d'autant plus compréhensible que les volontaires soulignent à quel point leur mission a eu une influence sur les comportements de leurs proches : les volontaires estiment que leur expérience a incité leur entourage à s'intéresser aux questions de coopération internationale (85%), à s'engager dans une mission de volontariat de solidarité internationale (63%), à réaliser un parrainage ou à faire des donations à des associations (60%) ou encore à adopter des conduites socialement responsables (achat de produits issus du développement durable, investissement dans des fonds d'épargne solidaire) pour 52% d'entre eux.

De même, à leur retour, les VSI s'investissent nettement plus que la moyenne sur le terrain associatif. Ainsi, à l'issue de leur mission, les trois quart des VSI sont investis dans un mouvement, principalement associatif ou religieux et le cumul de plusieurs activités continue de concerner un tiers d'entre eux. Enfin, plus d'un volontaire sur 10 (15%) s'engage dans un mouvement à son retour de mission alors qu'il ne l'était pas avant son départ. La générosité des VSI qui partent à l'étranger se retrouve ainsi dans leur niveau d'engagement et leur investissement personnel dans la société à leur retour en France.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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