Proche-Orient : l'opinion publique palestinienne tendue à l'extrême
L'enquête menée par l'université de Birzeit montre que l'opinion publique palestinienne s'est radicalisée. Les Palestiniens ne croient plus à la paix, soutiennent l'Intifada et la proclamation d'un Etat palestinien, quand bien même cela conduirait à un conflit militaire avec Israël.
Les résultats du sondage réalisé par l'université de Birzeit sont révélateurs du climat de tension qui règne actuellement dans l'opinion publique palestinienne. Les Palestiniens croient de moins en moins à la réussite du processus de paix initié par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en 1993. Aujourd'hui, plus de la moitié d'entre eux estime que le processus n'aboutira pas à la création d'un Etat palestinien indépendant, alors que seulement un tiers des personnes étaient de cet avis en février 1995. Le tiers des interviewés qui y croit toujours se recrute principalement chez les moins éduqués, les plus instruits étant nettement plus sceptiques. Pour plus d'une personne sur deux, ni les accords d'Oslo, ni les autres pourparlers, n'ont engendré de changements positifs dans leur quotidien.
Malgré l'ampleur de la déception, la majorité des Palestiniens (58%) soutient toujours "le processus de paix, sur la base des résolutions des Nations Unies", contre 35% qui à présent s'y opposent. Ils conditionnent toutefois leur soutien à des revendications si fortes qu'on voit mal comment un accord satisfaisant pour l'opinion publique pourrait être conclu avec Israël. Par exemple, la quasi-totalité des Palestiniens (92%) estime que "la paix est impossible si Jérusalem-Est ne devient pas la capitale d'un Etat palestinien". Une même proportion ne pense pas la paix possible "si Israël ne reconnaît pas le droit au retour des réfugiés". Surtout, à peine un Palestinien sur cinq est aujourd'hui prêt à accepter "une souveraineté israélienne sur Jérusalem-Ouest dans l'éventualité où Jérusalem-Est serait placé sous souveraineté palestinienne". A l'inverse, les trois-quarts des personnes interrogées, particulièrement les résidents de la Bande de Gaza, sont opposés à un tel partage de la Ville Sainte. En septembre 1996, 53% des Palestiniens y étaient pourtant favorables.
Aujourd'hui, six personnes sur dix ne croient plus en une "coexistence pacifique entre Palestiniens et Israéliens", contre une personne sur trois d'avis contraire. Plus significatif encore, les deux-tiers des interviewés ne verraient pas positivement, sous l'hypothèse de l'établissement d'un Etat Palestinien, "une amitié entre un Israélien et un Palestinien". Sur cette question, les plus jeunes sont également les plus réticents à une telle amitié.
Evidemment, comme le précise l'université de Birzeit en préambule de l'analyse de l'enquête, le contexte dans lequel l'étude a été menée, en plein Intifada et alors que les confrontations ont fait plusieurs dizaines de morts du côté palestinien, a incontestablement contribué à la radicalisation de l'opinion.
Toutefois, on voit mal aujourd'hui comment un terrain d'entente entre les communautés israélienne et palestinienne pourrait être trouvé. D'ailleurs 85% des Palestiniens ne considèrent plus Ehoud Barak comme un interlocuteur crédible pour l'Autorité palestinienne. Plus de sept personnes sur dix sont favorables à la déclaration unilatérale d'un Etat palestinien, malgré l'opposition américaine et israélienne, et pour plus de deux Palestiniens sur trois, cette proclamation doit se faire même si elle devait engendrer un conflit militaire avec Israël.
On est donc bien loin d'un arrangement à l'amiable. Déçus par les résolutions du sommet des dirigeants arabes au Caire en octobre dernier (plus de deux personnes sur trois, particulièrement les habitants de la bande de Gaza, en ont eu "une opinion négative"), la plupart des Palestiniens placent désormais leurs espoirs en l'Intifada pour mettre fin à l'occupation israélienne. Les trois-quarts des interviewés se prononcent ainsi en faveur de la poursuite de l'Intifada. Pour les deux-tiers, le "soulèvement" doit conduire à "la libération et à la proclamation d'un Etat palestinien". A l'heure actuelle, 77% estiment que "l'Intifada contribue positivement à la cause nationale Palestinienne".
Plus radicalement encore, la majorité pense que "la société palestinienne est prête pour un long et intense conflit" (55%), contre 38% d'avis contraires. La majeure partie de l'opinion soutiendrait aujourd'hui des "attaques militaires contre des cibles israéliennes" (80%). En 1995, de telles opérations n'étaient soutenues que par 33% de la population. Les cibles devraient être "essentiellement militaires" pour seulement 12% des personnes interrogées. La majorité en revanche voudrait que l'on vise "aussi bien les militaires que les colons" (33%), voire "tous les Israéliens sans distinction" (52%). Là encore, la conjoncture particulière explique au moins en partie ces positions pour le moins radicales.
Pour les Palestiniens, Yasser Arafat reste la seule personnalité politique émergente. La majorité des Palestiniens a évalué positivement l'attitude du Président de l'Autorité palestinienne durant l'Intifada (46%), contre 33% qui l'ont jugée "moyenne" et 18% "négative". Par ailleurs, si "une élection indépendante avait lieu pour désigner le président du peuple palestinien", 30% des personnes interrogées choisiraient Arafat, qui arrive ainsi largement en tête des personnalités proposées. Parallèlement, 30% des Palestiniens déclarent aujourd'hui "soutenir le Fatah", le mouvement d'Arafat, contre seulement 17% pour le Hamas, qui occupe la deuxième position. Les autres partis recueillent nettement moins de suffrages.
Cette étude laisse donc perplexe sur les chances d'un règlement pacifique du conflit au Proche-Orient, tant l'opinion publique palestinienne semble au bord de l'embrasement. Les attentats palestiniens et les représailles israéliennes qui se sont succédés depuis début novembre, date de réalisation de l'enquête, ont certainement contribué à exacerber encore une tension déjà très forte. La quasi-totalité des pays arabes à tenu à protester contre la brutalité des répressions israéliennes en réclamant "une protection internationale" pour les Palestiniens. Les négociations doivent, pour les Palestiniens, être menées sous l'égide des Nations Unies (39%) ou d'un autre interlocuteur (40%). Malgré les efforts de Bill Clinton pour réunir et mettre d'accord les protagonistes, ils ne sont plus qu'une faible minorité à estimer que les Etats-Unis doivent aujourd'hui "guider et surveiller" les négociations (3%).
Fiche technique :
Etude réalisée par le département "études" de l'université de Birzeit.1234 interviews réalisées du 6 au 8 novembre dans la bande de Gaza et le West Bank).Méthode des quotas.
Sur le site de l'université de Birzeit, vous trouverez plus de renseignements concernant l'étude et :