Publicités : Le Choc Amoureux
La bonne création publicitaire est toujours de l’argent bien placé ! Mais qu’est-ce donc qu’une bonne publicité ? C’est tout simple, est excellente la pub qui provoque un choc amoureux. Les Italiens qui s’y connaissent disent « Innamoramento », l’amour naissant ; les Français utilisent encore le vieux « s’enamourer ».
Provoquer un choc amoureux entre une marque et un consommateur est-il possible à coup sûr ? Evidemment non, et, au reste, dans toutes les langues ou presque, on dit bien tomber amoureux. Le choc amoureux ne se décrète pas, il se vit et se constate. Etre amoureux est un mouvement collectif qui ne concerne que deux êtres et l’amour se définira aisément (côté psychanalystes) comme la capacité d’être aimé par une autre personne sans que cela soit ressenti comme une menace.
Le produit, bien ou service, a un nom : la marque, et le consommateur, garçon ou fille, une identité, sa personne. Cette rencontre sera amoureuse dès lors qu’une transgression va s’opérer. C’est l’histoire de Roméo et Juliette, leur choc amoureux sépare ce qui était uni (R. et J. et leurs familles) et unit ce qui était séparé (deux ennemis programmés). La marque, via la création publicitaire, va se présenter au consommateur et réussir à s’imposer comme objet total de désir. Cela impose de tout réorganiser, comme si le passé devenait préhistoire et que la vraie histoire commençait maintenant. Evidemment, l’amour naissant est forcément monogame, même s’il est possible d’aimer plusieurs personnes en même temps. Mais soyons clairs, on ne peut tomber amoureux de deux personnes en même temps ! Tout comme il est impossible de vivre volontairement un choc amoureux, même si on le désire intensément.
Il importe, à ce stade, de transposer dans l’univers de la publicité. Les amours promotionnelles, le hard selling ne provoquent jamais de choc amoureux, ils se satisfont d’une relation conjugale routinisée, quoique plaisante, on sait que les cadeaux entretiennent l’amitié. L’habitude de consommation d’un produit, ou d’un service, équivaut à la fidélité, à la répétition d’un même comportement, bref à la ritualisation.
La bonne création publicitaire, créant le choc amoureux, apportera la rupture et, offrant la transgression, provoquera le changement d’habitude.Alors, vient le nouveau plaisir, celui qui n’est même pas coupable. Mais alors, existe-t-il un manuel de la bonne création, celui qui offrirait à la profession les garanties de l’excellence en publicité ? Evidemment non. Les guides de bonne gouvernance n’épuisent pas le sujet du bon gouvernement, celui qui est à la fois compétent dans ses actions et populaire dans ses personnes.
Le choc amoureux indique cependant quelques pistes à suivre. Pouvoir nommer la marque, avoir plaisir à la regarder, la penser différente des autres de sa catégorie, donc la voir et l’imaginer unique est le premier impératif. On plaidera ici pour une stratégie en rupture, une création de différenciation : plus la marque, via son expression publicitaire, sera une personne, plus elle se singularisera dans l’univers générique des produits. Cultiver la différence sans culpabiliser le consommateur car la transgression doit rester comme innocente, en tout cas sans impression de péché à se faire pardonner.
Les registres d’expression de la marque devenue une personne sont ceux du choc amoureux : singularité, allégresse, érotisme, optimisme, complicité,humour, confiance en soi, prise de parole. Seuls au monde, les amoureux s’embrassent, se mangent du regard, se touchent, se veulent inséparables. Ils sont gais et, dit la chanson française, voient la vie en rose. Ils sont sûrs d’eux puisqu’ils apprécient le regard et la tendresse de l’autre. Et quand ils font autre chose, ceux qui vivent en état de choc amoureux, ils échangent des mots (écrits, parlés, téléphonés, « SMSisés »).
La bonne publicité doit donc me parler, installer entre la marque et moi le plaisir de la conversation amoureuse. Vue par les professionnels des études et sondages, elle a nécessairement d’excellentes notes d’attribution ( je sais qui tu es) et d’agrément (tu me plais). La question est dans la prise de risque de l’annonceur, car la différenciation ne plaît pas à tout le monde. L’autre question est dans la transgression créative car elle doit rester hors du franchissement du tabou.
Allez, la prochaine fois, on parlera psychanalyse et fonctionnement de la communication ! Logiquement, l’argent demandé par les psys est aussi bien placé.