Réforme de l’audiovisuel public
Le projet de loi qui « organise la suppression de la publicité sur France Télévisions » a été présenté le 24 septembre au conseil des ministres avant d’être examiné et voté au parlement au cours de la session d’automne. La publicité devrait ainsi disparaître des antennes de France Télévisions après 20h au 1er septembre 2009, puis complètement au 1er janvier 2011*. Analyse et commentaires de Benoit Tranzer, Directeur Général d’Ipsos ASI en France.
La grande réforme qui doit peu à peu supprimer la publicité sur les chaînes publiques, va-t-elle entraîner une contraction du marché publicitaire français ?
Benoît Tranzer : Cette réforme engendre évidemment une nouvelle donne publicitaire. Je suis néanmoins convaincu que ce n’est pas la réforme qui va avoir des effets négatifs sur l’évolution du marché de la pub mais la santé des Marques et des principaux acteurs économiques. Il est évident que le risque de récession en Europe ne va pas encourager les entreprises à sur-investir en communication. Dans ce contexte économique, la bataille de part de marché des médias va s’en retrouver ravivée.
Justement, à qui profitera la réforme ?
B.T. : Les chaînes qui ont la capacité de proposer des écrans publicitaires à des niveaux d’audience très importants, comme c’est le cas de TF1 et M6, vont être les premières bénéficiaires de ce mouvement de report. Il faut rappeler que les marques ont besoin de communiquer vite et fort. Vite parce que les effets de leur communication doivent s’inscrire sur les ventes à court terme. Fort parce qu’elles ont besoin d’avoir des discours clairement entendus par les consommateurs. C’est la raison du succès des écrans situés à des carrefours d’audience majeurs.
Mis à part les deux poids lourds privés du PAF, qui d’autre ?
B.T. : L’ensemble des dispositifs média puissants en profitera certainement. Je pense à l’affichage voire aux produits collectifs de la PQR par exemple qui possèdent un niveau de couverture important. Mais cette loi va surtout accélérer le mouvement des marques à investir dans les médias à 360°. Internet devrait ainsi bénéficier fortement de cette évolution. Il y a fort à parier que la progression des investissements publicitaires sur le Web, comme celle de 30% enregistrée l’an dernier, va se confirmer et même s’amplifier. Les communications sur le point de vente pourraient aussi bénéficier de ce report.
Quelles pourraient être les conséquences pour les marques ?
B.T. : Cela va changer la façon dont la communication des marques se fait aujourd’hui en France. Cette nouvelle porte qui s’ouvre constitue une opportunité très intéressante pour évoluer.
Comment les téléspectateurs vont-ils réagir à l’inflation d’écrans publicitaires sur les chaînes privées ? Trop de pub ne va-t-il pas tuer la pub ?
B.T. : Je n’y crois pas du tout. Prenez d’autres pays européens comme l’Italie et l’Espagne où les téléspectateurs enchaînent les tunnels publicitaires de plus de 20 minutes ! Ils ne boudent pas les écrans pour autant. L’audience des chaînes n’est pas liée à la quantité de pub ou à la dérégulation de la législation en matière de publicité mais à l’attractivité des programmes.
Quelle est la marge de manœuvre pour les chaînes du service public ?
B.T. : Au-delà de la nouvelle donne publicitaire, c’est aussi une nouvelle donne sur l’offre télévisuelle en France. Les chaînes de France Télévisions qui revendiquent « le choix de la différence » ont leur carte à jouer, distincte de celle du privé. On parle déjà du raccourcissement des journaux télévisés le soir. Dès janvier 2009, le prime-time commencera plus tôt, dès 20h35. On imagine de nouveaux programmes dans un certain nombre de cases. Il va falloir observer de près l’évolution sur les grilles des différentes chaînes, privées et publiques, parce que l’audience est liée à ces programmes.
Les études d’Ipsos ASI vont-elles être impactées par cette réforme ?
B.T. : Nous allons démultiplier les études d’efficacité publicitaire à 360°. Nous avons commencé à en réaliser un certain nombre. La tendance va s’accentuer puisqu’il est clair que les marques chercheront à toucher le plus grand nombre de gens le plus rapidement possible. Les annonceurs vont certainement devoir trouver de nouveaux moyens de communiquer.
* Pour compenser les pertes budgétaires induites par la fin de la publicité sur le service public, la loi prévoit de taxer les opérateurs de téléphonie mobile et d’Internet, et d’imposer les recettes publicitaires des chaînes privées.