Sarkozy : une dynamique prometteuse, une arithmétique inquiétante
Malgré une forte dépression post-primaire, François Hollande reste le favori des sondages. Face à ces chiffres, Nicolas Sarkozy a cinq mois pour convaincre. Ses forces et ses faiblesses, analysées par Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos, dans un article publié dans la revue l'Hémicycle que nous reproduisons
L’arithmétique reste mauvaise. La dynamique est bonne. Tel est, à 5 mois du 1er tour, le constat que l’on peut faire de la situation du Président de la République.
Que ce soit en popularité ou en intentions de vote, la situation de Nicolas Sarkozy dans l’opinion est aujourd’hui très fragile. Sa popularité reste faible (37% de jugements favorables dans le dernier baromètre Ipsos Le Point, 59% de défavorables, soit un différentiel négatif de 22 points) et les indicateurs de vote ne sont guères brillants. Certes, tout porte à croire que Nicolas Sarkozy sera bien présent au second tour, ce qui, il y a encore quelques mois, était encore incertain : même si le point d’atterrissage de Marine Le Pen reste une des inconnues majeures du scrutin, l’écart mesuré, 6 à 7%, semble suffisant pour assurer au chef de l’Etat sa qualification. Pourtant et malgré le renoncement de Jean-Louis Borloo, Nicolas Sarkozy n’obtient, suivant les instituts, qu’entre 25% et 28% des intentions de vote au 1er tour. C’est en réalité très peu dans une offre à droite dégagée et notamment si l’on se rappelle qu’en 2007, il frôla les 32% et ce malgré la concurrence de François Bayrou (18,6% des suffrages, dont la ½ environ de droite qui se reportèrent sur Nicolas Sarkozy au second tour). Quant au second tour, les sondages se suivent et se ressemblent, créditant François Hollande d’un score aussi ahurissant qu’écrasant (entre 58 et 60%), en raison à la fois de la faiblesse du niveau initial de Nicolas Sarkozy mais également, de mauvais reports de l’électorat FN et d’un rejet persistant et fort dans l’opinion, assurant au leader socialiste, à l’inverse, de bon reports venant du FDG et des Verts.
Quelles sont, au-delà de ces données factuelles, les autres faiblesses du chef de l’Etat dans l’opinion mais également, ses forces ?
Dans la colonne négative, le Président est jugé par une très forte majorité de Français (60% et plus suivant les dimensions) comme étant insincère, pas honnête, pas sympathique et ne comprenant pas les problèmes des gens. Son bilan est également perçu négativement, tout particulièrement sur des points clés du contrat de 2007 : l’insécurité, le pouvoir d’achat, la croissance et l’emploi. Enfin, sur la question très actuelle des déficits et malgré les mises en accusation récurrentes des 35 heures et de la retraite à 60 ans, c’est d’abord la droite et Nicolas Sarkozy qui sont le plus tenus pour responsables de la situation.
En négatif également, le Président est tenu pour bien moins capable que François Hollande de réduire le chômage ainsi que les inégalités sociales et d’améliorer le pouvoir d’achat, la situation des retraites, de l’éducation nationale et du système de santé, toutes choses qui constituent les attentes prioritaires des Français - sachant que sur les déficits, ils font jeu égal.
Enfin, sociologiquement, les faiblesses de Nicolas Sarkozy sont fortes : la coupure avec l’électorat populaire, on l’a souvent rappelé ici, est très forte, tant le chef de l’Etat incarne « le haut » et « le Président des riches » et il faut aller au-delà de 60 ans pour lui accorder majoritairement ses suffrages. Or, même dans une société vieillissante, c’est une base trop faible.
Malgré cela, le Président conserve des atouts : son image, on l’a vu, est négative sur bien des items renvoyant à sa personne, à sa politique et à la désillusion issue du contrat de 2007 mais il est massivement perçu comme actif et dynamique, capable de prendre des décisions difficiles et ayant la stature présidentielle (ce qu’il avait en partie perdu et qu’il a su reconstruire). Sur ces 3 dimensions, il l’emporte même nettement sur François Hollande. Par ailleurs, autant en termes de crédibilité comparée, le Président s’efface derrière François Hollande dès que l’on aborde des dimensions économiques et sociale, autant c’est l’inverse, et de manière massive, sur les dimensions régaliennes : pour lutter contre l’insécurité et malgré le bilan, lutter contre l’immigration clandestine, faire face à une crise militaire et diplomatique, mieux faire fonctionner l’Europe, c’est à Nicolas Sarkozy qu’on fait davantage confiance. Le Président sait donc allier deux ressources : celle que lui confère l’exercice du pouvoir et de la politique étrangère, a fortiori en période de crise européenne, et celle qu’il tire de son image d’homme énergique, tranchant tout autant que tranché.
Enfin et toujours dans la colonne des atouts, Nicolas Sarkozy a maintenant clairement reconstitué un socle autour de lui : 84% des sympathisants UMP portent sur lui un jugement favorable ; ils étaient moins de 80% il y a quelques mois.
La dynamique maintenant : elle est également en faveur du Président, à un bémol près, qui reste important, les seconds tours. Toutefois, toujours très impopulaire, le Président l’est cependant moins et moins intensément qu’auparavant. Ainsi, il y a 9 mois, 68% des Français (contre 59% aujourd’hui) portaient un jugement défavorable sur lui. Et les jugements favorables étaient même tombés à 30%. L’amélioration est donc réelle. En termes d’intentions de vote, la progression est également perceptible : Nicolas Sarkozy obtenait 21% environ des intentions de vote il y a 7 ou 8 mois, il est aujourd’hui entre 25% et 28%. Enfin, en septembre, à l’issue du 1er plan de rigueur, dont le terme était d’ailleurs esquivé, la majorité donnait le sentiment de n’avoir ni cap, ni cohérence ; elle est aujourd’hui plus unie et la ligne qu’elle propose, si elle reste impopulaire, est néanmoins claire face à un candidat socialiste qui, depuis 3 semaines, a du mal à imposer son tempo et à affirmer son leadership.
Progressivement, la situation se décante donc, et se détend pour le Président. Si l’élection se joue sur des dimensions purement régaliennes, la dynamique peut éventuellement réduire ou rattraper l’arithmétique ; si en revanche les aspects économiques et sociaux pèsent toujours autant et/ou si le candidat socialiste retrouve sa dynamique, l’arithmétique actuelle, et elle pèse lourd, restera la loi d’airain.