Suppression de la publicité sur les TV publiques

Benoît Tranzer, Directeur général d’Ipsos ASI France, revient sur la récente annonce de la part du chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, d’une possible suppression de la publicité sur les chaînes de service public. Quelles seraient les conséquences pour les Marques/annonceurs, les publicitaires et les différents médias ?

Auteur(s)
  • Hélène Delpont Directrice Générale, Ipsos Connect
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L’annonce d’une éventuelle suppression de la publicité sur les chaînes de service public vous surprend-t-elle ?

Benoît Tranzer : « Cette décision s’inscrit dans un contexte général où les Politiques, Nicolas Sarkozy en tête, souhaitent s’impliquer plus fortement et peser sur la vie des Médias et des Marques. Il y a moins d’un an déjà, le secteur alimentaire s’était vu imposer la présence de messages sanitaires dans ses publicités. Ce phénomène, notons-le, n’est pas que franco-francais. Il y a 6 mois, ces mêmes marques alimentaires s’étaient en effet vues imposer un cadre réglementaire au niveau européen pour leurs « claims » santé qui ne doivent plus « tromper » les consommateurs. Nous avions, en outre, déjà connu ce type de phénomène dans le début des années 90 avec la loi Evin. En ce sens, cette décision n’est pas si surprenante. »

Qu’elle en est la première conséquence pour les Marques ?

B. T. : « Elle a trait à l’efficacité des publicités et en particulier à leur capacité à émerger, à être mémorisées. Avec la raréfaction des écrans qui touchent un public large, les Marques vont devoir apporter plus d’attention aux messages diffusés et à leur exécution. Il va falloir, encore davantage que par le passé, trouver de grandes idées publicitaires, avoir de bonnes histoires bien racontées. Dans ce nouveau contexte, on peut être sûr que les études de pré-test et de post-tests vont pouvoir les aider à bien comprendre la perception des publicités par les consommateurs. »

Vous suggérez que c’est une bonne nouvelle pour la création publicitaire ?

B. T. : « D’un point de vue créatif, sans doute oui. C’est en revanche une mauvaise nouvelle pour toutes les Marques qui ont besoin de média de masse pour communiquer, notamment leurs innovations. La concentration inévitable des publicités sur les chaînes privées va entraîner inévitablement l’augmentation du nombre des publicités dans les écrans. Or nous savons, pour avoir effectué des études très précises sur le sujet, que l’efficacité publicitaire est très sensible au nombre de publicités dans un écran. Plus l’écran contient de spots, plus est grande la difficulté d’avoir une bonne mémorisation de chaque publicité. Cette décision signifie qu’un annonceur sera obligé de dépenser plus pour une efficacité équivalente et ce, en dehors du phénomène d’augmentation des coûts de l’espace lié à un nouveau déséquilibre entre l’offre et la demande. D’autre part, nous savons tous que la fragmentation grandissante des audiences rend de plus en plus difficile d’avoir à disposition les moyens de toucher dans un temps réduit un nombre très important de consommateurs. La suppression des écrans très puissants de France Télévisions va être difficile à remplacer pour les annonceurs. »

Cette décision va-t-elle selon vous changer la répartition des investissements entre médias?

B. T. : « Il est clair que les arbitrages entre les médias et supports vont devoir être revus en fonction de cette nouvelle donne. Priver le marché publicitaire, agences médias et annonceurs, des écrans de France Télévisions va conduire à plusieurs transferts d’investissements ; d’un coté, nous allons assister à un premier transfert vers les chaines privées TF1, M6 et Canal + en tête, mais aussi vers tous les médias de masse qui vont aider à la compensation de ce manque d’espace. Gageons que l’affichage, autre média de masse, pourra aussi en profiter. De l’autre, nous allons voir les investissements de ce que nous appelons désormais les autres « Points de Contact » des Marques,  progresser significativement. Citons en premier, les médias digitaux, et notamment Internet qui cumule trois grands avantages : sa souplesse qui autorise une très grande créativité publicitaire, sa proximité qui permet le développement du lien émotionnel indispensable avec les Marques et enfin, sa capacité de ciblage qui permet la nécessaire individualisation dans la relation entre la Marque et le consommateur. Autre probable grand bénéficiaire, la communication sur le point de vente qui accompagne le consommateur vers l’achat du produit ou du service. Finalement, la décision du Président de la République peut être aussi vue comme un coup de pouce donné au développement des campagnes à 360°. »

Auteur(s)
  • Hélène Delpont Directrice Générale, Ipsos Connect

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